Hélène PENNACCHIO - Secrétaire Générale
Lorsqu’on parle avec un malade souffrant d’un trouble du comportement alimentaire (TCA), on est frappé du fait qu’il évoque quasiment toujours la culpabilité qu’il a de manger : « je me sens coupable de manger », « le regard de l’autre quand je mange m’angoisse, j’ai honte ». Presque tous les malades disent ceci ! Comme si, et c’est vraiment étrange, on pouvait être coupable de manger, alors que c’est une fonction vitale : il est nécessaire de manger, comme de respirer ou d’uriner. Comment peut-on analyser cette culpabilité ?
En premier lieu, il faut avancer une hypothèse : s’il est vital de manger, il y a peu de probabilité que le cerveau développe une culpabilité de le faire. Donc, il s’agit d’une culpabilité d’autre origine.
Une première possibilité est qu’il s’agit d’une culpabilité que la personne ne peut nommer (« innommable »). La personne a tellement honte de ce qu’elle a pensé que son cerveau l’évite (verrouille). Le cerveau, en fait, tente d’éviter les émotions trop fortes, qui « dépensent son énergie » (au sens propre et figuré du terme). Une émotion, ça vous « pompe » de l’énergie. Et il s’agit bien de calories brûlées, puisque le corps chauffe (la température augmente) quand on est stressé. De quelle nature pourraient être ces pensées honteuses qui donnent de la culpabilité.
Les principales sont :
Mais, sans qu’on en sache la raison, l’anorexie peut déclencher de la culpabilité : celle de faire du mal à ses parents, peut-être celle, physiologique, de s’opposer à une fonction « naturelle » (manger). Il est possible que les carences génèrent de l’anxiété qui est vécue comme une faute. Chez la patiente boulimique, mais aussi chez la patiente anorexique, la culpabilité vient du fait qu’on fait des choses qu’on ne comprend pas, qu’on n’explique pas. On est en colère contre son corps, qu’on accuse d’être nul (déjà qu’il était moche) et, par le fait, contre soi, puisque c’est notre corps.
En quoi la restriction peut-elle être une punition méritée (puisqu’on est coupable) ? La restriction est une souffrance : on lutte contre sa faim et son appétit. La boulimie, avec le vomissement qui lui fait suite, est une souffrance aussi, qu’on s’inflige à soi-même : on se fait vomir pour se punir. Ici encore, nous n’avons pas de preuve scientifique de ceci.
Puis les TOC apparaissent (un tiers des cas), qui sont une autre punition : c’est un peu comme quand on vous dit « tu feras cent lignes », puisque les TOC sont un comportement très répétitif !
D’un point de vue thérapeutique, il faut libérer cette culpabilité, expliquer à la malade d’où elle vient en réalité et ce qu’elle est, en espérant que la malade s’appropriera l’explication.
Il faut parler avec la malade, lui témoigner notre soutien, lui indiquer par nos expressions que ce n’est pas grave, que c’est normal, que d’autres sont dans le même cas et ont les mêmes pensées de culpabilité.
Petit à petit, la personne malade fait son chemin et se rendra compte qu’elle n’a rien fait de mal.
Publié en 2011