Anorexie, boulimie, compulsions alimentaires : l'association peut vous aider à voir les choses Autrement

Anorexie mentale et boulimie
Définition, symptômes et maladies associées Causes et mécanismes Descriptions et complications Etudes scientifiques Traitement
Alimentation et Anorexie Boulimie Anorexie, boulimie et affirmation de soi Anorexie et boulimie : approche nutritionnelle Anorexie et boulimie : préparer sa sortie d'hospitalisation Anorexie mentale et boulimie : que peut faire la famille ? Anorexie mentale et stimulation cérébrale profonde Boulimie : la traiter par les médicaments en 2018 La danse thérapie au secours des troubles alimentaires Guérir, c'est prendre un risque ! Guérir, c'est oublier ! Il paraît que je suis presque guéri(e) ! Importance de l'entourage familial Contre l'isolement des malades souffrant d'anorexie et/ou de boulimie La guérison des troubles alimentaires La psychothérapie, comment, pourquoi ? Le traitement : comment l'accepter ? Intérêt de la sonde nasogastrique dans l'anorexie et la boulimie Oser dans les troubles du comportement alimentaires ! Prévention de l'anorexie et de la boulimie : conseils pratiques Rôle des parents dans la guérison d'un trouble alimentaire Sevrage des crises de boulimie par sonde gastrique Sophrologie et TCA Thérapie comportementale et cognitive Thérapie familiale dans les troubles du comportement alimentaire Traitement des troubles alimentaires : quelle thérapie choisir ?
Autour des TCA
Obésité et compulsions alimentaires Diététique & Nutrition

Alimentation et Anorexie Boulimie


Prise en charge diététique d'une (un) malade souffrant d'anorexie mentale

L'anorexie mentale est une maladie complexe. Elle est responsable d'une peur de manger parce qu'on a peur de grossir. On entend dire parfois, hélas : « Les anorexiques, elles nous manipulent », « Les anorexiques, elles savent tout de la diététique » ou « Elles dissimulent qu'elles vomissent et rejettent toute idée de soins ». Ce n'est pas faux, mais ce n'est pas vrai non plus.

Des bases importantes à prendre en compte

La peur et le manque de confiance : Si ces malades semblent "affirmées" parce qu'elles s'opposent aux parents, aux proches et aux thérapeutes, si elles paraissent être peu dans le soin et si elles dissimulent, c'est parce qu'elles sont prises, en fait, dans un engrenage qu'elles ont bien du mal à casser. Prendre du poids leur fait peur : « et si ça ne s'arrêtait pas (sic) ! ». Quand elles ont décidé quelque chose, elles peinent à changer (on appelle ça, en psychologie) une forme de psychorigidité. On trouve souvent cette "volonté tenace" en cas d'anorexie. Cette rigidité (qui n'est pas un trait de caractère le plus souvent), les empêche de s'ouvrir à d'autres expériences que celle de la restriction alimentaire et du contrôle "à tout prix". Dans l'anorexie et l'anorexie-boulimie, mais aussi dans la boulimie :

On a envie de guérir, mais l'anorexie (la boulimie) l'interdit.

On voudrait bien être de ce monde, mais l'anorexie est à la fois une forteresse et une frontière.

On voudrait bien se battre mais on a peur de n'en être pas capables.

On rêve de faire comme il faut, mais les peurs en empêchent… et la peur de décevoir leurs proches empêche aussi ces jeunes filles ou jeunes femmes de vous le dire !

Il convient, quand on souffre d'anorexie, de se concentrer sur ces pensées (ci-dessus) et de voir, sans jugement, à quel point elles nous pourrissent la vie !! Comprendre comment fonctionne l'anorexie, ça aide à se battre.

Les personnes qui souffrent d'anorexie ou de boulimie croient tout savoir de la diététique. C'est une erreur. Elles en savent si peu et c'est normal, puisqu'elles n'ont pas quatre ans d'études ! Ce n'est pas de leur faute, ce sont juste des lieux commun qu'elles répètent et qu'on entend et qu'on voit partout : faire régime, c'est super, maigrir est utile à la santé, faire de l'activité physique ne peut pas être un crime, avoir le contrôle sur soi est une valeur noble, avoir peur des aliments qu'on nous propose, on l'entend dire et on le voit écrit partout dans les médias !!

Mais ne pas manger conformément à ses besoins est une erreur qu'on va payer cash ! Il convient de leur s'en souvenir.

La dénutrition : Les malades souffrant d'anorexie mentale (AM) sont dénutries. Mais attention : Cette dénutrition, curieusement, n'est pas visible sur une prise de sang : tout est normal dans le sang parce qule corps vole et utilise les ressources internes… de ses propres organes : si on ne mange pas à l'extérieur, le corps mange les tissus à l'intérieur. C'est une forme d'auto-cannibalisme connu. Dans le sang, ce que les médecins mesurent est normal (numération-formule sanguine, taux sanguin d'albumine, de pré-albumine, de ferritine, calcémie, magnésémie…). Normal, même à des poids très bas où n'importe qui peut voir que la personne est dénutrie.

De cette dénutrition, témoignent :

  • La fonte des masses musculaires
  • Et leur altération (incapacité aux efforts maximaux et à l'endurance, perte des muscles digestifs)
  • Les troubles du rythme cardiaque et la perte de masse cardiaque
  • Les troubles digestifs (ballonnements, douleurs, dyspepsie, constipation…)
  • L'ostéopénie (déminéralisation) puis l'ostéoporose (déminéralisation marquée qui conduit aux fractures dites "spontanées", après une simple chute de sa hauteur par exemple)
  • Les altérations de la peau et des muqueuses (peau sèche, qui parait "sale", muqueuses abimées, gencives fragiles, perte des cheveux et des dents)
  •  Les altérations dentaires, aggravées par les vomissements éventuels
  • Les troubles fonctionnels urinaires (on urine souvent et peu)
  • La diminution des capacités respiratoires
  •  Les œdèmes (les jambes et les pieds qui gonflent en dessous d'un IMC de 15 kg/m2)
  • L'effondrement des hormones sexuelles, responsables de l'arrêt des règles
  • … Entre autres.

Il convient de faire faire une ostéodensitométrie, examen simple et indolore, pour rechercher une ostéoporose.

Attention, cette dénutrition peut être marquée et impacter la vie de tous les jours :

  1. Vie professionnelle,
  2. Vie sociale et liens avec autrui,
  3. Vie affective (copains et copines, petit ami, conjoint et mari),
  4. Vie sexuelle.

Les carences nutritionnelles

A l'interrogatoire, il est facile de mettre en évidence des carences d'apport pour tous les nutriments (protéines, lipides et acides aminés essentiels, vitamines, minéraux et oligo-éléments…) chez les personnes qui souffrent d'anorexie, d'anorexie-boulimie, de boulimie, voire de compulsion ou d'orthorexie.

  • Une malade sur trois saute un repas,
  • Une autre malade sur trois saute deux des trois repas ou chacun des trois repas,
  • Une malade sur deux, après 5 ans d'évolution, ne se met plus à table.

Il est facile de se rappeler qu'il y a plusieurs mois que ça dure, parfois des années.

Il est utile de se rappeler que ceci ne peut pas se faire sans plein de carences.

Elles savent tout sur la diététique

Non, les malades qui souffrent d'anorexie, d'anorexie-boulimie, de boulimie, voire de compulsion ou d'orthorexie ne savent rien de la nutrition et de la diététique : comment le sauraient-elles ? Il faut quatre ans d'études ! Elles sont pleines de faux savoirs. Parmi ces faux savoirs, la calorie !

L'énergie : Non, les calories ne font pas grossir :

En 1er lieu, la calorie est une unité de chaleur. On "mange" des nutriments, pas des "calories" !

En 2ème lieu, la calorie est une unité de dépense énergétique : ça ne se stocke pas, ça se dépense.

En 3ème lieu, on dépense des calories même à ne rien faire : chez une personne qui reste au lit toute la journée, sans bouger un cil, cette dépense est considérable.

On brûle une quantité inouïe de calories, même sans bouger du tout. C'est ce qu'on appelle le métabolisme de base : tout ce qui sert à faire fonctionner notre corps (respiration, battements cardiaques, activités digestives, travail des reins, du foie, de la rate… et bien sûr du cerveau, gros consommateur d'énergie (exemple : l'angoisse nous épuise).

Car, même quand nous ne faisons rien du tout, le cœur bat, les poumons respirent, le cerveau travaille… Cette dépense dite "de repos" (la DER) est environ de 40 kcal/kg de poids/jour.

A la fin des 24 heures, une personne de 20 ans, d'une taille de 1,66 m et pesant 52 kg a dépensé, sans n'avoir rien fait (zéro activité, au lit toute la journée), près de … 1400 kcal/jour.

Dans cette DER, il y en a 10 % qui servent au renouvellement des cellules et des tissus.

La règle est simple : "Si ton corps a l'énergie dont il a besoin, il la dépense pour renouveler (rajeunir) les cellules de chaque organe !". "Si ton corps manque d'énergie (parce que tu es au régime) et/ou de protéines, il fait des économies sur ce poste de dépense appelé "renouvellements". Du coup, tu économises, mais ton corps ne se renouvelle plus. Est-ce bien raisonnable ?".

Métaphore : "Tu possède une cabane de bois au fin fond du Canada. C'est l'hiver. Tu chauffes, tu chauffes et un jour, tu décides de faire des économies et de ne plus acheter de bois de chauffage… (!), trop cher. Il y a un moment où tu as tellement froid que tu brûles dans la cheminée les chaises, les tables et l'escalier. Est-ce bien raisonnable ?

La DER est une dépense obligatoire. Tu ne peux pas décider de ne rien manger, parce que tu ne peux pas décider de ne rien dépenser ! C'est une loi : on appelle ça le principe de réalité".

Les protéines : on a des besoins de renouvellement des protéines. Pourquoi ?

  • Parce qu'il n'y a aucun stocks. Aucun stock du tout. Toutes nos protéines sont en mode "utilisation".
  • Or elles vieillissent. Et vieillies, elles fonctionnent mal !!

Métaphore : "Comme un mur qui a trop vieilli ou un moteur qui est trop ancien… Il faut en assurer l'entretien. Faute de quoi… le mur s'écroule (voyez les immeubles à Marseille récemment), le moteur tombe en panne.

Le taux de renouvellement obligatoire de protéines est de 0,7 g/kg/jour.

Il faut fabriquer des protéines (autre principe de réalité : on n'a pas le choix). Quand la nourriture n'apporte ni assez d'énergie ni assez de protéines, le corps les extrait… de l'intérieur de lui-même. Il prend l'énergie où il en trouve, c'est-à-dire aux muscles, au foie et au cerveau.

Si, en plus, il y a une carence d'apport en protéines, notamment animales, c'est pire : c'est bien pourquoi les malades qui souffrent d'anorexie, d'anorexie-boulimie et de boulimie perdent beaucoup de muscles !!

Au-delà de la carence quantitative, il existe une carence qualitative en acides aminés essentiels, notamment:

  • Le tryptophane, précurseur de la sérotonine. Un déficit en sérotonine engendre des troubles du sommeil (via la mélatonine), des troubles de l'humeur, une tendance dépressive
  • La tyrosine : elle favorise la psychorigidité, accentue l'anxiété et la démotivation.

Il est donc utile de complémenter l'alimentation au minimum en tryptophane et tyrosine, quand l'apport en protéines est trop faible, ce qui est le cas chez les trois quart des malades.

Résumé

Pour son fonctionnement, l'organisme dépense de l'énergie. Il n'a pas le choix. C'est comme ça, obligatoire.

Pour le renouvellement de ses tissus, l'organisme dépense de l'énergie et des protéines. Ça aussi, c'est obligatoire !

Au total, au repos absolu, cette dépense est obligatoire et doit être compensée : elle est de 40 kcal/kg poids/jour (DER) et de 0,7 g protéines/kg poids/jour. Et ça, c'est uniquement si on reste au lit toute la journée !

Une personne de 50 kg a donc au minimum une DER de 1400 kcal/j et un besoin de protéines de 35 g/kg/jour.

Toute perte de poids s'accompagne d'une perte de muscles. C'est obligatoire !

Toute situation de régime sévère fait perdre beaucoup de muscles.

Les malades qui souffrent d'anorexie, d'anorexie-boulimie, de boulimie, voire de compulsion ou d'orthorexie ont des déficits d'apport considérables, qui concernent de nombreux nutriments, tant macronutriments que micronutriments.

Il faut compenser ces déficits par des compléments (comprimés, gouttes, poudre).

                      ......................................

Les lipides : On l'oublie trop souvent : les lipides sont indispensables à la santé.

La carence en lipides est directement responsable de la perte des règles, par déficit en hormones féminines.

La dénutrition accentue cet effet.

Au point que 95 % des malades souffrant d'anorexie mentale perdent leurs règles sous un IMC de 17,5-18 kg/m2 et que 85 % d'entre elles retrouvent leurs règles à un IMC de 18-18,5 kg/m2.

La carence en lipides est directement responsable d'une partie des troubles cognitifs observés dans l'anorexie mentale. Une part de la psychorigidité y est liée.

La dépression, si fréquente a minima, est accentuée par la carence en acides gras oméga trois et en sérotonine.

L'anxiété par celle en dopamine et sérotonine.

Les micronutriments : On l'oublie souvent : certains micronutriments jouent un rôle dans la dépense énergétique. Surtout la vitamine D (qu'on ne trouve que dans le graisses et les gouttes).

Un taux bas de vitamine D augmente le risque d'être à terme quelqu'un d'obèse ! Parce que la carence en vitamine D fait baisser la DER (cf ci-dessus). Des auteurs scientifiques australiens ont montré que la vitamine D pourrait être responsable de 15 % de la variation de la dépense énergétique de repos (DER).

Il semble aussi que le couple zinc-calcium stabilise les membranes des mitochondries et aide à la gestion énergétique et protéique : meilleur rendement, meilleure efficacité.

Conclusion

Si on n'assure pas, grâce à l'alimentation, les besoins du corps, le corps se sert à l'intérieur.

Il fait, sous régime sévère, de l'auto-cannibalisme. C'est pourquoi à terme on fait des crises de boulimie et de compulsion : le cerveau nous pousse à manger, pour éviter le désastre. C'est pourqoui l'anxiété monte en fait, dans l'anorexie mentale et la boulimie.