Stoving RK et coll, des auteurs dannois (Journal Psychiatric Research 2009 ; 43 : 671-79), ont fait la revue de la littérature sur les relations entre leptine et anorexie mentale.
La leptine est une hormone. Elle est fabriquée par le tissu adipeux dans toutes les espèces de mammifères. C’est surtout le tissu adipeux sous-cutané (la graisse sous-cutanée) qui la sécrète, plus que le tissu adipeux abdominal.
Le rôle de la leptine est actuellement bien connu : lorsqu’on perfuse de la leptine, on observe une réduction de la sensation de faim (anorexie vraie), une perte d’appétit, une diminution de la prise alimentaire et une discrète augmentation de la dépense énergétique (calorique).
La leptine, fabriquée par le tissu adipeux, passe dans le sang et va agir au niveau du cerveau. Dans le cerveau, elle agit au niveau de l’hypothalamus. L’hypothalamus est une petite structure cérébrale situé entre les deux hémisphères (les 2 lobes, le droit et le gauche) cérébraux, à la base du crâne, juste au dessus de l’hypophyse.
L’hypothalamus est un organe clé, décisionnel dans la prise alimentaire : il comporte deux noyaux principaux : le noyau arqué et le noyau latéral. Le noyau arqué est en relation avec le sang (et donc la leptine sécrétée par le tissu adipeux).
La leptine agit, au sein du noyau arqué, de deux façons différentes et complémentaires :
L’action se fait via l’action de ces derniers (POMC et NPY) sur leurs récepteurs spécifiques (MC4-R pour le POMC et NPY5-R pour le NPY).
La leptine sanguine est effondrée le plus souvent dans l’anorexie mentale. La principale raison en est la réduction massive du tissu adipeux. Chaque adipocyte sécrète en effet une même quantité de leptine. La diminution du tissu adipeux s’accompagne donc obligatoirement d’une diminution de la sécrétion de la leptine. Et donc d’une baisse de la concentration sanguine.
A ce que l’on croit savoir, ceci entraîne une augmentation de la sensation de faim, puisque la leptine est anorexigène (elle bloque la faim). Donc la diminution très importante de la leptine sanguine dans l’anorexie mentale pourrait expliquer que chez beaucoup d’entre ces malades la faim et l’envie de manger demeurent. Ceci pourrait être une adaptation de l’organisme pour s’opposer au décès lié à la grande dénutrition.
Les règles : Chez la femme, la leptine interfère avec la sécrétion des hormones féminines : la leptine stimule le LH-RH (l’hormone qui stimule les hormones hypophysaires sexuelles), stimule la LH et la FSH (hormones hypophysaires sexuelles stimulant à leur tour la sécrétion ovarienne).
Donc la leptine stimule la sécrétion d’estrogènes et de progestérone. La baisse de la sécrétion de leptine induit donc une réduction de la sécrétion du LH-RH, qui induit à son tour un arrêt de sécrétion de la FSH et de la LH et donc une diminution de la sécrétion des hormones ovariennes sexuelles (œstrogène et progestérone).
La leptine pourrait donc être l’un des facteurs majeurs de l’aménorrhée (arrêt des cycles menstruels) dans l’anorexie mentale. A l’inverse, on sait que, à la puberté, c’est à partir d’un certain niveau du tissu adipeux (et donc de leptine) que la sécrétion des hormones ovariennes sexuelles se mettent en place.
Il semble que ce soit aussi le cas chez les malades souffrant d’anorexie mentale : ce n’est qu’à partir d’un certain poids (celui correspondant à un indice de masse corporelle de 18,5 kg/m2) que les règles reviennent, parce que la sécrétion globale de leptine est suffisante.
Il semble bien que la leptine est euphorisante. Des malades dépressifs ont un taux plus bas de leptine. La leptine a un effet antidépresseur (modéré) chez le rat et l’homme.
Un traitement antidépresseur s’accompagne d’une augmentation du taux sanguin de leptine. On sait aussi que les malades anorexiques sont souvent dépressives, même si elles ne s’en rendent pas toujours compte au début de l’anorexie. Il est donc possible que la leptine basse favorise cet état dépressif.
On sait de façon sûre que l’anorexie mentale s’accompagne d’une hyperactivité physique (50-60 % des cas). On sait aussi que, chez le rat, on peut provoquer un besoin d’hyperactivité physique si l’on soumet les rats au régime hypocalorique pour maigrir et qu’on leur propose de faire une activité physique. Chez ces rats « joggers » au régime, plus ils bougent et moins ils mangent, finissant par mourir si on ne fait rien. Chez ces rats, la perfusion de leptine dans le cerveau (hypothalamus) freine l’hyperactivité physique et augmente la prise alimentaire.
La leptine parait être le chainon manquant qui explique quelques faits observés dans l’anorexie mentale :
Publié en 2009