Anorexie, boulimie, compulsions alimentaires : l'association peut vous aider à voir les choses Autrement

Anorexie mentale et boulimie
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Anorexie mentale et boulimie : caractéristiques mentales


1. Y a-t-il des caractéristiques mentales spécifiques chez les malades atteints de troubles du comportement alimentaire (TCA) ?

Beaucoup de malades atteints d’anorexie mentale ou de boulimie partagent les mêmes caractéristiques. Il est même fréquent que ces traits soient tous présents, chez un même malade. Manque de confiance, crainte constante et excessive du jugement de l’autre, peurs et angoisse, difficultés sexuelles dominent le tableau.

Le Maître Symptôme bien sûr est la peur de grossir
. Lorsqu’il s’agit d’une malade atteinte d‘anorexie mentale, cette peur ne fait de doute pour personne. Elle a réussi à maigrir au prix d’efforts incroyables, ce qui lui a valu l’admiration de ses pairs et la crainte de regrossir ; elle sait qu’elle a été « grosse », elle a peur que le moindre kilo repris se « voit ».

La malade atteinte de boulimie a aussi cette peur de grossir. C’est cette peur qui est le fondement de la boulimie.

C’est une certitude de pensée : comme on sait qu’on a un gros nez. Rien ne peut l’effacer, car il n’est pas possible de savoir où commence le « trop ». Ce n’est pas « mesurable ». La pensée d’être grosse dépend du regard que porte la société sur cet aspect.

En termes symboliques par ailleurs, un danger, c’est toujours trop. Car la mémoire « allège le message » et les médias en rajoutent.

La malade se voit grosse, se trouve difforme (trop grosses cuisses, ventre énorme), alors que les autres ne voient qu’un squelette. Elle sait qu’elle n’est pas grosse, mais elle se sent grosse ! Au fond, cette peur d’être grosse, c’est la conviction de ne peser rien dans sa vie.

La peur de manger : plus la malade maigrit, plus elle a peur : elle sent qu’elle « pourrait » lâcher et que, si elle lâchait, « tout recommencerait ». 

2. Les 10 caractéristiques mentales des malades atteints de TCA

1. Le manque de confiance

Il est toujours là, omniprésent, chez tous les malades. Derrière la toute puissance de l’anorexique mentale, sa maîtrise de tout, il y a une grande peur, un énorme manque de confiance en soi. Il était souvent là avant, et la maladie ne fera que le renforcer. La malade ne s’en rend parfois pas compte, mais bientôt, elle se réveillera sans ami ni proche, sans vrai projet ni avenir. Et cet état de fait ne sera pas là pour lui redonner confiance.
Le manque de confiance est le maître mot, la pensée dominante. Il accompagne les malades partout, y compris sur le chemin vers la guérison. Il conditionne la peur du regard de l’autre, les difficultés face au désir, face aux autres, et notamment au sexe opposé. La crainte de ne pas y arriver en découle directement. Ne pas arriver à lutter, à guérir un jour.
La confiance est un joyau : elle s’alimente chaque jour à travers ce que chacun d’entre nous fait et réussit.

2. L'excès de perfectionnisme

Il est lié en partie au manque de confiance. Une définition d’abord : ce n’est pas du perfectionnisme. C’est même tout le contraire. Car ici l’excès de perfectionnisme confine vite à la maniaquerie, à l’obsession. Tout doit être parfait, sinon on pourrait mal vous juger. Certes, certain(e)s réussissent au delà de la moyenne en classe, mais échouent dès qu’il s’agit d’activité professionnelle adulte, faite de combativité, de compétitivité. Ils ne savent plus. Pour une raison assez simple : ils ne se battent alors plus que pour eux-mêmes !
Le perfectionnisme ici, c’est surtout la peur d’offrir son flanc à la critique. Alors on travaille deux fois plus que les autres. Or ce ne sont pas les gens qui ont trop peur de rater qui réussissent le mieux !

3. Le besoin de tout maîtriser et la peur de « lâcher prise »

Le malade atteint d’un trouble du comportement alimentaire a besoin de tout maîtriser. Les malades atteints d’anorexie mentale comme de boulimie. Dans la boulimie, il y a souvent au départ un besoin excessif de maîtrise. Tout devrait être connu, identifié, déterminé. Ce serait tellement plus simple : plus de choix, plus d’angoisse face à ces choix.
Il y a plusieurs raisons à ceci : la difficulté à faire des choix d’abord ; l’angoisse face à l’inconnu (l’avenir) ; la peur de ne pas y arriver ;
Se lâcher est une pensée qui fait peur : est-ce possible, est-ce permis, est-ce sans risque ? N’y a-t-il pas à lâcher prise une fois un risque de ne plus pouvoir s’en passer ?
Dans cette maîtrise que recherche à tout prix les malades, il y a aussi la peur de se faire plaisir et de ne pas pouvoir s’arrêter : c’est la pensée de ce désir qui est énorme, pas la malade !
Ce besoin de maîtrise est partout : pas de bain, où le corps risquerait de se ramollir. Plutôt une « bonne » douche froide. Pas de douceur d’un savon parfumé ; non, on frotte avec vigueur ou douleur. Pas de sieste bien sûr, ni de repos ; pas de sorties non plus ni d’ami(e)s… Il y a même chez certains malades une difficulté à dépenser pour soi qui approche l’avarice.
Il faudrait apprendre à lâcher prise, à se laisser aller parfois à la détente et au plaisir. Mais c’est si difficile pour quelqu’un qui ne le fait plus depuis si longtemps, qui a parfois même oublié ce que se faire plaisir voulait dire, qui se sent bien incapable souvent de dire ce qu’il a envie de dire, de faire ou de devenir, de dire même si cela lui arrive parfois d’avoir envie.

Il faut lui dire plusieurs choses :

  1. Que la dénutrition enlève les envies ;
  2. Que la restriction alimentaire voue l’organisme à ne penser qu’à la nourriture ;
  3. Que peur et envie ne font pas bon ménage ;
  4. Que l’envie revient... avec l’envie. « L’appétit vient en mangeant » n’a pas d’autre signification ! L’organisme cherche  à limiter la souffrance ou le manque. Ainsi le manque d’un plaisir que l’on a eu s’atténue-t-il au fil du temps.
  5. Que lâcher prise signifie aussi admettre que l’on peut être déçu.

4. La perte de l’image de soi

La perception de soi est mise en place de façon totalement inconsciente très tôt. Mais qui me dit que « JE suis moi » ? Petits, nous construisons notre identité sur des actes : mineurs et dérisoires peut-être, mais essentiels : nous reproduisons à l’infini des gestes, des actes qui nous font exister en ce sens qu’ils nous prouvent que celui qui les fait « quand il veut », est le même, et donc doit être unique et « moi ». Mais si je le fais et qu’en plus on le voit : c’est encore plus moi.

5. Le rejet du désir et la culpabilité

Le désir n’est jamais une pensée simple à gérer. Pour désirer et l’accepter, il faut avoir une image de soi qui le permette : le désir est-il acceptable ? Il est clair que notre entourage et nos parents dictent en quelque sorte notre relation à notre propre désir. L’idée qu’ils n’ont pas le droit d’accéder à leur propre désir est au centre du fonctionnement mental de ces malades. Cet interdit n’est pas si souvent dicté par leurs parents. Non, c’est quelque chose qu’ils se sont imposés. Qui suis-je pour m’autoriser à ce plaisir ? Ces malades n’arrivent pas à défendre leurs désirs à leurs propres yeux, alors forcément aux yeux des autres !

6. Le rejet de l’image de la femme.

Est-ce un hasard si les troubles du comportement alimentaire commencent à l’adolescence ? Est-ce un hasard si le corps est malmené par les malades atteints d’anorexie mentale jusqu’à ne ressembler que de très loin à une femme ? Est-ce un hasard si les formes sont gommées et si la forme prévaut sur les formes ? Le rejet de ces malades sur les fesses, les cuisses et le ventre est le témoin d’une peur du désir, le sien propre et celui de l’autre.
Chez les malades atteints de boulimie, cette peur, et souvent même ce dégoût de leur corps peut être en rapport avec une expérience sexuelle traumatisante.
Ces malades restent cependant féminines. Pourquoi ? Il y a peut-être une réponse : « paraître » une femme n’a rien à voir avec se vivre « soi » comme une femme. Accepter son désir de femme, accepter d’en « jouer » est un comportement qui vous implique et fait qu’on vous juge !
Séduire est un acte complexe. Si l’envie (le désir) de séduire est naturelle, dictée  par nos hormones et par la survie de l’espèce, le plaisir de séduire est moins accessible, surtout au détour de la puberté. La société ne fait rien pour clarifier la situation. Toutes les groupes, hordes ou troupeaux, ont à gérer ce difficile problème.
Le premier plaisir que nous avons, chronologiquement, c’est le plaisir alimentaire. Il se nourrit du désir de l’autre (le nourrisseur). Il est alimenté par l’amour.
J’aime que tu manges, j’aime te montrer que je mange. Ainsi, si l’alimentation, c’est à dire faire pénétrer des aliments dans notre bouche, a le sens de nourrir notre corps (en énergie, en vitamines...), elle ne prend son sens qu’associé à l’amour.

7. La difficulté d’expression verbale et émotionnelle

Un masque ! Tel est le visage du malade atteint d’anorexie mentale. L’expression a disparu, ensevelie sous la maîtrise. Le malade affiche une physionomie figée, où chaque muscle est tenu, figé. Ne rien laisser paraître de soi ! Un masque triste, parce que vide de sens !
L’idée derrière ce masque, est de ne rien montrer qui puisse lui être reproché. A commencer par le désir. A finir par la colère qui les hante parfois sans qu’ils en soient conscients.
Le contexte physiologique ? La peur et l’instinct de survie développent chez les animaux une attention particulière qui fait fi des autres émotions. Pas de place pour gérer autre chose ! Pas de temps pour ce faire. Les muscles sont tendus. Pour l’organisme, le seul vrai danger est un danger physique. Et le seul vrai moyen de s’en sortir est d’avoir les muscles tendus pour pouvoir s’enfuir plus vite, dos au prédateur.
La guérison passe sans doute inexorablement par l’expression de ses émotions. Retrouver le chemin des émotions, pour les laisser parler à chaque instant et ne pas les laisser s’accumuler en soi, est crucial. Ce n’est pas la guérison, mais c’est un grand pas vers elle. Mais exprimer ses émotions, ce n’est pas seulement les dire, c’est aussi trouver l’expression juste de la physionomie. C’est les exprimer !
Il faut y travailler sans cesse et c’est pourquoi nous pensons que les groupes d’expression corporelle et émotionnelle sont indispensables.

8. Méfiance et tendance à la dissimulation

Un des traits souvent reproché à ces malades est leur « besoin de mentir tout le temps », leur « perversité ». « On ne peut pas leur faire confiance ».
Le malade soumis à son anorexie mentale ment pour pouvoir continuer à ne pas manger. Ce faisant, il évite les conflits (il a horreur des conflits) et garde un petit coin à lui. Il y a sans doute aussi une certaine jouissance à faire quelque chose d’interdit.
Pour le malade atteint de boulimie, la dissimulation (« tous ces mensonges ») est liée à la honte. Imaginez-vous engloutir en quantités astronomiques des aliments cuits mais froids, avalés sans faim, ni plaisir, dans une perte totale de contrôle ! C’est que la honte rejaillit sur vous, vous vous voyez faire, incapable d’y résister !

9. L’attachement excessif à l’un des parents

Très souvent ces malades disent à quel point ils sont attachés de façon excessive à une mère ou à un père. Ou à l’inverse, que leur mère ou leur père ne les « lâchent » pas et sont « gavants ». Mais rien n’est moins facile que de n’être pas inquiet de la santé de sa fille anorexique, si elle pèse trente-deux kilos et qu’elle refuse de manger.
L’adolescence est aussi un âge où les ados trouvent leurs parents « gavants » et souhaiteraient, sans y parvenir souvent, prendre le large.
Il est vrai aussi que l’anorexie ou la boulimie favorisent un état de dépendance et son corollaire, le refus et l’agacement, lorsqu’on manque de confiance en soi. Ces troubles favorisent de plus un éloignement social, une exclusion, qui font que seuls restent les parents !
De plus, face à l’angoisse du lendemain, de l’avenir, les parents représentent l’enfance et ceci rassure. Il arrive parfois que cet attachement excessif soit lié au fait que le parent n’a pas su donner à l’enfant l’autonomie nécessaire à la construction de son identité d’adolescent ; ou bien que l’enfant n’a pas su ou voulu, ou osé prendre cette autonomie.

10. La peur de ne pas y arriver

Elle est au cœur du problème. Elle était là avant, elle est là pendant et elle accompagnera les malades jusqu’à la guérison, cette guérison qu’ils ont peur de ne jamais atteindre !
La peur est vague, confuse, omniprésente, elle vous tenaille. Elle s’immisce dans toutes les fibres de leur corps, elle empoisonne leurs pensées et guide leur comportement. Elle est là, toujours à portée, à porter aussi et elle est si lourde. La peur d’être vu, la peur d’être jugé, la peur d’échouer. Le trouble du comportement alimentaire est un refuge où la peur est moins forte, moins présente.
Il y a tant de problèmes à résoudre dans la vie et elle ne sait pas : elle risque de rater, de se ridiculiser. Derrière cette peur, il est un sentiment qui ne dit pas son nom : un amour propre excessif.

Résumons-nous :
On trouve le plus souvent dix « caractéristiques » chez les malades atteints de troubles du comportement alimentaire :

- Le manque de confiance
- L’excès de perfectionnisme
- Le besoin de tout maîtriser et la peur de « lâcher prise »
- Le perte de l’image de soi (difficulté à s’affirmer autrement que dans le refus)
- Le rejet du désir associé à un sentiment de culpabilité très présent
- Le rejet de l’image de la femme (séduction, sexualité)
- La difficulté d’expression verbale et émotionnelle (la difficulté d’introspection)
- La tendance à la dissimulation et la méfiance vis-à-vis de l’autre
- L’attachement excessif à l’un des parents
- La peur de ne pas y arriver (à guérir, à vivre…)

   Anorexie_Boulimie.jpeg

Le manque de confiance est à l’origine du trouble du comportement alimentaire. Il le crée, le renforce et sera renforcé par lui. C’est un des cercles vicieux de ces maladies.

L’excès de perfectionnisme confine vite à l’obsession. Tout doit être si parfait et immuable, que bien vite cet excès de perfectionnisme nuit à l’efficacité !

Car il faut tout maîtriser ! Ce besoin vient de la peur de se laisser aller à des émotions ou des désirs indicibles.

L’anorexique restrictive verrouille tout, ne s’autorise rien : pas une sortie, pas la moindre dépense, pas de désir, pas d’émotions, d’aspiration profonde. Et bien sûr, dans ce rejet, il y a souvent celui de la séduction.

De même, à force de ne rien s’autoriser, certaines boulimiques sombrent dans des pulsions incontrôlables, sans guère de plaisir. C’est cette honte, ce souci de ne pas faire de peine, cette peur de lâcher « sa » maladie, qui poussent les malades à dissimuler.

 

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Publié en 2007