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Anorexie mentale et boulimie
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Anorexie mentale, boulimie et prise de poids : la panique !


Pr D. RIGAUD - Président d'Autrement

Quel malade anorexique n’a pas paniqué à l’idée de ces kilos à prendre !
Grossir, oui, mais il faudrait au moins être sûr que ce ne soit pas que de la bonne grosse graisse !
Mais il faudrait se convaincre que ça s’arrêterait...

La peur de grossir frappe aussi la patiente boulimique qui finit par penser que si elle arrête de vomir, elle prendra un kilo par jour !

Bien sûr grossir fait peur quand on a pris l’habitude de ne manger qu’à peine. C’est une caractéristique des troubles du comportement alimentaire (TCA) que ce sentiment d’être trop gros, que cette peur de mal grossir. Si d’un coup de plume on ne peut rien ôter de l’angoisse qui est cachée derrière le TCA, en revanche on peut expliquer la prise de poids et rassurer sur les capacités de la nature à la rendre harmonieuse.

Pour mieux comprendre il faut prendre le problème à l’envers. Lorsque l’on maigrit, bien évidemment on veut perdre du tissu adipeux (du gras). On espère avoir une silhouette plus fine, plus musclée, plus sèche. En fait, la nature ne fait pas ce qu’on veut. Lorsque le poids passe en dessous d’un indice de masse corporelle (IMC) de 18 Kgm2, le corps cherche à se débarrasser de ce qui lui coûte le plus d’énergie. Or, quelle masse lui coûte t-elle le plus d’énergie ? Et bien ce n’est pas le tissu adipeux, mais bien au contraire la masse musculaire. La masse musculaire représente 40 % de la masse maigre.

En dessous d’un indice de masse corporelle de 18,5, à chaque fois que l’on perd un kilo, on perd 400 à 500 g de masse musculaire et 600 à 500 g de tissu adipeux. Schématiquement, à chaque fois que l’on perd 10 % de sa masse corporelle (par exemple 5 kg quand on en pesait 50), on perd 10 % de sa masse musculaire.

Or, le corps a, concernant la masse musculaire une « valeur de consigne minimale ». En d’autres termes, il cherchera, si on lui en donne les moyens, à retrouver le niveau inférieur de la masse musculaire normale. Donc, si l’on se nourrit avec rigueur, le corps cherchera en premier à rattraper son niveau de masse musculaire minimal.
Ceci signifie que chaque kilo repris sera composé de 60 % de masse musculaire. Le tissu adipeux, quand à lui n’augmentera significativement qu’au dessus d’un indice de masse corporelle de 18,5. Donc pour faire de la graisse au sens de devenir gras, il faut déjà que la masse musculaire minimale soit atteinte.

1. Quel est l’objectif ?

L’objectif de poids est justement d’atteindre cet indice de masse corporelle (IMC) de 18,5. Il y a deux raisons à ça :

  1. sortir de la maladie
  2. et récupérer des fonctions internes normales.

Statistiquement, la guérison définitive est deux fois plus fréquente chez des malades qui atteignent le poids correspondant à un indice de masse corporelle de 18,5 kg/m2 que chez les malades qui restent à un indice de masse corporelle de 17 – 17,5. Environ 80 % des malades guérissent dans le 1er cas, alors qu’à peine plus de 40 % guérissent s’ils ne veulent pas dépasser le poids correspondant à cet IMC de 17 – 17,5.

De cet IMC de 18,5, dépendent aussi de nombreuses fonctions physiologiques :

  • La minéralisation osseuse
  • la fonction féminine et les hormones sexuelles
  • le vieillissement optimal de la peau et des cheveux
  • certaines fonctions cérébrales subtiles.

2. La malade a peur que grossir ne s’arrête pas…

C’est bien compréhensible puisque c’est la maladie (qui parle des centaines de fois par jour) qui le dit. Ce qui est rassurant, c’est qu’en 30 ans de carrière, nous n’avons vu aucune malade souffrant d’anorexie restrictive dépasser un IMC de 19 kg/m2.

Je laisse les malades boulimiques songer à cette idée obsédante que « si je me mets à manger, ça ne s’arrêtera plus ! ». Elles que les crises font « bouffer comme jamais ». Pour elles, il n’y a qu’une loi : « plus tu manges au repas, moins tu crises ». C’est le cas à long terme. C’est le cas pour les 2/3 des malades boulimiques, celles dont les crises surviennent à distance des repas. C’est sûrement plus compliqué pour le tiers restant, celles dont les crises suivent les repas (« chaque repas se barre en crise »).

3. Pour reprendre du poids, il faut savoir se rassurer

Déjà, il vaut mieux dire "démaigrir" que "grossir". On s’arrête en effet de "démaigrir" alors que dans la tête on ne s’arrête pas de "grossir" !

La nature, je l'ai dit, fait bien les choses : elle a le projet de récupérer sa masse musculaire. C’est donc ce qu’elle va privilégier. En démaigrissant, on deviendra mince. On était amaigri, émacié, clairement en mauvaise santé. Plus on démaigrit, plus la peau devient lisse et soyeuse, plus les cheveux deviennent brillants, plus les yeux deviennent pétillants et plus on devient mince.

Il faut écarter la peur que grossir ne s’arrête jamais, puisque c’est faux. Il faut croire les thérapeutes qui vous disent qu’à poids normal, le corps retrouvera son équilibre, ses marques et gérera au mieux sa faim, son rassasiement et son poids.

Il faut de la rigueur. Si on remange, il faut le faire, n’en déplaise à certains, avec une belle harmonie nutritionnelle. Laisser faire la nature n’a jamais signifié faire n’importe quoi. Il faut proposer au corps ce dont il a besoin, suffisamment de protéines, suffisamment de matière grasse, suffisamment d’énergie, sans compter tous les minéraux et vitamines et le corps fera son travail.

Le corps et le cerveau ont leurs exigences. Ils ont fixé un poids et une masse musculaire minimum. C’est la valeur de consigne dont je parlais. Ici, il en est de l’état nutritionnel comme de l’état respiratoire. On peut décider d’arrêter de respirer. Ceci n’empêche que le cerveau et le corps ont une valeur de consigne d’oxygène circulant. Si vous arrêtez de respirer, le corps et le cerveau accumulent une dette d’oxygène. Si vous vous obstinez, ils vont vous obliger, au bout de 1,5 à 2 minutes à respirer. Alors vous serez essoufflées, les respirations seront rapides, bruyantes et intenses, et se succèderont à intervalle court. Dès que la dette en oxygène sera payée, le corps retrouvera sa valeur de consigne respiratoire. Pour l’état nutritionnel, c’est pareil. Dès que la malade anorexique lâche prise et se met à manger, le corps réclame le remboursement de l’énorme dette nutritionnelle. Des dizaines et des dizaines de milliers de calories, des milliers de grammes de protéines et d’acides gras !
Tout naturellement, la malade va constater qu’elle a très faim, que les repas ne la rassasient pas, que son corps réclame. Il y a de quoi avoir peur, se dit-elle. En fait, il y a de quoi être rassuré. La nature a repris ses droits et tout se rééquilibrera lorsque la valeur de consigne sera atteinte. La malade aura alors moins faim, y pensera moins, constatera que le rassasiement opère et que le poids reste stable autour de l’IMC de 18,5. C’est une chose incroyable, mais pourtant régulièrement observée.

Mais bien sûr, il ne s’agit pas ici de « se nourrir à coup de crises de boulimie ou de compulsions alimentaires ».  Il n'est pas opportun de se renourrir en se faisant trop plaisir. Il faut donc y mettre de la rigueur ; c’est-à-dire une conscience d’avoir mangé et d’être alimenté. C’est-à-dire aussi un équilibre subtil et pourtant facile lors des repas.

4. Conclusion

  • Patients anorexiques, à vos assiettes. Vous ne grossirez pas ; vous démaigrirez
  • Patients boulimiques, à vos repas à table. Vous ne grossirez pas ; vous dégonflerez et mincirez.
  • Prenez vos marques, grignotez pas à pas le territoire de la maladie, lutter repas après repas contre la peur de grossir, accueillez ces nutriments qui vous ouvrent la voie d’une espérance de vie et n’oubliez pas que le problème est ailleurs.

Publié en 2010