Anorexie, boulimie, compulsions alimentaires : l'association peut vous aider à voir les choses Autrement

Anorexie mentale et boulimie
Définition, symptômes et maladies associées Causes et mécanismes Descriptions et complications
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Dénutrition dans l'anorexie mentale et la boulimie


1. L'anorexie et la boulimie exposent à la dénutrition

L'anorexique n'a qu'un but : perdre de la graisse.
La boulimique n'a qu'un espoir : mincir.
Or, l'anorexie comme la boulimie exposent à la dénutrition.

2. Qu'est ce que la dénutrition ?

La dénutrition, ce n'est pas seulement une perte de poids. C'est surtout une perte de masse musculaire et une altération de nombreuses fonctions, à l'intérieur du corps comme dans les relations du corps avec l'extérieur. En d'autres termes, en dessous d'un certain poids, mincir n'a plus rien à voir avec un problème esthétique. Une image peut le faire comprendre : un PDG a décidé de "dégraisser" son personnel ; il licencie des salariés. Mais en dessous d'une certaine limite, le nombre restant ne suffit plus à faire fonctionner l'entreprise : l'entreprise est en péril !

3. Anorexie et dénutrition

Tout commence de façon très banale. Tout finit dans le drame ! Au début, c'est juste un petit régime pour perdre quelques kilos. A la fin, la malade impressionne tout le monde par sa silhouette squelettique où les formes charnelles, les masses graisseuses et musculaires ont fondues, laissant saillir tous les os du corps. Insecte de chitine vide de substance !

Comment en-est-on arrivé là ?

L'organisme renouvelle chaque jour une petite part de lui-même : chaque jour 3 % de la masse musculaire est mis à la poubelle et remplacée par du muscle tout neuf. Un autre exemple : les cellules intestinales responsables de l'assimilation des aliments sont au nombre de 250 millions. En quatre jours, elles sont remplacées. Pour ce travail, l'organisme a besoin de deux choses : des nutriments et de l'énergie. Une seule ne suffit pas ; il faut les deux.

mur.gif   Explication : pour rafraîchir un mur dont les briques ont été endommagées par le temps, il faut à la fois des briques neuves (les nutriments) et des ouvriers pour les mettre en place (énergie). Sans ouvriers qui construisent le mur, les briques ne servent à rien. De même, sans énergie (les calories que nous ingérons), protéines, calcium, magnésium et vitamines sont bien inutiles.

4. Renouvellement ultra rapide et besoins caloriques d'enfer

Cette énergie dont nous avons besoin est en fait considérable : une jeune femme de 50 kg pour 1,65 m (donc très mince), allongée toute la journée, brûle chaque jour 1 300 kcal pour faire fonctionner et assurer le renouvellement des cellules de son corps ! Ce sont aussi 50 g de protéines qui sont nécessaires (soit l'équivalent de 250 g de viande ou poisson par jour). Si elle ne mange que des céréales, il faut 1 kg de pâtes ou de riz par jour !

La dénutrition s'installe, tout se dégrade !

En ne mangeant rien, c'est chaque jour 100 g de masse musculaire qui sont perdues. Et nous n'en avons guère que 18 kg. Heureusement que l'anorexique, en maigrissant, ne transporte plus qu'un corps dérisoire, beaucoup moins lourd !

4.1. Mais de quoi donc est composé notre corps ?

Il est constitué de masse maigre, de liquides qui assurent la circulation des nutriments et de masse grasse.
La masse maigre : ce sont les muscles et les viscères : cerveau, foie, organes digestifs, reins, poumons, etc… et l'os, ne l'oublions pas.
La masse grasse : incluse dans le tissu adipeux a des fonctions de protection contre le milieu extérieur :

  • Une protection mécanique, elle nous protège des blessures.
  • Une protection thermique, elle nous isole du froid extérieur
  • Une protection électrique, elle permet aux cellules et au corps de garder intact l'énergie électrique qui fait fonctionner les pompes à eaux, le cœur et le cerveau.

Ce que touche la dénutrition

4.2. On ne mincit pas, on s'altère !

Certes, lorsque l'on maigrit, on perd de la masse grasse. De ce fait, le corps ne peut garder sa chaleur… et le froid s'installe. Mais deux éléments de la masse maigre sont aussi gravement touchés : le muscle et l'os. En gros, quand on perd 10 % de son poids, on perd 10 % de sa masse musculaire ; quand on perd 30 % de son poids(15 kg) on perd 30 % de sa masse musculaire (6 kg) !

Bien autre chose que du poids :
Dans l'anorexie, la malade perd du poids : mais c'est pas grave… Elle perd aussi du muscle, qui représente presque la moitié du poids perdu, mais ce n'est pas grave… Surtout, avec le muscle perdu, la malade devient nettement moins efficace. De même, ses organes fonctionnent de moins en moins bien : l'estomac et l'intestin par exemple poussent moins bien les aliments vers l'aval : d'où les reflux acides vers la poitrine ou la bouche, la lenteur de digestion et les ballonnements (et le gros ventre plus tard !). Dieu que l'on s'éloigne de la perfection dont elle rêvait ! Mais la malade se garde bien de même le penser. Elle "tient" à la force du mental ! Dans ces muscles que l'on perd, il y a une partie du muscle cardiaque. Le cœur est un muscle, ne l'oublions pas. Si la malade vomit par ailleurs, elle augmente considérablement le risque de défaillance des circuits électriques cardiaques : court-circuits et arrêt cardiaque peuvent survenir ! Mais les muscles respiratoires trinquent tout autant.

Erosion du capital osseux :
Il y a un os ! L'anorexie mentale est associée à une ostéoporose parfois sévère dont le degré est fonction de la durée d'évolution de la maladie, du degré de réduction de l'apport énergétique et du poids corporel, des apports très faibles en vitamine D et de l'absence de cycles menstruels.

L'ostéopénie (processus physiologique de perte de calcium et de minéraux de l'os associé au vieillissement) est plus importante au niveau du rachis lombaire qu'ailleurs. Résultat : tassement vertébral, douleurs et diminution de la taille corporelle : dans notre expérience, les malades atteints d'anorexie mentale perdent environ 1 cm par 10 ans d'évolution. La prédominance de l'atteinte sur le rachis est en rapport avec le déficit oestrogénique. Cette ostéopénie apparaît dès la 5ème année d'aménorrhée. La perte du capital osseux chez une anorexie est de 2 à 3 % par an. Seule la guérison permet la restauration de la masse osseuse : atteindre un poids minimal normal, maintenir des apports énergétiques compatibles avec ce poids et avoir une alimentation variée et équilibrée.

4.3. Le froid s'installe

Vous a-t-on parlé aussi du froid qui s'installe ? Pour faire des économies, le corps réduit sa dépense de chauffage : les cellules travaillent moins et donc fabriquent moins de chaleur, le cœur s'économise : il bat moins vite, il pousse moins fort ; le sang circule moins vite et la température corporelle diminue. Faute de tissu adipeux, le peu de chaleur produite fuit par la peau si mince : on chauffe peu pour faire des économies, et on chauffe fenêtres ouvertes ! La circulation diminuant la stratégie d'économie solidement installée, les canalisations (vaisseaux) moins chauffées, le corps coupe la micro circulation des extrémités : mains et pieds deviennent violets, blancs au froid et fond mal.

Quant au tube digestif ? Il ne s'arrange pas !
En effet, il comporte une couche musculaire qu'altère la dénutrition. Les conséquences n'en sont pas moindres :

  • Reflux acides de l'estomac vers la bouche (brûlures)
  • Ralentissement de l'évacuation de l'estomac : la malade se sent " pleine " dès les 1ères bouchées ; 7 heures après, elle rumine encore son repas.
  • Insuffisance de contraction abdominale avec ballonnement et constipation.
  • Insuffisance hépatique : le foie réduit son travail de " conditionnement " des nutriments.

Ainsi, des graisses s'accumulent dans les cellules du foie (foie gras) ; C'est un comble chez les malades qui n'en mangent pas !

4.4. Et le cerveau ?

La restriction alimentaire et les carences nutritionnelles induisent ou majorent différents troubles : état dépressif, irritabilité, anxiété, trouble du sommeil, humeur instable, perte d'intérêt, perte du désir. Tous ces symptômes se trouvent amplifiés si la malade vomit. Le corps est fait de 60 % d'eau. Il lui faut en permanence évacuer l'eau et le sel qui entrent. Pour se faire, il a des pompes que la restriction alimentaire et la dénutrition vont mettre à mal. Ainsi certains malades verront apparaître des œdèmes des jambes. L'aménorrhée : beaucoup de patientes s'inquiètent de savoir à quel moment elles retrouveront leurs règles. Il existe là deux groupes :

  • Les jeunes femmes qui ont perdu leurs règles alors qu'elles avaient déjà commencé à perdre du poids. En général, elles perdent leurs règles autour de 18,5 kg/(m)2 d'IMC et les retrouveront autour de ce même IMC (d'où l'intérêt de cet IMC).
  • Les jeunes femmes n'ayant jamais eu leurs règles, c'est à dire en aménorrhée primaire (elles ont perdu ou n'ont jamais eu leurs règles alors même qu'elles n'avaient pas perdu de poids). Dans ce cas, on ne sait pas à quel poids elles auront leurs règles. Ceci étant, elles ont très peu de chance de les avoir en dessous d'un IMC de 18,5 kg/(m)2.

Calcul de l'IMC = Poids/taille(en mètre) au carré

Un exemple :
une jeune fille pèse 45 kg pour 1,63 m.
Son IMC est bas : 16,9 kg/(m)2
Elle devrait avoir un IMC au moins de 18,5 kg/(m)2 soit 49 kg : c'est le poids minimum !
Normalement, l'IMC est compris entre 18 et 25 kg/(m)2.
IMC entre 25 et 30 kg/(m)2 = surpoids ;
IMC > 30 = obésité
IMC < 18,5 kg/(m)2 = maigreur
La dénutrition est importante en cas de BMI < 14 (il existe alors un risque vital).

5. Boulimie et dénutrition

Parce que la patiente boulimique a un poids normal, beaucoup de médecins ne s'inquiètent pas de son état nutritionnel. Ils ont tort. Avec les vomissements, on ne perd pas que des calories et du potassium. On rejette aussi de l'eau, des minéraux, des vitamines… Pas étonnant alors que le corps, cherchant à récupérer les nutriments qui lui manque, pousse la malade à manger d'autant plus ! De plus, les vomissements contiennent de l'acide et de la bile, corps chimiques qui attaquent l'émail des dents. Enfin, les vomissements favorisent la production d'un suc salivaire épais et visqueux qui bouche les glandes salivaires (sous les oreilles et la mâchoire), entraînant le gonflement de ces glandes (les parotides) et du visage. On passera sur les hémorragies digestives liées aux vomissements, sur les ruptures d'estomac et sur les grosses altérations du fonctionnement intestinal qui, à la longue, peuvent survenir.

L'ostéoporose : en fait, elle est beaucoup plus rare chez les boulimiques que chez les anorexiques. Elle survient beaucoup plus souvent chez les boulimiques qui ont un long passé d'anorexie ou chez les anorexiques-boulimiques.

Pour se purger, pour perdre des calories, pour avoir le ventre plat, pour se purifier l'intérieur, certaines anorexiques et beaucoup de boulimiques abusent de laxatifs. Autant la prise épisodique de laxatifs doux (huile de paraffine, mucilage, suppositoires glycérinés) ne pose pas de problème (si ce n'est qu'ils ne sont pas efficaces !), autant l'abus de laxatifs conduit à une véritable "maladie des laxatifs" : ballonnements, alternance diarrhée-constipation, douleurs abdominales notamment.

Heureusement, la grande majorité des symptômes évoqués ci-dessus est réversible avec la guérison de l'anorexie et/ou de la boulimie. Il n'y a pas de fatalité. Le prix à payer n'est pas infini. On peut vraiment guérir : on y retrouve tout le confort qu'on y avait perdu. C'est embêtant mais c'est comme cela !