Les frères et sœurs, les grands oubliés des ouvrages sur l'anorexie mentale et la boulimie, jouent pourtant un rôle important.
Dans certains cas, l'anorexie et la boulimie se sont tissées autour de relations complexes et d'un malaise inavoué entre deux sœurs ou un frère et une sœur.
Parfois, le comportement qu'a la malade avec ses frères et sœurs va participer au processus de la maladie :
Les troubles du comportement alimentaire sont une épreuve pour tout le monde, une épreuve de longue durée parfois, interminable toujours, où chacun prend des coups et en donne. Il serait absurde de penser que les frères et sœurs sont épargnés et hors jeu.
Tout enfant a envie d'être le "préféré" de ses parents. Le sentiment le plus universel entre frère et sœur est la jalousie. C'est en fait un processus normal de maturation.
Ce n'est pas toujours une jalousie qui s'exprime, qui pousse aux hurlements et aux dénonciations. Non, elle peut être celle que l'on cache même à soi-même et qui parfois est envie, qui parfois est résignation.
Loin de nous de prétendre que la sœur enviée ou détestée de toute cette attention que la mère lui porte est l'unique cause de telle anorexie ou de telle boulimie. Loin de nous de prétendre que cette jalousie conduit inexorablement aux troubles du comportement alimentaire. Elle a bien d'autres modes d'expression ! Il faut peut être y ajouter la perception par la malade, à un moment donné, qu'elle n'a pas (qu'elle n'a plus) le corps mince et "plat" de sa sœur préférée !
Parfois l'anorexie débute du fait de ces quelques kilos pris par la jeune fille, qui dès lors commence un régime pour "être comme sa sœur ou le redevenir", pour prendre sa place et séduire autant qu'elle ; ailleurs c'est un régime, commencé tambour battant par une sœur séduisante et sûre de l'être, qui dès lors devient hors de portée pour la future malade. En cherchant à copier sa sœur, la malade ouvrira la porte aux troubles du comportement alimentaire.
Mais il peut s'agir aussi de ce frère ou de cette sœur tant aimé, tant adulé, tant admiré, que les études, un travail ou un mariage propulsent hors du foyer natal. L'anorexie apaisera la souffrance et "masquera" alors le manque.
Enfin, parfois la maladie peut s'inscrire comme la réponse "adaptée" à un désir pour son frère, une attirance que la malade n'explique pas et qui lui fait peur. Dans ces cas, cette connivence issue de l'enfance a été toute bouleversée par la naissance de la féminité et la poussée hormonale. Quelle réponse pourrait être plus "adaptée" que l'amaigrissement qui va supprimer le désir et la pensée du désir, gommer les formes et gommer la poussée d'hormone.
Il arrive parfois que la sœur ou le frère devienne la "victime consommée" de l'anorexie mentale ou de la boulimie. Etrange comportement s'il en est, la malade se met à faire manger son frère ou sa sœur. Ce pourrait être une conduite très banale : la malade fait bien la cuisine et veut la faire apprécier à sa sœur ou à son frère. Mais il ne s'agit pas de cela : ce que l'anorexique recherche c'est que, par gourmandise ou envie, le frère ou la sœur mange plus, indubitablement plus calorique que la malade elle-même, en insistant sur les aliments qui la dégoûte le plus ! Plus rarement, le comportement de la malade est incroyablement plus "violent" : elle sert sa sœur ou son frère, la ou le ressert, la questionne : "pourquoi ne manges-tu pas ?" voire la pousse, se met en colère car ne supporte pas de ne pas voir son frère ou sa sœur manger davantage.
La raison de cette conduite est simple : la malade atteinte d'anorexie veut être sûre que ses proches mangent plus qu'elle : cela la rassure et la convainc que, mangeant moins, elle va maigrir. Elle garde se faisant aussi bien la maîtrise sur elle-même que sur son entourage.
Parfois, elle savoure, par personnes interposées, le plaisir qu'elle se refuse, parfois elle se rassure en pensant que ce sont ainsi les autres qui vont " s'empoisonner " et non elle.
Le 1er conseil est d'écouter la malade sans la juger et d'établir avec elle un vrai dialogue. Aider votre sœur à relativiser l'importance qu'elle attache à la nourriture, l'aider en lui donnant des repères.
Ne rien dire est plus confortable, mais c'est un piège. La malade souffre en fait de ses dissimulations et de ses éventuelles crises de boulimie et vomissements. En parler sans juger l'aidera à prendre conscience.
Faire confiance à sa sœur malade en ne cherchant pas à la piéger, mais à la rassurer, la réconforter.
Ne rien faire ou décider à son insu. Il n'est pas bon de dire par exemple qu'il n'y a pas de matières grasses dans un plat où vous en avez mis ; la malade, vu sa maladie, s'en apercevra vite et ceci renforcera son trouble (dissimulation ou induction de vomissements).
Se préserver passe par une prise d'un peu de recul : en aucun cas, vous ne devez " porter " la maladie de votre sœur (ex : je ne vis plus depuis que ma sœur est malade). Continuer à vivre, votre vie l'aidera de deux manières : elle verra sa différence et tout ce qu'elle peut gagner à guérir ; si vous ne la considérez pas comme une grande malade, ça lui ouvrira peut-être les yeux ! Enfin, si vous supportez mal cette maladie, protégez vous, prenez vos distances en lui expliquant vos raisons, sans jugement.
Ne pas accepter d'être nourri par la sœur (ou le frère) malade : ce n'est pas son rôle de vous nourrir !
La place d'un frère ou d'une soeur d'un malade anorexique ou boulimique est loin d'être confortable :
Parfois seule une thérapie familiale l'aidera à comprendre quelle est sa vraie place et quel rôle il peut jouer sur la route de la guérison de sa soeur (son frère).