Hélène PENNACCHIO - Secrétaire Générale
La guérison, les malades l’attendent, et les parents, les amis, le mari l’espèrent. Elle tarde à arriver et souvent les malades et leurs proches n’en peuvent plus. Ils doutent et sont près d’abandonner !
Pourtant, il n’y a pas de raison de douter. La guérison est possible. Elle va arriver. Les statistiques renseignent, les résultats obtenus par les équipes médicales qui soignent ces malades l’affirment : la guérison complète est obtenue dans 60 % des cas d’anorexie mentale restrictive et de boulimie, dans 50 à 60 % des cas de compulsions alimentaires ou d’anorexie-boulimie.
Alors, il faut se battre, ne pas désespérer, il faut y croire et combattre pas à pas, repas après repas, jour après jour. Un recul, une rechute… peu importe. En effet, si vous avez déclenché la guerre contre votre trouble alimentaire, la guérison va venir, parfois au moment où vous ne vous y attendrez pas. C’est mon expérience : un jour, à force de travail, de lutte, d’avancées, de petites victoires, tout se met en place et la victoire est là.
Il ne faut parfois que quelques mots pour entrer dans l’anorexie mentale ou la boulimie : « c’est décidé, je me mets au régime pour perdre 3 à 4 kg ». Mais il faut souvent des mois ou des années pour en sortir. C’est là toute la difficulté : y croire alors que c’est si long ; y croire alors que la culpabilité vous fait en douter. La guérison n’est pas impossible, elle est à votre portée. Vous pensez ne pas la mériter, mais elle viendra quand même, si le combat est à la hauteur de vos objectifs.
Des objectifs : Pour l’obtenir, il faut en effet des objectifs clairs. On ne guérit pas en ne pensant qu’à ces kilos qui manquent, on ne guérit pas en voulant récupérer un indice de masse corporelle (IMC) de 18,5 kg/m2 (poids sur carré de la taille). Bien sûr qu’il faut en passer par là, mais ce n’est qu’un moyen, pas le but.
Guérir est l’aboutissement d’un processus de pensée où on ne lâche rien, pas même un kilo à la maladie, dans un combat pour la vie, pour sa propre vie, une vie où les autres sont réintégrés et leur regard sur vous accepté, intériorisé.
Guérir, c’est avant tout donner un sens à la guérison et, derrière, à sa vie ! On guérit pour créer de la valeur ajoutée à sa propre vie : faire le métier dont on a envie, retrouver l’amour qu’on a perdu dans la maladie ou sauver cet amour qu’on est en train de perdre du fait de l’anorexie ou de la boulimie, dégager une relation forte avec les gens qu’on aime et qui sont cachés à nos yeux par le trouble alimentaire.
Guérir, c’est explorer les domaines du possible, c’est créer et imaginer, et non seulement faire face à l’imprévu, mais savoir en jouir aussi.
Pour guérir, il faut rejeter : rejeter cette pensée anorexique qui, au fond, ne nous apporte plus rien depuis longtemps. Rejeter avec humilité cette pensée dévorante, chronophage, cet ogre de notre inconscient qui bouffe nos envies, nos relations avec l’autre.
Il faut rejeter aussi comme n’ayant aucun sens cette susceptibilité qui fait que l’autre parait être ce monstre qui vous juge, cet alter ego qui a tout réussi et se moque de nos défaites.
Pour guérir, il faut s’affirmer : « Non, je ne suis pas cette anorexie qui me grignote à petit feu, non je ne suis pas cette boulimie qui me régurgite et gomme mes désirs et mes amours, je ne suis pas que ce noyau de colère contre tout, contre les autres et surtout contre moi-même ».
Alors, il faut se respecter. Et un bon moyen de le faire est de donner à ce corps et à ce cerveau qui sont « Moi » tout ce dont ils ont besoin pour fonctionner. Il faut leur donner non pas des calories, car on n’en mange pas, mais donner ces protéines pour mes muscles, ces matières grasses qui vont optimiser le fondement de mon cerveau (le courant électrique cérébral et les hormones du cerveau ont besoin de ces lipides qui nous font peur), ce sucre qui donne ce petit cristal de plaisir qu’on partage avec autrui et toutes ces vitamines qui aident mon corps à prendre sa place dans l’espace et mon cerveau à communiquer, au dedans comme au dehors.
Il faut aimer ce corps un peu, pour pouvoir donner de cet amour aux autres. Il faut donc mettre ce corps « dans les clous », c'est-à-dire accepter de peser un poids qui mette l’IMC dans les valeurs normales (un IMC entre 18,5 et 25 kg/m2).
Pour guérir enfin, il faut y croire et avancer toujours, encore et encore. Il faut travailler sur soi et s’entourer de thérapeutes et de ressources diverses (une amie, un chien, une musique, un poème…) qui vous donnent la motivation indispensable à la guérison.
Dîtes-vous bien qu’on n’apprend pas le piano ou le tennis en un jour, qu’il y faut au moins 4 à 5 ans de labeur acharné. Pour sortir d’un trouble du comportement alimentaire, il faut ce temps-là aussi. Ne désespérez pas, mais travaillez bien au contraire et la guérison viendra un jour mettre de la lumière dans votre âme.
Publié en 2012