Un travail mené à l’hôpital Bichat, en partenariat avec l’Association Autrement, a clairement montré que la renutrition par sonde naso-gastrique avait tout son intérêt. Elle permettait aux malades atteints de troubles du comportement alimentaire, et notamment d’anorexie mentale, de rester moins longtemps hospitalisés, tout en travaillant efficacement sur leur comportement. La prise de poids était également de meilleure qualité.
Les résultats de cette étude sont disponibles : Sonde gastrique et TCA : étude
Mais en pratique, qu’est ce qu’une sonde naso-gastrique de renutrition ? Pourquoi faire ? Combien de temps la garde t-on ? Empêche t-elle de manger ? Pourquoi la sonde et pas juste les repas ? Autant de questions auxquelles nous allons tenter de vous répondre.
Il s’agit d’un petit tuyau, d'un diamètre de moins de 3 millimètres, que l'on passe par le nez (peu importe la narine) et que l'on descend tout doucement dans l'estomac. Cela ne fait pas mal et une fois la sonde mise en place, on ne la sent pas. Rassurez-vous, elle n’empêche absolument pas de respirer, ni d’avaler. |
La sonde permet la perfusion, goutte à goutte, dans l’estomac, de mélanges nutritifs, composés de la totalité des nutriments dont nous avons besoin (protéines, lipides, glucides, vitamines, minéraux…). Ces mélanges se présentent sous une forme liquide, facile à assimiler par l’intestin, et bien tolérés par l’estomac. En général, chaque unité du mélange apporte 500 calories réparties de façon diététique entre protides, lipides et glucides. La quantité du mélange nutritif est adaptée au cas par cas selon les besoins et expliquée au malade. Ces mélanges sont contenus dans un flacon relié à une nutripompe (machine qui permet de réguler le débit du mélange). Cette machine est fixée sur un pied à perfusion et permet ainsi au patient de se déplacer même quand il reçoit cette alimentation. Le patient n’est donc pas obligé de rester au lit, ni dans sa chambre.
La dénutrition, quelle qu’en soit la cause, s’accompagne invariablement d’une perte d’appétit (anorexie) et d’une difficulté à s’alimenter à hauteur de ses besoins. Dès les années 60, la sonde gastrique a permis d’apporter une nutrition entérale (par voie digestive) en complément des repas à nombre de malades souffrant de maladies digestives, de maladies infectieuses, de cancers ou de sida…
La prise en charge des malades ayant une anorexie mentale ou une anorexie-boulimie est longue et difficile. Elle se heurte aux difficultés de digestion, à la peur des malades d’augmenter « trop vite » leur alimentation et de « mal grossir ». C’est, trop souvent, quatre à six mois que durent les hospitalisations en l’absence d’aide par la sonde.
Outre les effets précédents, la renutrition par sonde a beaucoup d’avantages :
A titre indicatif, une malade d’1,65 m pesant 40 kg, doit avoir des apports de l’ordre de 1700 calories par jour pour stabiliser son poids. Or, souvent, lorsque cette malade rentre à l’hôpital, elle mange à peine 800 calories/jour ! Pour atteindre le poids de sortie qu’elle devra atteindre, soit 49 kg, et le stabiliser (c’est à dire ni maigrir, ni grossir), il lui faudra des apports de l’ordre de 1900 calories/jour. Si « elle veut » prendre 100 g/jour, soit 1 kg en dix jours (et donc 3 kg/mois), cela lui prendra 3 mois. Et il lui faudra manger à hauteur de 2500 calories/jour. C’est là une utilité majeure de la sonde : la malade se bat pour assurer ses 1900 calories (la « base » qui lui permettra à terme de ne pas grossir au delà de l’objectif) et le médecin assure les 600 calories supplémentaires pour qu’elle prenne du poids jusque là.
La sonde permet de s’opposer mécaniquement aux vomissements, de travailler efficacement sur le comportement alimentaire qui devra être le sien au sortir de l’hôpital.
Bien sûr que non. La nutrition par sonde n’est pas un traitement de fond de l’anorexie mentale et/ou de la boulimie : elle n’en permet pas la guérison. Mais ce n’est pas non plus le cas quand on l’utilise dans d’autres maladies, non mentales, où elle est largement prescrite pour éviter les risques, parfois mortels, liés à la dénutrition. La renutrition par sonde est une technique qui vise à aider les malades à se battre contre leur restriction alimentaire, contre leurs vomissements, ou contre leur boulimie. La sonde n’a d’efficacité que le temps où elle est en place. La seule stratégie possible pour la malade est donc de fait d’exploiter ce temps sous sonde pour mettre en place une véritable politique de guérison : travail sur son alimentation, travail sur son comportement alimentaire, compréhension des mécanismes qui ont permis à la maladie d’apparaître et de se fixer.
Bien sûr, cette alimentation par sonde est systématiquement associée à un réapprentissage de l'alimentation par la bouche et à une psychothérapie de soutien pour lutter contre la dépression et les angoisses.
Ils sont minimes. Quelques patientes, lors de la pose de la sonde naso-gastrique, se plaignent d’avoir le nez qui coule, ou de petits saignements nasaux, des maux de tête, voire des crises de sinusite. En général, ces symptômes disparaissent en moins de 48 heures. Exceptionnellement, des reflux acides gastriques obligeant à la prescription de médicaments. En plus de 15 ans d’expérience et plus de 500 patients traités, aucune complication sérieuse n’a été à déplorer.
Ce n’est pas la sonde, mais la dénutrition qui donne cette impression de ne pas pouvoir digérer ! La sonde au contraire, cela a été prouvé, aide à la digestion ! Parfois aussi, pour être « libérée », la malade a tendance à passer trop vite les flacons nutritifs, ce qui peut en effet entraîner des lourdeurs gastriques (un flacon de 500 millilitres doit passer en 4 h !).
Son extrémité doit être placée à la partie basse de l’estomac pour éviter les reflux vers la gorge. Ceci est vérifié grâce à une radio du ventre (on voit la sonde à la radio).
Combien de temps peut rester en place une sonde ? Un même sonde peut rester en place au moins un, voire deux mois.
Ce que nous convenons avec la (le) malade, c’est que plus elle pourra manger par la bouche, plus l’apport par mélange nutritif (par sonde) diminuera, en sorte que le total (nutrition par sonde + repas) reste constant. Cela l’aide à travailler efficacement sur son alimentation, sans pour autant perdre de temps. Au début, les malades ont peur, ensuite ils se sentent tellement mieux qu’ils veulent encore garder la sonde.
La réalimentation par sonde peut se faire indifféremment de jour comme de nuit. Mais en pratique, plus le patient est dénutri, plus le liquide nutritif devra être administré lentement. En cas d’extrême dénutrition, le recours à une réalimentation par sonde en continue s’impose. Ainsi le débit se fera très lentement, même jusqu’à 24h sur 24. Un flacon de 500 ml doit passé en 4 heures (pas moins !). On peut tout à fait dormir avec la sonde. Vous éviterez simplement de dormir complètement à plat afin d’éviter les régurgitations.
Ce n’est pas ce que l’on observe. La sonde ouvrirait plutôt l’appétit : les patients qui en ont bénéficié, curieusement, augmentent tous leurs apports alimentaires aux repas au moins aussi vite que les patients qui n’ont pas la sonde. L’explication en est simple : la sonde remet en place tous les mécanismes métaboliques.
L’arrêt de la nutrition par sonde ne s’accompagne pas d’une réduction des apports.
La sonde n’est pas là pour vous « gaver ! » mais pour vous aider à lutter contre votre trouble du comportement alimentaire.
Publié en 2007