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Risque d'ostéoporose et alimentation chez les jeunes


M. Fernand LAMISSE, Professeur émérite de nutrition
- Faculté de médecine de Tours -

Environ 90% de la masse osseuse de l’adulte est obtenue dans les 2 premières décades de la vie. Rendre optimal le pic de masse osseuse et la solidité de l’os, tôt dans la vie et les stabiliser chez le jeune adulte jouent un rôle significatif dans la prévention de l’ostéoporose et des fractures qui peuvent survenir plus tard.

Parmi les nombreux facteurs qui interviennent dans la prévention de l’ostéoporose, il faut citer l’activité physique, l’indice de masse corporel (IMC), le statut hormonal et les facteurs alimentaires.

Environ 80-90% du contenu minéral osseux est composé de calcium et de phosphore. Les protéines sont également un composant important de l’os. Les nutriments nécessaires au métabolisme normal des os sont nombreux. Outre le calcium, il faut citer certains sels minéraux : sodium, magnésium, zinc, cuivre, fer et fluor et des vitamines au premier rang desquelles la vitamine D mais aussi les vitamines A, C et K. Leurs apports respectifs peuvent être évalués lors des enquêtes alimentaires.

Nous ne parlerons pas des nombreuses maladies capables d’entraîner la survenue précoce d’une ostéoporose chez le sujet jeune: maladies génétiques, maladies chroniques, désordres endocriniens, immobilisation ou ostéoporose idiopathique juvénile.

1. Comment sont présentées les études ?

Chez le sujet jeune, le rôle des aliments dans la prévention de l’ostéoporose est limité au lait et produits laitiers et aux fruits et légumes.

Le rôle des nutriments a aussi été abordé mais le plus souvent de façon succincte. Il en est ainsi des protéines, de certains sels minéraux: Na, Fer, Mg, Fluor et Zinc et des vitamines D et K.
Les nombreuses contradictions rapportées tiennent aux âges différents (enfant, adolescent, adulte jeune), au sexe et aux stades pubertaires différents à âge égal, aux aliments ou nutriments étudiés de façon associée ou indépendante, en quantité normale ou insuffisante, le tout dans des études descriptives ou d’intervention.

Mesure de la densité minérale osseuse chez le sujet jeune

L’absorptiométrie biphotonique à rayons X (DEXA) est parfaitement applicable à l'enfant et même au tout petit enfant en utilisant des logiciels adaptés. Par rapport aux sites mesurés chez l'adulte, on choisit essentiellement chez l’enfant le corps entier et le rachis lombaire.

Les résultats sont exprimés en Z- score, où la population témoin doit être comparable à la population mesurée. Le Z- score est la valeur moyenne théorique pour l'âge, le sexe, l'ethnie exprimée en nombre d'écart type.

Apports énergétiques : Il existe une association positive entre les apports énergétiques, le poids corporel et la densité minérale osseuse (DMO).

Des apports alimentaires insuffisants en énergie, en protéines, en sels minéraux et en vitamines constituent des facteurs de risque de survenue de l’ostéoporose du fait de leurs carences. Une perte de poids de 10% entraîne une perte osseuse de 1 à 2%.

Même si l’étiologie de l’ostéoporose dans l’anorexie mentale est multifactorielle, elle est en grande partie due aux apports nutritionnels très limités. Des fractures pathologiques, vertébrales, de la hanche ou des os longs, liées à l’ostéoporose, peuvent survenir 7 à 15 ans après le début des désordres.

Le calcium alimentaire : Toutes les études d’intervention ont prouvé le rôle positif du calcium et en particulier celui des produits laitiers sur l’accrétion osseuse chez le sujet jeune. Des études menées pendant 6 à 18 mois ont montré que l’apport d’un supplément en Ca augmentait l’accrétion osseuse de 1 à 5%. L’augmentation peut aller jusqu’à 10% lorsque le supplément est apporté par les produits laitiers et ce, d’autant plus que les apports initiaux en Ca étaient bas. 7 études randomisées sur le rôle des suppléments en Ca ont toutes montré le rôle positif du Ca sur la DMO.

fle64.gifEn voici 2 exemples :

Trois groupes ont été formés chez 757 filles âgées de 10 ans, le groupe 1 (258) recevait 330 ml de lait en plus chaque jour, le groupe 2 (260) la même quantité de lait mais enrichie en vitamine D, le groupe 3 (259) était le groupe contrôle. Sur les 2 ans d’étude, la consommation supplémentaire de lait avec ou sans ajout de vitamine D, a entraîné une augmentation du contenu minéral osseux (CMO) total ≥1.2 % et de la DMO ≥3.2 %.

Dans une deuxième étude, trois groupes ont été formés chez 344 garçons âgés de 9-10 ans, suivis pendant 3 ans. Le groupe 1 (G1) recevait 1500 mg de Ca sous forme de poudre de lait, le groupe 2 (G2) 650 mg de Ca sous forme de poudre de lait, le groupe 3 (G3) était le groupe contrôle.

Sur les 3 ans, les 2 groupes qui reçoivent un supplément de calcium ont une DMO augmentée par rapport au groupe contrôle : 8% vs 2% (G1 vs G3), 3% vs 2% (G2 vs G3).

La plupart des études descriptives qui n’ont pas montré d’action du calcium sur la DMO ont été rapportées soit chez des sujets jeunes ayant atteint le pic de masse osseuse, soit chez des sujets d’âges très différents ou chez des sujets qui recevaient des apports en Ca élevés.

Prenons un exemple d’étude qui conclut à l’absence d’effet du Ca sur la DMO chez 65 enfants et adolescents de 7 à 20 ans. L’étude a été menée sur une année, 90% des sujets étudiés recevaient plus de 800 mg de Ca par jour et 63% plus de 1200mg par jour.

Vitamine D :
Le métabolite actif de la vitamine D, le calcitriol influence le métabolisme calcique en agissant au niveau intestinal, rénal et osseux. C’est au moment de l’obtention du pic de croissance que les niveaux sanguins de calcitriol sont les plus élevés.

Dans un essai d’intervention randomisé que nous avons déjà rapporté, 260 des 757 filles âgées de 10 ans recevaient un supplément de lait enrichi en vitamine D. Le CMO augmentait de 2,4% dans le groupe du lait enrichi en vitamine D vs 1,2% dans le groupe sans vitamine D et la DMO augmentait de 5,5% vs 3,2%.

Rôle des fruits et des légumes sur la densité osseuse :

Des études récentes ont montré un lien étroit entre la consommation de fruits et de légumes et l’acquisition du pic de masse osseuse.

Une étude de 2004 constate que les apports en fruits et légumes prédisent de façon indépendante la DMO chez 56 filles âgées de 8-13 ans. Dans une autre étude de 2004 l’augmentation des apports en fruits et légumes était associée à une augmentation de la DMO chez des filles âgées de 12 ans mais pas chez les garçons tandis qu’une étude de 2005 montrait que fruits et légumes prédisaient de façon indépendante l’importance de la DMO chez les garçons mais pas chez les filles. Dans l’étude récente de 2007, 85 garçons et 67 filles âgées de 8 à 20 ans ont été suivis pendant 7 ans. La DMO a été étudiée chaque année. Les consommations de fruits et légumes ainsi que celle du calcium étaient corrélées à la DMO chez les garçons mais pas chez les filles.

Comment expliquer le rôle des fruits et des légumes ? L’effet alcalinisant des fruits et légumes diminuerait l’hypercalciurie liée aux charges alimentaires acides. Il est cependant difficile de différencier les effets positifs provenant de la nature alcaline des fruits et légumes, des composants qui jouent un rôle sur la DMO à savoir le K, le Mg, la vitamine K, le Zn et les fibres. Le rôle de la vitamine C a également été mis en avant. Dans une étude qui comportait 371 garçons et filles de 11-17 ans les résultats ont montré qu’une augmentation de 10 mg par jour de vitamine C augmentait de 0,001 g/cm2 la DMO au niveau radial. L’augmentation était supérieure chez les garçons.

Protéines : Les apports excessifs comme les apports insuffisants peuvent avoir des effets délétères sur la DMO. Un essai d’intervention chez des jeunes femmes a comparé les effets sur le métabolisme calcique de 4 apports protéiques différents: 0,7 g/kg/j, 0,8 g/kg/j, 0,9 g/kg/j et 1g/kg/j. Au 4ème jour un hyperparathyroïdisme est survenu pour des apports de 0,7 et 0,8 g/kg/j, lié à une diminution de l’absorption intestinale du Ca. Il ne s’est rien passé pour les apports de 0,9 ou 1g/kg/j.

Les données épidémiologiques sont cependant contradictoires sur le sujet. Dans 3 études, il y a une association positive entre les apports en protéines et la DMO. A l’inverse dans 3 études il y a d’avantage de fractures dans les groupes qui consomment le plus de protéines. Les apports excessifs majoreraient l’excrétion urinaire du Ca. Chaque apport supplémentaire de 50 g de protéines augmenterait l’élimination urinaire du Ca de 60 mg. Il est probable qu’en l’absence d’aliments qui neutralisent la production acide des protéines une perte nette de calcium urinaire s’ensuit.

Autres substances minérales :

Le sodium : Une relation positive a été rapportée entre l’importance de la natriurèse (reflet de la consommation de sel) et la calciurèse. Pour chaque 100 mmol de Na (2,3g) éliminées dans les urines il y a environ 0,6 à 1 mmol de Ca (24-40 mg) dans les urines. Une seule étude menée chez des filles en préadolescence a montré une corrélation étroite entre natriurèse et calciurèse, mais sans effets directs sur la DMO vertébrale et celle de l’ensemble du corps.

Le fer : Le fer joue un rôle important dans la formation de l’os, agissant comme cofacteur d’enzymes impliquées dans la synthèse du collagène.
Chez des adolescentes la relation entre masse osseuse et ferritine a été étudiée pendant 4 années. Une association positive a été constatée entre la DMO et la ferritine sérique.

Le magnésium : Les 2/3 du Mg corporel sont dans les os. Un déficit en Mg altère le métabolisme du Ca (diminution de la PTH). Chez la femme après la ménopause il existe une association positive entre la prise de Mg et la DMO. Bien qu’aucune étude n’ait rapporté le rôle du Mg sur la DMO de l’enfant ou de l’adolescent on sait qu’aux USA les adolescentes ont des apports en Mg très insuffisants < 177 mg/j pour des apports recommandés de l’ordre de 360 mg/jour.

Le Fluor : Il existe une forte affinité du fluor pour les os en particulier pendant la croissance. Il stimulerait divers facteurs de croissance osseux à effet ostéoblastique.
Aucune étude n’a rapporté le rôle du fluor sur la DMO de l’enfant ou de l’adolescent.

Le Zinc : Le zinc agit comme cofacteur de plusieurs enzymes dont les phosphatases alcalines nécessaires à la minéralisation osseuse et les collagénases essentielles pour le développement des structures collagènes de l’os. Les populations susceptibles de présenter un déficit alimentaire modéré en zinc, sont les enfants et les adolescents mais aucune étude n’a rapporté le rôle du zinc sur la DMO de l’enfant ou de l’adolescent.

La vitamine K : La vitamine K agit comme cofacteur de la glutamate carboxylase impliquée dans l’incorporation du Ca dans les cristaux d’hydroxyapatite et la formation d’ostéocalcine. Un déficit en vitamine K entraîne un dysfonctionnement de l’ostéocalcine comme on peut le rencontrer dans l’ostéoporose. Les déficits sont exceptionnels en dehors des nouveaux nés et des sujets ayant une malabsorption des graisses.
Aucune étude n’a été rapportée chez l’enfant ou l’adolescent.

2. Conclusion

Dans la mesure où l’espérance de vie est augmentée et que l’ostéoporose et les fractures qui en découlent restent trop fréquentes, un effort doit être fait dans leur prévention en appréhendant de façon plus précise l’effet de certains aliments et des nutriments qui les composent sur l’accrétion osseuse durant le jeune âge.

L’ostéoporose est multifactorielle mais l’alimentation joue un rôle non négligeable dans sa survenue.

Les certitudes quant au rôle des aliments ou des nutriments sur la DMO des jeunes sont essentiellement fournies par le rôle du Ca en particulier du lait et de la vitamine D comme l’ont montré les études d’intervention et ceci malgré un certain nombre de controverses. Ces dernières années, l’accent a aussi été mis sur le rôle des fruits et des légumes. D’autres études malheureusement trop rares ont ajouté le rôle de certains nutriments comme les protéines, le sodium et le fer.

Publié en 2007