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Pourquoi mangeons-nous ?


L’alimentation est un comportement vital. Se nourrir est en effet indispensable à la vie : nous n’avons pas le choix ! Sinon, nous mourrons.

C’est à ce point vrai que les animaux et l’homme n’ont pas attendu l’arrivée des diététiciens et des nutritionnistes pour « savoir manger ». A dire vrai, le nouveau-né de beaucoup d’animaux sait repérer la tétine et en tirer le lait, sans jamais l’avoir appris. Mieux, ils savent, dès les premières heures, s’arrêter de boire lorsqu’ils sont rassasiés. Pour ce faire, ils se servent de signaux internes très nombreux et très complexes, qui sont situés au niveau du cerveau mais aussi au niveau du reste du corps, en particulier le foie, les muscles et le tissu adipeux.

Pour autant, il ne faut pas oublier que notre comportement alimentaire est un ensemble encore plus complexe qui ne répond pas seulement à des besoins métaboliques (c’est à dire à des besoins de calories, de nutriments énergétiques, de vitamines…).

Pour autant qu’on le sache, manger a trois fonctions :

1. se nourrir,
2. partager
3. se faire plaisir.

En fait, s’il est évident que manger répond à un besoin vital programmé bien avant la naissance et opérationnel dès les premières heures sur terre, en revanche la manière dont nous le faisons et le comportement alimentaire que nous avons sont, eux, appris en presque totalité. Comme nous le verrons, il faut entendre le mot « apprentissage » ici non comme une volonté de savoir plus, mais comme des modifications induites à notre manière de manger en fonction des circonstances et de l’environnement. Et ces modifications sont souvent inconscientes.

1. Manger pour se nourrir

Dès la naissance, l’enfant est capable de boire une quantité de lait bien définie avant de s’arrêter. Cette quantité répond précisément à ses besoins. Si l’on espace les biberons, il boit plus. Plus tard, dès l’âge de 1 an ½, l’enfant va manger plus, en réponse à une croissance qui s’accélère. Si l’on dilue de moitié la consistance de la bouillie, il en mangera deux fois plus. Si l’heure du repas arrive, son horloge interne le sait. Si enfin on présente à un enfant de 3 ans différents aliments, il va manger à peu près ce dont il a besoin d’un point de vue calorique.

L’explication est simple : le corps a besoin pour fonctionner et renouveler ses cellules de divers nutriments, les uns énergétiques (caloriques), les autres utilitaires (minéraux, vitamines, oligo-éléments). Ces nutriments, il ne sait pas les fabriquer : il ne peut donc les extraire que du dehors. Il doit donc prendre au dehors ce dont il a besoin dedans. L’acte de manger répond à cette réalité. La « machine à manger » est donc une machine à survivre. Il faut donc qu’elle soit programmée. Donc tous les animaux sont programmés pour savoir manger : chercher et prendre des choses alimentaires (à la naissance, le sein), les mettre à la bouche, déglutir et digérer. De même, face à un nouvel environnement alimentaire, l’homme sait manger en fonction de ses besoins et selon les ressources à disposition.

Ainsi, si quelqu’un sait qu’il y aura du dessert et que ce dernier sera riche en calories, il anticipe sur les phases précédentes du repas. Si quelqu’un a trop mangé sur 2 ou 3 repas, il réduira la quantité mangée ensuite, jusqu’à équivalence… et sans connaître la diététique.

2. Manger pour partager

L’homme est un animal qui vit en groupe. Il a donc élaboré, comme tous les animaux qui vivent ensemble, des stratégies pour « souder » le groupe. Dans un troupeau d’herbivores, les animaux ne mangent pas n’importe où ni avec n’importe qui. Dans certaines espèces, notamment les grands carnivores et les primates, il existe une hiérarchie pour commencer à manger : les animaux dominants mangent les premiers, puis les animaux de 2ème rang et ainsi de suite. Le groupe, intuitivement, définit la hiérarchie : si les animaux dominants commencent… c’est pour rester dominants. Et si les dominés mangent en dernier… ou pas… c’est pour rester dominés. Sans le savoir (on ne reconnaît pas d’intelligence à ces animaux), ils savent ceci ! Peut-être qu’une partie de la pensée inconsciente qui sommeille en chaque malade anorexique revient à ceci : ne pas manger pour rester dominé ! Ou bien ne pas manger pour ne pas prendre sa place, de peur de ne pas pouvoir l’assumer !

3. Manger pour se faire plaisir

Une chose est certaine, c’est que la nature a prévu que diverses fonctions vitales seraient pilotées, favorisées en tout cas, par une sensation de plaisir. Il en est ainsi de la fonction de reproduction, mais aussi des fonctions d’excrétion (uriner, déféquer). Une satisfaction y est attachée. De même, l’alimentation, vitale, repose sur un principe de plaisir. Ce n’est pas un hasard : dans un environnement où il était plutôt difficile de chercher et de trouver à manger, de tuer éventuellement pour ce faire (chez les carnassiers et autres omnivores), il était très utile d’associer un acte aussi vital que manger à la notion de plaisir. Au demeurant, si l’on veut bien regarder cette hypothèse, il est intéressant de noter que ce qui est jugé bon est souvent calorique : ce que nous aimons le plus, souvent, est aussi ce qui est le plus énergétique : le sucré, énergie immédiatement disponible, et le gras (énergie facilement stockable). En d’autres termes, pour vouloir « se battre » pour manger, il faut aimer ça !

Manger devient alors un acte complexe, tripartite, entre nourrir, faire société et tirer du plaisir. J’ai bien exprès oublié d’écrire « se ». Car, si on y réfléchit bien, ceci est vrai dans les deux sens : on nourrit et on se nourrit, on partage et on est partagé, on se fait plaisir et on donne du plaisir à l’autre. Ceci explique sans nul doute pourquoi la malade qui souffre d’anorexie mentale tire du plaisir à nourrir ses parents et ses frères et sœurs !

Mais manger n’est pas respirer ou uriner. C’est (c’était surtout) une succession d’actes complexes et intriqués : repérer par ses sens ce que l’on va manger, le différencier de ce qui ne se mange pas, aller le chercher, faire violence (tuer par exemple), découper, préparer et agencer. Il est bien évident que tout ceci est peut-être trop complexe pour être programmé. Surtout, cette programmation empêcherait ensuite l’animal ou l’homme de s’adapter facilement. Il était donc plus astucieux de permettre à l’individu d’apprendre.

4. Apprendre, entre plaisir, attachement et peur

Or l’apprentissage, on le sait bien, fonctionne sur deux principes immuables : l’affectif et la peur. Plaisir de faire plaisir à l’autre en mangeant (ou en le nourrissant) ; peur de manger ce qui ne se mange pas (c’est à dire ce qui vous exclut du groupe, soit parce que ça vous rend malade, soit parce que les autres ont décidé que « ça ne se mange pas »).

C’est sans doute pourquoi la nature a prévue d’attacher l’alimentation (l’acte de manger) aux émotions. Curieusement, c’est aux femmes qu’il appartient de nourrir… et ce sont les femmes qui ont le plus d’émotions concernant l’alimentation.

Publié en 2007