TOC et TCA
Pr Daniel RIGAUD, Dijon
L'anorexie mentale, la boulimie et la compulsion, mais aussi l'orthorexie et le mérycisme sont souvent associés aux TOC. Les troubles obsessionnels et compulsifs (TOC) sont des troubles de nature mentale (ils font partie des diagnostics d'ordre psychiatrique) caractérisés par un besoin compulsif de faire et refaire la même chose tout au long de la journée.
Il y a donc à la fois des obsessions, c'est-à-dire des pensées envahissantes et stéréotypées, et un besoin de répéter sans cesse des comportements, souvent ritualisés, contre toute logique, tout au long de la journée.
Les adultes qui souffrent de TOC ont conscience que ce qu'ils pensent ou font est anormal, mais ils ne peuvent pas s'en empêcher : « C'est quelque chose qui se fait dans ma tête, je ne peux pas m'y soustraire ». C'est en ceci qu'on parle de comportement compulsif.
Il existe différents types de TOC :
Les TOC sont fréquents en cas de TCA, que ce soit l'anorexie mentale, la boulimie, la compulsion ou les autres TCA.
On admet que la moitié des malades souffrant d'anorexie mentale ou de boulimie en ont un, ou en ont eu un (sur l'ensemble de leur vie). On admet que 25 % des malades TCA ont ou ont eu un TOC "significatif et durable". Dans notre statistique, c'étaient 55 % des malades qui signalaient avoir ou avoir eu des TOC, un peu plus en cas d'anorexie restrictive (46 %) et d'AM-boulimie (42 %) que de boulimie (35 %). Un tiers de ces malades avec TOC étaient allés consulter pour TOC (18 %).
Dans une étude française d'un grand service de psychiatrie-TCA (Institut Montsouris, Paris), les malades souffrant d'anorexie avaient ou avaient eu 2 fois plus de TOC que les malades souffrant de boulimie (17-24 % versus 6-9 %). Il n'y avait pas de différence de fréquence de TOC entre anorexie restrictive et anorexie-boulimie.
Dans l'ensemble de la littérature scientifique, on trouve des chiffres assez semblables : de 19 à 69 % des malades souffrant d'anorexie mentale, avec la même fréquence de TOC pour la forme restrictive et boulimique, ont en ce moment des TOC, ou ont eu des TOC, alors que seulement 9 à 35 % des malades souffrant de boulimie en ont.
En cas de TCA, les TOC les plus fréquents (la moitié des cas de TOC) sont ceux de rangement et de ménage.
Les TOC, en général, sont très liés à l'anxiété. La plupart des personnes qui souffrent de TOC sont hyper-anxieuses. Pour les psychologues, les TOC sont une forme d'anxiété.
On voit donc pourquoi, entre autres, les TOC sont plus fréquents en cas de TCA, puisqu'au moins la moitié des malades atteints de TCA sont anxieux : selon les équipes médicales et les groupes de patients, près de la moitié des malades souffrant d'anorexie sont anxieux (anxieuses) et de 30 à 65 % des malades souffrant de boulimie sont anxieux.
En tout cas, de nombreux malades se voient prescrire des médicaments anxiolytiques.
Parmi les caractéristiques des malades souffrant d'anorexie mentale, de boulimie et de compulsion, on trouve l'excès de perfectionnisme, la manque de confiance en soi, le sentiment d'impuissance et surtout la psychorigidité et le besoin de contrôle, toutes pensées qui sont très liées avec les TOC.
Il faut entendre psychorigidité ici comme la pensée anxieuse que, si les choses ne sont pas comme on pense qu'elles devraient être, ça va mal aller, il arrivera quelque chose de mauvais. Les personnes qui souffrent de psychorigidité manquent de souplesse, aussi bien en groupe, en famille, au bureau ou entre ami(e)s. Elles ont du mal à prendre en compte l’opinion des autres et peinent à évoluer. Derrière la psychorigidité, il s’agit de se rassurer en contrôlant son territoire et en imposant sa marque. Cette psychorigidité induit aussi un besoin de stabilité et de répétition immuable des choses et des situations. Elle pourrait expliquer, par exemple, la fréquence des troubles obsessionnels et compulsifs (TOC) dans les TCA (au moins 20 à 25 % des cas). Cette psychorigidité est également responsable d’une angoisse face au changement, voire d’une peur panique de l’avenir
Le plus souvent, le TOC précède, dans l'anorexie et la boulimie, le trouble alimentaire : chez 50 à 65 % des malades, le TOC était en place avant que commence le premier TCA.
La thérapie cognitivo-comportementale, la PNL et la thérapie de pleine conscience sont assez efficaces contre les TOC : elles permettent une amélioration nette chez la moitié des malades.
Les antidépresseurs sérotoninergiques (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine) augmentent le taux de sérotonine disponible dans le cerveau, ce qui a un effet "anti-pulsion".
Enfin, la stimulation cérébrale profonde (sous anesthésie générale) et la stimulation magnétique ciblée ont, semble-t-il, fait des débuts prometteurs dans le traitement des TOC. Ces techniques plutôt invasives sont actuellement réservées aux cas les plus graves.
Figure 1 : Fréquence des TOC en cas d'anorexie, de boulimie et de coimpulsion
Publié en 2017