Anorexie, boulimie, compulsions alimentaires : l'association peut vous aider à voir les choses Autrement

Anorexie Boulimie Compulsions Obésité
Définitions, physiopathologie, épidémiologie et maladies associées
Aspects psychosensoriels de la prise en charge de l'obésité Comment calculer les besoins chez le patient obèse ou dénutri ? Comportement alimentaire et image de soi Épidémiologie de l'obésité Le rôle de la génétique Nutrition et acides gras Obésité de l'enfant Obésité et anorexie : ce qui les rapproche Pourquoi est-on obèse ? Troubles du comportement alimentaire et obésité Troubles du comportement alimentaire et obésité
Cas clinique et complications Traitement
Nutrition Alimentation

Obésité de l'enfant


1. Introduction

L’obésité est un excès de masse grasse, associé à une altération de la qualité et de l’espérance de vie.
Il ne s’agit donc pas d’un problème esthétique, mais bien d’un état pathologique.

L’enfant obèse n’a pas " quelques kilos de trop " et " ça ne va pas s’arranger tout seul à l’adolescence ".

1.1. Définition

Pour plus de commodité, on définit l’obésité comme un excès de poids pour une taille corporelle donnée : c’est l’indice de masse corporelle (IMC). La valeur seuil chez l’enfant dépend de l’âge. Pour 2 raisons : la taille augmente ; et surtout, la masse grasse suit une évolution complexe lors de la croissance. On dispose de valeurs de référence en France, qui figurent sur le carnet de santé (version 1998, voir courbes).

Faute de mieux : Obésité majeure : IMC > 97ème percentile pour l’âge et le sexe ;
                             Seuil de l’obésité (pour certains auteurs) : 90ème percentile

1.2. Types d'obésité

Il n’y a pas une mais des obésités.

Chez l’adolescent comme chez l’adulte, on distingue les obésités androïde (abdomino-mésentérique) et gynoïde (fessio-crurale). Cette classification conditionne les complications et le pronostic à l’âge adulte.

Chez l'enfant plus jeune (avant 10 ans), on ne retrouve pas ces 2 types.

1.3. L'adolescent

Il y a une grande différence de risque de complications et maladies associées à l’obésité, selon qu’elle est abdomino-mésentérique ou gynoïde :

Obésité androïde (abdomino-mésentérique) fle64.gif  Risques métaboliques, respiratoires et cardio-vasculaires

Obésité gynoïde (fessio-crurale) fle64.gif   Risques articulaires, vésiculaires (lithiase biliaire) et veineux

Savoir les reconnaître : Si différencier ces 2 types d’obésité est simple chez l’adulte, ça l’est moins chez l’enfant : on manque de données sur la valeur prédictive des variables utilisées chez l’adulte : rapport de la circonférence de la taille sur celle des hanches : RTH ; circonférence de la taille (CT).

1.4. Chez l'enfant plus jeune

Avant 12 ans, il existe un continuum de valeurs entre des formes principalement tronculaires et des répartitions moins homogènes.

L’évolution vers l’obésité est lentement progressive : si le médecin ne suit pas la courbe de poids/(taille)2, à savoir l’évolution de l’IMC, il risque de passer à côté du début de la surcharge pondérale et peut-être ainsi d’une prévention efficace.

Or c’est probablement au début de la prise excessive de masse grasse que l’intervention peut être la plus pertinente (la moins difficile pour l’enfant).

2. Epidémiologie de l'obésité chez l'enfant

L’obésité est un état fréquent : environ 3 à 8 % des enfants de 8-15 ans sont obèses, selon les régions, en France et 2 % ont une obésité sévère ! Ce serait un enfant sur 5 aux USA (20 % des enfants), 10 à 15 % en Grande Bretagne, 10 % en Allemagne ou au Japon.

Sa fréquence augmente : l’incidence a augmenté dans toutes les tranches d’âge. L’effet de cohorte actuel fait craindre, si la courbe ne s’inverse pas, l’émergence d’une quantité importante d’adulte jeunes obèses dans les 15 années qui viennent ! Ceci est vrai dans toutes les régions et dans tous les pays, y compris les pays défavorisés.

  • Comme chez l’adulte, l’obésité de l’enfant est en règle primaire.
  • Chez l’enfant, la fréquence de l’obésité a augmenté depuis 15 ans
 

1980

1996

Obésité modérée (France)

4,7 %

10,8 %

Obésité modérée (USA)

14 %

22 %

Obésité importante (France)

0,4 %

1,8 %

Obésité importante (USA)

2 %

8 %

Le degré de surpoids chez l’enfant conditionne assez fortement la constitution de l’obésité chez l’adulte.
Assez logiquement, la relation augmente avec l’âge.
Même si nombre d’adultes n’étaient pas obèses dans l’enfance !

2.1. Obésité de l'enfant : facteur de risque de l'obésité chez l'adulte

  • Le surpoids dans l’enfance est le facteur de risque le plus important de l’obésité de l’adulte. L’alimentation joue à cet égard un rôle bien moindre ! Le degré de surpoids est d’autant plus prédictif du risque à l’âge adulte que l’enfant est âgé : un adolescent a 40 % de chance de rester obèse, alors qu’un enfant de 3 ans ne sera vraiment à risque d’obésité que si l’obésité est familiale (génétique ?), à savoir si ses 2 parents sont obèses.
Tableau : obésité dans l’enfance et risque d’obésité à l’âge adulte selon l’âge

Obésité chez l’enfant

Risque d’obésité à l’âge adulte

A l’âge de 6 mois (USA) :

 
  • enfants obèses
  • 14 % seront obèses
  • enfants non obèses
  • 8 % seront obèses

A l’âge de 1 an (France) :

 
  • enfants obèses
  • 41 % seront en surpoids
  • enfants non obèses
  • 20 % seront en surpoids

A l’âge de 1 à 3 ans (USA) :

 
  • enfants obèses
  • 26 % seront obèses
  • enfants non obèses
  • 15 % seront obèses

A l’âge de 7-8 ans (UK) :

 
  • enfants obèses
  • 40 % seront obèses
  • enfants non obèses
  • 10 % seront obèses

A l’âge de 12-15 ans (USA) :

 
  • ados obèses
  • 40 % seront obèses
  • ados non obèses
  • 10 % seront obèses
  • Le degré de corpulence dans l’enfance (à 5-8 ans comme à 10-12 ans), et l’indice de masse corporelle (IMC, en kg/(m)2) qui le mesure, sont les meilleurs facteurs de prédiction de l’obésité à l’âge adulte. Un enfant obèse a 2 à 4 fois plus de risque d’être obèse à l’âge adulte qu’un enfant non obèse.
  • Contrairement à une idée reçue, l’obésité de l’enfant avant la puberté ne disparaît pas en règle au delà de la fin de la croissance. Autant il est vrai que chez l’enfant avant la puberté quelques kilos peuvent s’accumuler qui disparaîtront ensuite, autant une authentique obésité est un phénotype qui persistera dans 25 à 40 % des cas.
  • Enfin, l’existence d’antécédents familiaux d’obésité chez un enfant obèse est un facteur de risque très important d’obésité à l’âge adulte (risque relatif de 5).

2.2. Les maladies associées à l'obésité chez l'enfant

L’obésité ne comporte pas, pendant l’enfance, le même risque de complications métaboliques et cardio-vasculaires que celle de l’adulte.

Cependant, il est clair que :

  • En cas d’obésité chez l’enfant, l’hypertension artérielle, les lésions articulaires (genoux, hanches) et le diabète sont déjà nettement plus fréquent que chez l’enfant non obèse.
  • Surtout, l’obésité de l’enfant conditionne celle de l’adulte. Or l’on sait que plus la durée de l’obésité est grande, plus le risque de complications à long terme (cf infra) augmente.

Ce n’est pas l’excès de tissu adipeux en soi qui induit les complications métaboliques, mais les mécanismes de résistance à la prise de poids (dont l’insulino-résistance).

  • Les complications associées à l’obésité chez l’enfant : elles sont le fait d’une confluence de défaillances : certains enfants très obèses n’ont aucune complication.

Complications " métaboliques " 

Complications " mécaniques " 

Maladies cardio-vasculaires :

Arthropathies

HTA (parfois observée chez l’enfant, même jeune)
troubles du rythme
coronaropathies et insuffisance cardiaque (à l’âge adulte)

douleurs articulaires et ostéonécrose pouvant toucher hanches et genoux ;
épiphysiolyse fémorale supérieure ;
syndrome fémoro-patellaire ;
cyphose dorsale et hyperlordose ;
atteintes musculo-ligamentaires.

 

Veinopathies : varices, phlébite, thrombose

Complications métaboliques

Complications respiratoires

insulino-résistance
baisse du cholestérol HDL
hypertriglycéridémie (VLDL)
diabète de type II

insuffisance respiratoire
syndrome d’apnée du sommeil
dyspnée d’effort

Complications post-opératoires

Complications cutanées :

Atteintes hépato-digestives : stéatose

hypersudation, mycose, lymphoedème

 

Mésestime et altération de l’image de soi

Et toujours : la discrimination et les moqueries ; l’altération de l’image de soi et de la qualité de vie ; l’état dépressif réactionnel ; l’exclusion du groupe.

3. La physiopathologie de l'obésité (I)

Une partie notable de l’obésité (et du surpoids) s’explique par des facteurs génétiques.

Le savoir conduit à respecter l’enfant obèse : il n’est pas obèse parce qu’il " bouffe trop ", mais parce que la régulation (les facteurs de résistance) est en défaut. L’héritabilité intervient pour 25 à 40 % selon les études et la part familiale pour 50 à 60 %. Ceci suggère que l’obésité de l’enfant est une confluence de facteurs génétiques et d’environnement familial.

obesite_genetique1.jpg


Si la part de la génétique est parfaitement démontré (animaux génétiquement obèse type souris ob/ob, rat fa/fa, agouti, jumeaux vrais, enfants adoptés), les mutations des gènes en cause ne sont pas clairement identifiées.

Il n’y a sûrement pas un gène de l’obésité, mais de multiples facteurs, y compris chez un enfant donné ! On a décrit chez des enfants obèses : un appétit " plus marqué " pour le gras, des hyperphagies, une liaison plus forte entre humeur et prise alimentaire, une satiété plus courte, des dépenses énergétiques plus faible, une masse maigre plus réduite...

Le contexte familial (solitude, niveau social) et psychologique (divorce, deuil, changement de lieu de résidence et d’école) peuvent favoriser dans de nombreux cas l’émergence d’une surpoids et d’une obésité chez l’enfant ou l’adolescent.

Chez l’enfant comme chez l’adulte, l’obésité est le plus souvent primaire. Rares sont les obésités liées à une hypoparathyroïdie, une hypothyroïdie, un déficit en hormone de croissance, un syndrome de Prader-Willi ou d’Angelman.

Le rebond d’adiposité : Un élément important est le rebond d’adiposité : l’IMC suit une courbe décroissante de l’âge de un an à l’âge de 7-8 ans. Puis l’IMC remonte progressivement (voir courbes) pour atteindre les valeurs de 19 à 25 kg/(m)2 à 20 ans. Cette inversion de la courbe s’appelle le rebond d’adiposité. L’âge auquel il survient est important : un âge de rebond précoce, vers 5-6 ans, serait associé à un risque accru d’obésité à l’âge adulte.

Un autre élément à prendre en compte est le développement du tissu adipeux. On manque cependant de données chez l’enfant pour déterminer la valeur seuil (qui varie avec l’âge).

  • L’insuffisance d’activité physique caractérise aussi l’obésité de l’enfant. Pour certains, elle en est un des éléments de constitution. Mais surtout, , l’obésité favorise chez l’enfant la réduction de l’activité physique. Le rôle du médecin est de lutter contre cette tendance.

L’entourage : 55 à 60 % des enfants obèses ont au moins un de leurs parents en surpoids. Ceci s’explique en partie par l’héritabilité de l’obésité. Mais la manière de manger des parents, leur regard sur leur nourriture et leur poids, la pertinence de leurs conseils alimentaires participent à la genèse et la prise en charge de l’obésité de l’infant. Le rôle des facteurs psycho-familiaux est plus difficile à définir : s’il est évident qu’un conflit familial ou le peu d’intérêt de parents à l’égard de leurs enfants jouent un rôle, l’impact de facteurs comme le divorce, la vie avec un seul des 2 parents, la fratrie n’est pas certain.

  • Enfin, il ne faut pas oublier que l’obésité, notamment à l’adolescence, et en particulier chez la fille peut être le symptôme d’un appel au secours en réponse à un abus sexuel ou à des actes de violence des proches.

4. La physiopathologie de l'obésité (II)

Une question d’apport énergétique : La surcharge pondérale et l’obésité résultent d’un bilan énergétique (calorique) positif au long cours. Chez l’enfant, les entrées (ingesta moins pertes digestives) sont régulièrement supérieures aux sorties (dépense énergétique totale) et permettent la croissance. On connaît assez mal les facteurs qui conduisent à une augmentation excessive de la masse adipeuse au dépend de la masse musculaire.

Pas qu’une question de calories : A apport énergétique égal au delà des besoins de croissance, un apport accru de lipides peut faire plus grossir qu’un excès de glucides. En effet, pour 100 kcal de lipides, 2 kcal seulement sont utilisées (transport), alors que pour 100 kcal de glucides, à ces 2 kcal s’ajoutent 5-6 kcal pour les transformations en vue du stockage (lipogénèse). Pour les protides, la relation est plus discutée. Pour 100 kcal de protides, 2 kcal de transport, et 15 à 25 kcal pour les transformations.

Une surconsommation alimentaire est loin d’être toujours retrouvée chez l’enfant obèse : moins de 15 % d’entre eux seraient hyperphages. En revanche, des erreurs d’ordre qualitatif sont volontiers alléguées : insuffisance de fruits et légumes, d’aliments riches en fibres, excès de matières grasses, boissons énergétiques aux repas (sodas), grignotage (notamment devant la télévision), absence de petit déjeuner ou de goûter.

Rebond d’adiposité et surpoids à l’âge adulte : Un excès franc d’apport de protéines (> 2 g/kg/j) lors des 12 premiers mois de la vie pourraient favoriser la masse adipeuse et le rebond de poids plus tard. On sait (voir courbe) que l’IMC décroît entre 1 an et 8 ans. Vers 7-8 ans, l’IMC croît à nouveau, pour progressivement atteindre les valeurs adultes vers 18-20 ans. C’est l’âge du rebond de poids et d’adiposité (ce rebond est associé à une augmentation de la masse grasse). Or il a été noté par certains d’une part un rebond plus précoce en cas de surpoids à 15-20 ans et d’autre part une association statistiquement significative (mais pas très élevée) entre apport protéique à 6 mois-2 ans et âge du rebond.

Il ne faut pas un énorme crédit de calories pour prendre du poids : un " excès d’apport " de 100 kcal/j (37 g de pain) induit une prise de poids de 12 g/j soit, en l’absence de résistance à la prise de poids, un gain de 4 kg en un an (40 kg en 10 ans !).

Il faut opposer causes (mécanismes) de l’obésité et conséquences
Causes (mécanismes) Conséquences
Hyperphagies (grignotage pathologique) Fréquente restriction cognitive (ado)
Peu ou pas de troubles du comportement alim. TCA fréquents (compulsions, frénésie, fringale)
Troubles endocriniens fort peu fréquents Hypothyroïdie et hypercorticisme
DER basse DER élevée
DEPP basse, par DEPP " facultative " (celle liée au système beta adrénergique) basse ? DEPP élevée (quand hyperphagie)
Sensibilité accrue à l’insuline Sensibilité réduite à l'insuline (insulino-résistance)
Oxydation forte du glucose (et donc "épargne" des lipides) Oxydation du glucose diminuée (et donc risque d’hyperglycémie)

5. Trouble du comportement alimentaire et obésité

La consommation alimentaire déclarée ne paraît pas très différente chez l’enfant obèse et chez l’enfant de poids normal. Il n’est pas évident que les enfants obèses mangent (en moyenne) plus de lipides, ou " mal ", ou " trop ". Il est cependant bien difficile de conclure car rien n’est plus difficile que l’interrogatoire alimentaire chez l’enfant ! Surtout celui qui est l’objet de sarcasmes !

Les troubles du comportement alimentaire sont fréquents en cas d’obésité chez l’enfant. La modification du rythme des prises alimentaires, la fréquence du grignotage et un choix d’aliments plus énergétiques pourraient être des facteurs de risque, sur un terrain particulier (génétique).

Le rôle de l’exemple familial ne doit pas être négligé. Celui de l’isolement non plus.

  • Les troubles du comportement alimentaire apparaissent à l’adolescence (voir fiches TCA). Ils sont le fait des filles (90 % des cas). Ils pourraient être le fait des régimes trop restrictifs prescrits pour une obésité, un surpoids ou un surpoids allégué.
  • Un moyen de les éviter est de ne pas prescrire de régimes trop restrictifs aux enfants et adolescents ayant un surpoids : l’objectif doit être de restructurer l’alimentation en évitant de " sataniser " certains aliments. Il faut se méfier notamment des filles dont l’humeur est instable, ou l’angoisse patente et de celles qui adhèrent trop bien à un régime restrictif.
  • Un autre moyen est de travailler d’emblée sur le comportement et non sur la restriction calorique et la perte de poids : en ayant un projet de poids raisonnable et pondéré, on évite à l’enfant ou l’adolescent de se cristalliser sur la balance. Une absence de prise de poids malgré l’augmentation de la taille sur un an est déjà un bon objectif.

6. La dépense énergétique du sujet obèse

Dans l’obésité, les 4 postes de la dépense énergétique varient selon le poids et les apports énergétiques : la dépense de repos (DER), la dépense postprandiale (DEPP), celle liée à l’activité physique (DEAP) et celle de thermorégulation (DETR).

Lors de la mise au régime hypocalorique :

La DER diminue : 1) dans les premiers jours par augmentation du " rendement " ;
                             2) par la suite (long terme) par diminution de la masse maigre.

La DEPP diminue : la dépense postprandiale est liée à la thermogénèse alimentaire (dépense obligatoire) et aux réactions métaboliques qui suivent l’entrée d’aliments énergétique (thermogénèse facultative).
La DEPP diminue pour 2 raisons : 1) dans les premiers jours par réduction des apports ;
                                                     2) puis par suppression de la thermogenèse facultative.

La DEAP diminue : 1) dans les premiers jours par réduction de l’activité ;
                               2) ensuite, par réduction de la masse corporelle (il y a moins à " porter ").

Ainsi, tout fonctionne pour s’opposer à la perte de poids.

7. Les aspects psychologiques du surpoids et de l'obésité

Pas de profil particulier : Il n’y a pas de profil psychologique particulier de l’enfant ou de l’adolescent obèse.

Mais des conséquences : En revanche, le surpoids et l’obésité génèrent une altération de l’image de soi et de son corps qui peut aboutir à des perturbations psychologiques plus ou moins sévères. Un cercle vicieux s’installe souvent : exclusion, moqueries, repli et isolement d’où ennui et grignotages, perte de confiance, méfiance à l’égard de l’autre, rejet des activités de groupe (et du sport).

Le regard de l’autre : L’enfant ou l’adolescent obèse est vécu comme quelqu’un qui a échoué dans la maîtrise de son corps. Il est donc rejeté, y compris parfois par sa famille ou certains de ses membres (frères et soeurs).

Et les effets délétères des régimes très restrictifs : Il est clair que des régimes trop restrictifs peuvent induire des troubles du comportement alimentaire, en favorisant état dépressif, sensation d’échec, de perte de contrôle, angoisse et perte de confiance. Il y a lieu de travailler sur le comportement, et pas seulement le comportement alimentaire :

  • renforcer le plaisir à table et la convivialité
  • travailler sur la variété et la complémentarité : 3 ou 4 repas, plusieurs phases par repas
  • ne pas donner de régimes qui " isolent "
  • éviter interdictions et exclusions : un régime, c’est pour la vie !
  • travailler sur la durée et la maintenance : l’essentiel est de mieux gérer, pas de maigrir.
  • se donner du temps : pour manger, pour maigrir
et encore
  • réduire les perturbations de l’image corporelle
  • augmenter l’estime de soi
  • limiter les effets psychologiques négatifs de la restriction calorique volontaire
  • améliorer la capacité de faire face, de gérer les situations conflictuelles
  • travailler sur l’expression corporelle et émotionnelle
  • travailler sur le droit à se faire plaisir
  • insister sur le fait que l’amaigrissement ne doit pas être une brimade de plus, mais un autre regard sur son poids.
La prise en charge du sujet obèse : du temps et de la persévérance

8. En pratique, que faire devant un enfant ou un adolescent obèse

  • Ne pas dire : " mangez moins ", on lui dit déjà trop !
  • Mais dire : Pour maigrir, il faut manger (et se souvenir de l’avoir fait !)
  • Proposer et défendre un objectif pondéral réaliste dans le cadre de vie de l’enfant ! Faire un projet responsable : une perte de 5 kg sur un an et de 10 kg sur deux ans est déjà un vrai succès ! Un projet réaliste évite bien des troubles du comportement alimentaire.
  • Se donner du temps : 10 kg, c’est souvent 2 ans d’effort ! Ne pas oublier aussi que l’infant grandit : il faut se référer à la courbe de poids pour l’âge ou à la courbe d’indice de masse corporelle (IMC) pour l’âge.
  • Evaluer le contexte génétique : corpulence des 2 parents et quatre grand parents et des frères et soeurs. Il est injuste et irréaliste de demander à un enfant atteint d’obésité génétique d’atteindre un IMC normal pour son âge !
  • Evaluer le risque : le sexe masculin, une obésité " androïde ", des antécédents familiaux métaboliques ou cardio-vasculaires, le degré d’obésité (le risque croît plus vite que l’IMC).
  • Chercher les facteurs de risque et maladies associées : pression artérielle, glycémie, cholestérol total et HDL (le cholestérol total peut être normal et le HDL bas en cas d’obésité androïde), triglycérides, atteinte respiratoire (apnée du sommeil).
  • Repérer un trouble du comportement alimentaire (TCA : compulsion et grignotage pathologique) : les malades n’en parlent pas volontiers et donner un régime très restrictif augmenterait le risque de TCA.
  • Prendre en charge conjointement les maladies associées : ce n’est pas parce qu’un enfant ne maigrit pas qu’il faut le " priver " d’un traitement efficace de son diabète !

8.1. La prise en charge de l'enfant obèse : les bases du traitement

L’objectif principal du régime n’est pas de faire perdre du poids, mais de se rapprocher de la courbe de poids pour la taille et de maintenir le résultat obtenu pendant 30 à 50 ans !
 
L’augmentation des dépenses énergétiques par l’activité physique et un apport suffisant de protéines est également essentiel !

8.2. Les régimes très hypocaloriques sont proscrits

Il y a autant de risque à prescrire un régime " débile " (d’exclusion, ou très hypocalorique) qu’à l’obésité elle-même : troubles du comportement alimentaire, troubles du sommeil, instabilité de l’humeur, nervosité, dénutrition.
  • Le maintien d’une activité physique à un bon niveau est un élément clé de la prise en charge : il faut valoriser l’activité de tous les jours et proposer de diminuer les activités sédentaires (télévision, jeux électroniques) pour privilégier les sorties et un peu de sport. C’est d’autant plus vrai que l’obésité n’est pas encore constituée (prévention).

Le régime doit être :

  • personnalisé : il doit tenir compte des habitudes et possibilités familiales ; les contraintes scolaires sont aussi essentielles à considérer
  • non carencé : il doit couvrir tous les besoins en nutriments (fer, calcium) de la croissance
  • adapté : un régime à 1200 kcal/j à un adolescent n’est pas raisonnable
  • positif : il ne faut pas interdire, mais proposer des solutions et limiter certains aliments : 10 g de beurre / j n’a jamais empêché quiconque de maigrir
  • varié : c’est pour la vie
  • inscrit au sein de prises alimentaires calibrées et bien gérées : 3 ou 4 repas ; plutôt plus énergétique le matin ; plutôt moins calorique le soir ; sans sauter petit déjeuner et/ou déjeuner ; sans priver l’enfant de goûter
  • compris : plusieurs consultations peuvent être nécessaires pour expliquer les bases du nouveau modèle alimentaire
  • accompagné : tout doit être fait pour augmenter l’activité physique
  • suivi en famille : souvent, l’enfant mange comme il le voit faire par ses proches !
Les avantages et effets secondaires du régime doivent être expliqués : la perte de poids avec son maintien à long terme est toujours difficile. Perdre quelques kilos peut être un excellent résultat à long terme s’il permet la stabilisation du poids à l’âge adulte et donc la prévention des risques associés (HTA, insulino-résistance, hypertriglycéridémie, insuffisance respiratoire...).

Toujours se rappeler

  • La perte de poids initiale est rapide, mais c’est de l’eau : La perte de poids est plus rapide dans les 2 premières semaines qu’elle ne l’est par la suite. Ceci est lié au fait qu’initialement le patient brûle ses stocks de glycogène et l’eau qui y est associée (3-4 g d’eau pour 1 g glycogène, soit 150 g glycogène plus 600 g d’eau dans les 4 à 8 premiers jours), diminue sa sécrétion d’insuline et augmente celle du glucagon (ce qui diminue la réabsorption tubulaire rénale), 2 changements qui favorisent l’excrétion rénale d’eau.
  • Un régime hypocalorique ne doit pas être d’un niveau plus bas que la dépense énergétique de repos chez l’enfant et l’adolescent. Aucun médicament anorexigène ou " amaigrissant " ne doit être prescrit.
  • La reprise d’une activité physique de tous les jours, le conseil de ne pas dispenser l’enfant de gymnastique aide l’enfant à se sentir mieux et à percevoir que mincir n’est pas qu’un problème de restriction alimentaire. Cependant, il faut savoir que la prescription de l’association régime hypocalorique + d’activité physique (marche, course légère, vélo d’appartement), si elle est efficace, est rarement suivie. Il faut s’en donner les moyens !
  • Il faut toujours se donner du temps : Seul le long terme compte et à vouloir aller trop vite on épuise tout le monde. Lutter contre une vraie obésité est un énorme travail : il faut donc faire à l’enfant et à ses parents un programme progressif de changement du comportement alimentaire.
  • Se rappeler que même dans les meilleures mains seuls un enfant obèse sur 4 peut, en l’état actuel, retrouver un poids normal. Alors ne désespérer pas et ne culpabiliser pas la famille et l’enfant ! C’est aussi dire la nécessité d’une prise de conscience et d’une prise en charge précoces.
 
Publié en 2005