L’obésité est un excès de masse grasse, associé à une altération de la qualité et de l’espérance de vie.
Il ne s’agit donc pas d’un problème esthétique, mais bien d’un état pathologique.
L’enfant obèse n’a pas " quelques kilos de trop " et " ça ne va pas s’arranger tout seul à l’adolescence ".
Pour plus de commodité, on définit l’obésité comme un excès de poids pour une taille corporelle donnée : c’est l’indice de masse corporelle (IMC). La valeur seuil chez l’enfant dépend de l’âge. Pour 2 raisons : la taille augmente ; et surtout, la masse grasse suit une évolution complexe lors de la croissance. On dispose de valeurs de référence en France, qui figurent sur le carnet de santé (version 1998, voir courbes).
Faute de mieux : Obésité majeure : IMC > 97ème percentile pour l’âge et le sexe ;
Seuil de l’obésité (pour certains auteurs) : 90ème percentile
Il n’y a pas une mais des obésités.
Chez l’adolescent comme chez l’adulte, on distingue les obésités androïde (abdomino-mésentérique) et gynoïde (fessio-crurale). Cette classification conditionne les complications et le pronostic à l’âge adulte.
Chez l'enfant plus jeune (avant 10 ans), on ne retrouve pas ces 2 types.
Il y a une grande différence de risque de complications et maladies associées à l’obésité, selon qu’elle est abdomino-mésentérique ou gynoïde :
Obésité androïde (abdomino-mésentérique) Risques métaboliques, respiratoires et cardio-vasculaires
Obésité gynoïde (fessio-crurale) Risques articulaires, vésiculaires (lithiase biliaire) et veineux
Savoir les reconnaître : Si différencier ces 2 types d’obésité est simple chez l’adulte, ça l’est moins chez l’enfant : on manque de données sur la valeur prédictive des variables utilisées chez l’adulte : rapport de la circonférence de la taille sur celle des hanches : RTH ; circonférence de la taille (CT).
Avant 12 ans, il existe un continuum de valeurs entre des formes principalement tronculaires et des répartitions moins homogènes.
L’évolution vers l’obésité est lentement progressive : si le médecin ne suit pas la courbe de poids/(taille)2, à savoir l’évolution de l’IMC, il risque de passer à côté du début de la surcharge pondérale et peut-être ainsi d’une prévention efficace.
Or c’est probablement au début de la prise excessive de masse grasse que l’intervention peut être la plus pertinente (la moins difficile pour l’enfant).
L’obésité est un état fréquent : environ 3 à 8 % des enfants de 8-15 ans sont obèses, selon les régions, en France et 2 % ont une obésité sévère ! Ce serait un enfant sur 5 aux USA (20 % des enfants), 10 à 15 % en Grande Bretagne, 10 % en Allemagne ou au Japon.
Sa fréquence augmente : l’incidence a augmenté dans toutes les tranches d’âge. L’effet de cohorte actuel fait craindre, si la courbe ne s’inverse pas, l’émergence d’une quantité importante d’adulte jeunes obèses dans les 15 années qui viennent ! Ceci est vrai dans toutes les régions et dans tous les pays, y compris les pays défavorisés.
1980 |
1996 |
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Obésité modérée (France) |
4,7 % |
10,8 % |
Obésité modérée (USA) |
14 % |
22 % |
Obésité importante (France) |
0,4 % |
1,8 % |
Obésité importante (USA) |
2 % |
8 % |
Le degré de surpoids chez l’enfant conditionne assez fortement la constitution de l’obésité chez l’adulte.
Assez logiquement, la relation augmente avec l’âge.
Même si nombre d’adultes n’étaient pas obèses dans l’enfance !
Obésité chez l’enfant |
Risque d’obésité à l’âge adulte |
A l’âge de 6 mois (USA) : |
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A l’âge de 1 an (France) : |
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A l’âge de 1 à 3 ans (USA) : |
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A l’âge de 7-8 ans (UK) : |
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A l’âge de 12-15 ans (USA) : |
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L’obésité ne comporte pas, pendant l’enfance, le même risque de complications métaboliques et cardio-vasculaires que celle de l’adulte.
Cependant, il est clair que :
Ce n’est pas l’excès de tissu adipeux en soi qui induit les complications métaboliques, mais les mécanismes de résistance à la prise de poids (dont l’insulino-résistance).
Complications " métaboliques " |
Complications " mécaniques " |
Maladies cardio-vasculaires : |
Arthropathies |
HTA (parfois observée chez l’enfant, même jeune) |
douleurs articulaires et ostéonécrose pouvant toucher hanches et genoux ; |
Veinopathies : varices, phlébite, thrombose |
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Complications métaboliques |
Complications respiratoires |
insulino-résistance |
insuffisance respiratoire |
Complications post-opératoires |
Complications cutanées : |
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Mésestime et altération de l’image de soi |
Et toujours : la discrimination et les moqueries ; l’altération de l’image de soi et de la qualité de vie ; l’état dépressif réactionnel ; l’exclusion du groupe.
Une partie notable de l’obésité (et du surpoids) s’explique par des facteurs génétiques.
Le savoir conduit à respecter l’enfant obèse : il n’est pas obèse parce qu’il " bouffe trop ", mais parce que la régulation (les facteurs de résistance) est en défaut. L’héritabilité intervient pour 25 à 40 % selon les études et la part familiale pour 50 à 60 %. Ceci suggère que l’obésité de l’enfant est une confluence de facteurs génétiques et d’environnement familial.
Si la part de la génétique est parfaitement démontré (animaux génétiquement obèse type souris ob/ob, rat fa/fa, agouti, jumeaux vrais, enfants adoptés), les mutations des gènes en cause ne sont pas clairement identifiées.
Il n’y a sûrement pas un gène de l’obésité, mais de multiples facteurs, y compris chez un enfant donné ! On a décrit chez des enfants obèses : un appétit " plus marqué " pour le gras, des hyperphagies, une liaison plus forte entre humeur et prise alimentaire, une satiété plus courte, des dépenses énergétiques plus faible, une masse maigre plus réduite...
Le contexte familial (solitude, niveau social) et psychologique (divorce, deuil, changement de lieu de résidence et d’école) peuvent favoriser dans de nombreux cas l’émergence d’une surpoids et d’une obésité chez l’enfant ou l’adolescent.
Chez l’enfant comme chez l’adulte, l’obésité est le plus souvent primaire. Rares sont les obésités liées à une hypoparathyroïdie, une hypothyroïdie, un déficit en hormone de croissance, un syndrome de Prader-Willi ou d’Angelman.
Le rebond d’adiposité : Un élément important est le rebond d’adiposité : l’IMC suit une courbe décroissante de l’âge de un an à l’âge de 7-8 ans. Puis l’IMC remonte progressivement (voir courbes) pour atteindre les valeurs de 19 à 25 kg/(m)2 à 20 ans. Cette inversion de la courbe s’appelle le rebond d’adiposité. L’âge auquel il survient est important : un âge de rebond précoce, vers 5-6 ans, serait associé à un risque accru d’obésité à l’âge adulte.
Un autre élément à prendre en compte est le développement du tissu adipeux. On manque cependant de données chez l’enfant pour déterminer la valeur seuil (qui varie avec l’âge).
L’entourage : 55 à 60 % des enfants obèses ont au moins un de leurs parents en surpoids. Ceci s’explique en partie par l’héritabilité de l’obésité. Mais la manière de manger des parents, leur regard sur leur nourriture et leur poids, la pertinence de leurs conseils alimentaires participent à la genèse et la prise en charge de l’obésité de l’infant. Le rôle des facteurs psycho-familiaux est plus difficile à définir : s’il est évident qu’un conflit familial ou le peu d’intérêt de parents à l’égard de leurs enfants jouent un rôle, l’impact de facteurs comme le divorce, la vie avec un seul des 2 parents, la fratrie n’est pas certain.
Une question d’apport énergétique : La surcharge pondérale et l’obésité résultent d’un bilan énergétique (calorique) positif au long cours. Chez l’enfant, les entrées (ingesta moins pertes digestives) sont régulièrement supérieures aux sorties (dépense énergétique totale) et permettent la croissance. On connaît assez mal les facteurs qui conduisent à une augmentation excessive de la masse adipeuse au dépend de la masse musculaire.
Pas qu’une question de calories : A apport énergétique égal au delà des besoins de croissance, un apport accru de lipides peut faire plus grossir qu’un excès de glucides. En effet, pour 100 kcal de lipides, 2 kcal seulement sont utilisées (transport), alors que pour 100 kcal de glucides, à ces 2 kcal s’ajoutent 5-6 kcal pour les transformations en vue du stockage (lipogénèse). Pour les protides, la relation est plus discutée. Pour 100 kcal de protides, 2 kcal de transport, et 15 à 25 kcal pour les transformations.
Une surconsommation alimentaire est loin d’être toujours retrouvée chez l’enfant obèse : moins de 15 % d’entre eux seraient hyperphages. En revanche, des erreurs d’ordre qualitatif sont volontiers alléguées : insuffisance de fruits et légumes, d’aliments riches en fibres, excès de matières grasses, boissons énergétiques aux repas (sodas), grignotage (notamment devant la télévision), absence de petit déjeuner ou de goûter.
Rebond d’adiposité et surpoids à l’âge adulte : Un excès franc d’apport de protéines (> 2 g/kg/j) lors des 12 premiers mois de la vie pourraient favoriser la masse adipeuse et le rebond de poids plus tard. On sait (voir courbe) que l’IMC décroît entre 1 an et 8 ans. Vers 7-8 ans, l’IMC croît à nouveau, pour progressivement atteindre les valeurs adultes vers 18-20 ans. C’est l’âge du rebond de poids et d’adiposité (ce rebond est associé à une augmentation de la masse grasse). Or il a été noté par certains d’une part un rebond plus précoce en cas de surpoids à 15-20 ans et d’autre part une association statistiquement significative (mais pas très élevée) entre apport protéique à 6 mois-2 ans et âge du rebond.
Il ne faut pas un énorme crédit de calories pour prendre du poids : un " excès d’apport " de 100 kcal/j (37 g de pain) induit une prise de poids de 12 g/j soit, en l’absence de résistance à la prise de poids, un gain de 4 kg en un an (40 kg en 10 ans !).
Causes (mécanismes) | Conséquences |
Hyperphagies (grignotage pathologique) | Fréquente restriction cognitive (ado) |
Peu ou pas de troubles du comportement alim. | TCA fréquents (compulsions, frénésie, fringale) |
Troubles endocriniens fort peu fréquents | Hypothyroïdie et hypercorticisme |
DER basse | DER élevée |
DEPP basse, par DEPP " facultative " (celle liée au système beta adrénergique) basse ? | DEPP élevée (quand hyperphagie) |
Sensibilité accrue à l’insuline | Sensibilité réduite à l'insuline (insulino-résistance) |
Oxydation forte du glucose (et donc "épargne" des lipides) | Oxydation du glucose diminuée (et donc risque d’hyperglycémie) |
La consommation alimentaire déclarée ne paraît pas très différente chez l’enfant obèse et chez l’enfant de poids normal. Il n’est pas évident que les enfants obèses mangent (en moyenne) plus de lipides, ou " mal ", ou " trop ". Il est cependant bien difficile de conclure car rien n’est plus difficile que l’interrogatoire alimentaire chez l’enfant ! Surtout celui qui est l’objet de sarcasmes !
Les troubles du comportement alimentaire sont fréquents en cas d’obésité chez l’enfant. La modification du rythme des prises alimentaires, la fréquence du grignotage et un choix d’aliments plus énergétiques pourraient être des facteurs de risque, sur un terrain particulier (génétique).
Le rôle de l’exemple familial ne doit pas être négligé. Celui de l’isolement non plus.
Dans l’obésité, les 4 postes de la dépense énergétique varient selon le poids et les apports énergétiques : la dépense de repos (DER), la dépense postprandiale (DEPP), celle liée à l’activité physique (DEAP) et celle de thermorégulation (DETR).
Lors de la mise au régime hypocalorique :
La DER diminue : 1) dans les premiers jours par augmentation du " rendement " ;
2) par la suite (long terme) par diminution de la masse maigre.
La DEPP diminue : la dépense postprandiale est liée à la thermogénèse alimentaire (dépense obligatoire) et aux réactions métaboliques qui suivent l’entrée d’aliments énergétique (thermogénèse facultative).
La DEPP diminue pour 2 raisons : 1) dans les premiers jours par réduction des apports ;
2) puis par suppression de la thermogenèse facultative.
La DEAP diminue : 1) dans les premiers jours par réduction de l’activité ;
2) ensuite, par réduction de la masse corporelle (il y a moins à " porter ").
Ainsi, tout fonctionne pour s’opposer à la perte de poids.
Pas de profil particulier : Il n’y a pas de profil psychologique particulier de l’enfant ou de l’adolescent obèse.
Mais des conséquences : En revanche, le surpoids et l’obésité génèrent une altération de l’image de soi et de son corps qui peut aboutir à des perturbations psychologiques plus ou moins sévères. Un cercle vicieux s’installe souvent : exclusion, moqueries, repli et isolement d’où ennui et grignotages, perte de confiance, méfiance à l’égard de l’autre, rejet des activités de groupe (et du sport).
Le regard de l’autre : L’enfant ou l’adolescent obèse est vécu comme quelqu’un qui a échoué dans la maîtrise de son corps. Il est donc rejeté, y compris parfois par sa famille ou certains de ses membres (frères et soeurs).
Et les effets délétères des régimes très restrictifs : Il est clair que des régimes trop restrictifs peuvent induire des troubles du comportement alimentaire, en favorisant état dépressif, sensation d’échec, de perte de contrôle, angoisse et perte de confiance. Il y a lieu de travailler sur le comportement, et pas seulement le comportement alimentaire :
Le régime doit être :