Anorexie, boulimie, compulsions alimentaires : l'association peut vous aider à voir les choses Autrement

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Définitions, physiopathologie, épidémiologie et maladies associées
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Nutrition Alimentation

Aspects psychosensoriels de la prise en charge de l'obésité


Que n’a-t-on pas dit sur les aspects psychologiques de l’obésité : « L’obèse mange trop » ; « Tout obèse cache un mal être » ; « Les troubles du comportement alimentaire sont à l’origine de bien des obésités » ; « l’obèse met constamment en échec son thérapeute, car il est incapable de suivre le moindre régime » !

Face à ceci, il y a la découverte de la leptine, « l’hormone régulatrice du tissu adipeux », qui a relégué les déterminants psychologiques de l’évolution de l’obésité au rang de pensée préhistorique.

En fait, l’obésité est la résultante de facteurs génétiques, psychologiques et comportementaux.
 

1. Ce que l'on sait

De nombreuses études scientifiques transversales ou longitudinales ne retrouvent pas plus de maladies psychiatriques ou de profils psychologiques particuliers chez l’obèse ou le futur obèse. Il n’en reste pas moins qu’il existe des déterminants émotionnels à la genèse de certaines obésités et que les conséquences psychoaffectives, émotionnelles et comportementales jouent un rôle parfois majeur dans la perpétuation de certains surpoids.

1.1. Maladies mentales et obésité

Les affections psychiatriques ne sont pas plus fréquentes chez l’enfant ou l’adulte obèse : pas plus de névroses (névroses d’angoisse, troubles obsessionnels et compulsifs…), de psychoses (paranoïa, hypomanie) ou de dépressions (idiopathiques ou saisonnières) en moyenne que chez les sujets de poids normal. Rappelons que l’état dépressif chronique favorise plutôt, en moyenne, une anorexie (vraie) et un amaigrissement modéré, qu’une prise de poids.

Il est cependant évident qu’un état dépressif conduit certains patients à grossir, peut-être dans un contexte génétique particulier. La part respective de prises alimentaires extra-prandiales, de la réduction de l’activité physique liée à la dépression et de l’effet de certains traitements (neuroleptiques, antidépresseurs tricycliques, sédatifs à forte dose) n’a pas été établie de façon prospective, mais chacun de ces facteurs peut intervenir.

Il ne semble pas non plus qu’il y ait plus d’antécédents d’anorexie mentale ou de boulimie chez les obèses que chez les sujets de poids normal. Dans une population d’environ 500 boulimiques ou anorexiques suivis pendant 10 ans, un surpoids vrai n’est apparu que dans 1 % des cas. Dans une population de 1890 obèses, un antécédent d’anorexie mentale ou de boulimie n’a été noté que dans 0,5 % des cas.

Les compulsions alimentaires peuvent être à l’origine d’un surpoids ou d’une obésité. On entend par « compulsion », l’ingestion en un temps court d’une grande quantité d’aliments, avec une connotation de plaisir et sans vomissement (ce n’est donc pas de la boulimie). De même, les prises alimentaires nocturnes sont plus fréquentes dans une population d’obèses que dans une population de poids normal.

1.2. Caractéristiques mentales et obésité

On ne trouve en moyenne ni plus de viol, d’inceste ou de pertes objectales (décès, rupture), ni plus d’échec scolaire à l’origine de l’obésité que dans le reste de la population.

L’obésité n'a pas ses origines dans un profil psychiatrique particulier ni dans une nécessaire situation traumatisante antérieure.

On a aussi décrit une plus grande tendance au repli, au manque d’affirmation de sa féminité/masculinité et un moindre investissement corporel chez des futurs obèses, par rapport à des sujets de poids normal.

1.3. Caractéristiques sociales et obésité

Mais si la constitution de bien des obésités est affaire de génétique, d’apprentissage ou d’inactivité physique, il n’en reste pas moins que l’accumulation de la masse grasse chez un individu se fait dans un contexte social particulier. Or ce contexte accroît le mal être de certains patients obèses, favorise l’émergence des troubles du comportement alimentaire et ainsi tend à entretenir l’obèse dans son repli et son obésité.

Notre époque en effet ne valorise plus les « gros » depuis longtemps. Elle ne fait plus du surpoids une valeur sociale élitiste, ni chez l’homme (surpoids et puissance sexuelle, surpoids et pouvoir) ni chez la femme (surpoids et fécondité). L’accès à la nourriture n’est plus un enjeu de classe sociale dirigeante dans nos pays, car tous les aliments ou presque sont disponibles à tout moment, pour tout le monde.

Il ne fait pas bon être obèse !

Bien au contraire, l’image ambiante est à la maîtrise, à « l’idéal minceur ». L’individu se doit d’être pertinent, dans la « maîtrise » de sa forme physique et de son alimentation, musclé, mince et adepte du sport.

Dès lors, une certaine forme de rejet du « gros » est apparue, alimentée par les médias à longueur d’année. Une pensée négative pèse sur l’obèse : le gras est prohibé, rejeté. En conséquence, bien des obèses se sentent coupables d’être gros et surtout de ne pas être capables de maigrir.
 
L’obésité, qui est mal vue, est mal vécue par des patients qui se culpabilisent de ne pas pouvoir maigrir.
 

1.4. Restriction cognitive et échappements dans l'obésité

L’obèse ne fait pas exprès d’être gros. Il ne fait pas non plus tout son possible pour ne pas maigrir et aggraver de la sorte son diabète, sa dyslipoprotéinémie, son hypertension artérielle ou son malaise. Il est plutôt confronté à un ensemble neuro-sensoriel, comportemental et métabolique où tout concourt à « défendre » l’obésité, malgré le désir (réel) du malade de s’en sortir ! Comment ne pas être découragé lorsque, pour des raisons métaboliques et comportementales, la perte de poids est de l’ordre de 8 kg par an (moins d’un kg/mois) et non pas de 1 ou 2 kg par semaine, comme on l’aimerait !

On sait peu de choses sur le comportement des malades obèses. D’autant qu’il n’y a pas une mais des obésités : entre l’obésité liée à une dépense énergétique basse et l’obésité secondaire à des compulsions alimentaires, il y a un monde.

On commence en revanche à mieux comprendre le rôle parfois délétère du traitement de l’obésité dans la genèse de certains troubles du comportement alimentaire : régimes mal adaptés, trop stricts ou trop stricts trop longtemps, régimes déséquilibrés, médications anorexigènes, culpabilisation ou rejet.

L’obésité peut conduire malades et médecins à une prise en charge mal adaptée à l’individu,
génératrice de troubles du comportement alimentaire.
 

2. Ce qu'il faut retenir

La mise à un régime induit 2 réponses métaboliques :

  1. un métabolisme d’épargne, c’est à dire une diminution de la dépense énergétique qui freine la perte de poids.
  2. une augmentation de la faim et de l’intérêt pour « la chose alimentaire » : un rat privé de nourriture peut se mettre à ingérer des aliments ou substances qu’il n’aurait pas touchés en période normale. Un sujet au régime restrictif développe des comportements qu’il ne contrôle pas (qui touchent aussi l’animal « sain ») : « pensées alimentaires », malaise physique, difficulté de concentration, d’endormissement, humeur instable... Le but physiologique en est sans doute une plus grande « efficacité » pour acquérir de la nourriture.

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La mise à un régime induit 3 réponses psychologiques :

  1. Toute interdiction (ici de manger) induit une frustration et, souvent, des conduites d’opposition ou de compensation,
  2. Toute frustration accroît la sensibilité à d’autres frustrations : la tolérance aux « agressions psychiques » (le stress) est moins bonne.
  3. La culpabilité de ne pas y arriver conduit à des réponses adaptatives de type compensatoire : dissimulation, y compris à soi-même (sous-évaluation des ingesta en toute bonne conscience), rejet, mésestime de soi et donc risque accru de troubles du comportement alimentaire.

Important : bien des obèses voient leur surpoids majoré par un trouble du comportement alimentaire qu’ils cachent au thérapeute : grignotage et compulsions alimentaires par angoisse ou ennui, mais aussi par culpabilité de ne pas y arriver : certaines statistiques font état de 30 à 45 % d’anomalies du comportement alimentaire et de 15 à 30 % de troubles du comportement alimentaire avérés chez des malades consultant un service hospitalier pour maigrir.
Certains traitements et régimes trop déstabilisants prédisposent à ces troubles du comportement alimentaire. Les régimes restrictifs peuvent chez certains patients réactiver angoisse, état dépressif, troubles du sommeil et nervosité (impulsivité).

Certaines études suggèrent qu’un comportement alimentaire rigide, une alimentation désorganisée, une difficulté à « faire face » aux agressions psychiques, une impulsivité excessive sont autant de facteurs qui entravent la perte de poids à court et moyen terme.

L’hyperphagie est chez certains patients une réponse à un mal-être : faire maigrir ces patients réactive leur instabilité et conduit parfois à des troubles du comportement alimentaire.

2.1. Que faire en pratique ?

Le médecin doit garder en mémoire des évidences et règles simples pour une adhésion optimale du malade au projet thérapeutique :

  • Le malade ne fait jamais exprès de ne pas maigrir
  • Il faut valoriser ses victoires et non fustiger ses échecs
  • Il faut lui rappeler que maigrir est long et difficile (et dure la vie entière !)
  • Il faut l’engager à plus de souplesse, diététique et comportementale
  • Il faut l’aider à gérer l’agression, qu’elle porte sur son poids ou sur d’autres choses
  • Il faut l’aider à valoriser « l’expression » de soi et de son corps (y compris par une activité physique qui lui sera adaptée !)

3. Bibiliographie

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  1. Rigaud D. Les déterminants de la prise alimentaire. In « Gastroentérologie » ; edition M. Mignon. Editions Ellipse/Aupelf (Paris) 1992, 18-24.
  2. Rozin P. Towards a psychology of food choice. Institut Danone 1998 (Paris) ; 265 p.
  3. Wadden TA, Stunkard AJ. Psychosocial consequences of obesity and dieting. In « Obesity : 2nd edition », ed. Wadden TA, Stunkard AJ. Raven Press 1993 ; 163-178.