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Pr Jacques DELARUE - Faculté de médecine de Brest

1. Nouvelles données sur les Oméga 3 : intérêts pour la prévention du diabète de type 2 et de l'obésité

En France :
L’obésité chez l’adulte concerne 8,8 % des hommes et 8,3 % des femmes
Le surpoids concerne 36,9 % des hommes et 23,3 % des femmes (enquête OBEPI 1997)
L’étude OBEPI 2000 montre une tendance à l’accentuation de cette prévalence dans la plupart des régions françaises. La répartition abdominale de la graisse qui est associée au risque cardiovasculaire le plus élevé concerne 12 % des hommes et 28 % des femmes. Elle concerne 6 % des hommes de poids normal et 18 % des hommes en surpoids.

La prévalence du diabète traité en France est estimée à 3,06 % (enquête de la CNAMTS, 1999). Le diabète de type 2 représente près de 90% de cette population. En 5 ans, en utilisant les mêmes critères de la CNAMTS, la prévalence du diabète a augmenté de 24,6%. Sur un plan régional, la prévalence de l’obésité est de 6,9 % en Bretagne, celle du diabète de 1,71 % (régime général seulement), dont 1,83 % dans le Finistère.

Le coût de l’obésité est estimé à 12 milliards de francs/an (soit environ 1 829 400 000 euros).

Obésité et diabète de type 2 favorisent les cardiopathies ischémiques. Le coût des cardiopathies ischémiques est estimé à 30 milliards de francs/an (soit plus de 4 573 000 000 euros).

Le diabète de type 2 constitue l’étape finale d’un syndrome hétérogène chronique et d’évolution progressive, résultant de l’association d’un déficit de l’insulino-sécrétion et d’une insulino-résistance, dus à la fois à une prédisposition génétique polygénique et à des facteurs d’environnement (1). Le syndrome métabolique est un ensemble d’anomalies métaboliques en relation avec l’insulino-résistance et qui prédispose fortement au diabète de type 2 et à l’athérosclérose. Il associe une insulino-résistance, une hyperinsulinémie, une répartition androïde des graisses avec excès de graisse viscérale, une hypertriglycéridémie, une baisse du HDL-cholestérol et une hypertension artérielle (2).

Les mesures thérapeutiques qui ont un effet favorable sur la résistance à l’insuline et la masse adipeuse viscérale sont l’exercice physique, la restriction calorique et certains médicaments (3). A côté de ces mesures, une supplémentation de l’alimentation avec des acides gras polyinsaturés à longue chaîne n-3 (AGPI-LC n-3) est susceptible d’avoir aussi des effets favorables sur la sensibilité à l’insuline, la production de triglycérides et la masse adipeuse viscérale. Cette hypothèse repose sur des faits expérimentaux chez le rat et chez l’homme normal, ainsi que sur des données mécanistiques moléculaires (4).

  • Chez le rat : les AGPI-LC n-3, substitués à d’autres types d’acides gras, préviennent l’insulino-résistance hépatique et musculaire induite par le régime hyperlipidique (5). Or, l’insulino-résistance induite par le régime hyperlipidique possède plusieurs composantes physiopathologiques communes avec celle du diabète de type 2 : insulino-résistance hépatique résultant d’une surexpression de la glucose 6 phosphatase associée à une sous expression de la glucokinase (6) ; altération du transport musculaire du glucose secondaire à une oxydation lipidique accrue et à une altération de la signalisation insulinique avec diminution de l’activité de la PI’3-kinase et de la translocation de GLUT4.
  • Chez l’homme sain : les AGPI-LC n-3 (6 g/j d’huile de poisson pendant 3 semaines) induisent une baisse de 40 % de la réponse insulinémique à une charge orale de glucose sans modification du débit d’utilisation du glucose, ni de la glycémie, ce qui suggère un effet favorisant du transport du glucose (7).
  • En revanche, chez le diabétique de type 2 : les AGPI-LC n-3 ne corrigent pas l’insulino-résistance (8). Les AGPI-LC n-3 pourraient donc avoir un effet préventif, mais non curatif, de situations de résistance chronique à l’insuline, comme le suggère une étude chez le rat (9).

2. Rôle de la composition lipidique membranaire

Il existe une relation positive entre le contenu en AGPI des phospholipides des membranes musculaires et la sensibilité à l’insuline et une relation inverse avec la teneur en acides gras saturés aussi bien chez le rat soumis à un régime hyperlipidique que chez l’homme (5,10). La composition lipidique des phospholipides membranaires dépend en partie de la nature des graisses de l’alimentation, et il est démontré que la teneur membranaire en AGPI-LC n-3 augmente après leur ingestion prolongée (3 à 4 semaines).

Nous avons observé chez l’homme en bonne santé que l’administration de 6 g par jour d’huile de poisson pendant 3 semaines induisait une diminution de 40 % de la réponse insulinémique au glucose oral sans modification totale de la glycémie, ni des flux de glucose (utilisation orale et production hépatique de glucose). Cela suggérait une augmentation de la sensibilité à l’insuline (7).

Pour être observé, cet effet requiert une administration supérieure à 24 heures, car la réponse glycémique et insulinémique n’est pas modifiée après administration de 9 g d’huile de poisson pendant 24 heures seulement, aussi bien chez des sujets en bonne santé que chez des diabétiques de type 2 ou chez des obèses non diabétiques.

Cela suggère qu’une incorporation membranaire préalable pourrait être nécessaire pour que l’effet des AGPI-LC n-3 contenus dans l’huile de poisson soit observé. Chez le rat, nous avons mis en évidence que la substitution au sein d’un régime hyperlipidique des acides gras polyinsaturés n-6 ( huile de tournesol) par des AGPI-LC n-3 (huile de poisson) prévenait la diminution de l’expression dans le muscle de la PI3 kinase et de la quantité des transporteurs GLUT4 induite par les AGPI-LC n-6 (11). Récemment, chez l’homme en bonne santé soumis à une insulino-résistance expérimentale, nous avons mis en évidence que l’administration d’huile de poisson (6 g/j pendant 3 semaines) prévenait partiellement la résistance à l’insuline et l’élévation des triglycérides plasmatiques.

3. Conclusion

Il existe une potentialité des AGPI-LC n-3 pour la prévention de l’insulino-résistance associée au diabète de type 2 et à l’obésité mais on manque d’arguments en faveur de leur intérêt curatif, excepté vis-à-vis de leur effet hypotriglycéridémiant.

Publié en 2007

4. Références

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  1. Matthaei S. Stumvoll M, Kellerer M, Häring HU. Pathophysiology and pharmacological treatment of insulin resistance. Endocr Rev 2000 ; 21 : 585-618.
  2. Wajchenberg Bl. Subcutaneous and visceral adipose tissue : their relation to the metabolic syndrome. Endocr Rev 2000 ; 21 : 697-738.
  3. Smith SR. Zachwieja JJ. Visceral adipose tissue : a critical review of intervention strategies. Int J Obes 1999 ; 23 : 329-35.
  4. Delarue J. Acides gras polyinsaturés : anticatabolisme et prevention de l’insulino-résistance. Nutr Clin Metab 2000a ; 14 : 221-34.
  5. Storlien LH. Jenkins AB, Chisholm DJ et al. Influence of dietary fat composition on development of insulin resistance in rats, relationship to muscle triglyceride and w3-fatty acids in muscle phospholipids. Diabetes 1991 ; 40 : 280-9.
  6. Oakes ND, Cooney GJ, Camilleri S et al. Mechanisms of liver and muscle insulin resistance induced by chronic high-fat feeding. Diabetes 1997 ; 46 : 1768-74.
  7. Delarue J, Couet C, Cohen R et al. Effects of fish oil on metabolic responses to fructose and glucose oral loads in healthy humans. Am J Physiol 1996 ; 270 : E353-62.
  8. Friedberg CE, Janssen MJ, Heine RJ, Grobbee DE. Fish oil and glycemic control in diabetes. A meta-analysis. Diabetes Care 1998 ; 4 : 494-500.
  9. Podolin DA, Gayles EC, Wei Y et al. Menhaden oil prevents but does not reverse sucrose-induced insulin resistance in rats. Am J Physiol 1998 ; 274 : R840-8.
  10. Pan DA, Lillioja S, Milner MR et al. Skeletal muscle membrane lipid composition is related to adiposity and insulin action. J Clin Invest 1995 ; 96 : 2802-8.
  11. Taouis M. Dagou C, Ster C et al. N-3 polyunsaturated fatted acids prevent the defect of insulin receptor signaling in muscle. Am J Physiol Endocrinol Metab 2002 ; 282 : E664-71.