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Anorexie mentale et boulimie
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Sevrage des crises de boulimie par sonde gastrique


Pr D. RIGAUD - Président d'Autrement

1. Intérêt de la sonde gastrique sur les crises de boulimie

La mise en place de la sonde gastrique et de la Nutrition Entérale à Domicile (NEAD) permettent de lutter contre vos crises de boulimie. Elle n’est qu’une aide matérielle, mais elle a fait la preuve de son efficacité. Chez des malades boulimiques, la sonde gastrique et la Nutrition Entérale à Domicile permettent de stopper toute crise de boulimie en moins d’une semaine (en règle en 2-3 jours) et de diminuer fortement le besoin de faire des crises chez environ 80 à 85 % des malades.

Par exemple, dans l’étude scientifique qui a été menée en 2007 et 2008, il n’y a eu aucune crise de boulimie chez 47 des 52 malades sous sonde pendant toute la durée du traitement.

2. La sonde gastrique en pratique

Mise en place de la sonde dans l’une des deux narines. La sonde est poussée et descendue doucement vers la partie basse de l’estomac, tête inclinée vers l’avant. N’ayez pas peur : ceci ne fait pas mal du tout. D’ailleurs, ça ne doit pas faire mal : si ça fait mal, c’est que l’infirmière s’y prend mal. Nous vous conseillons de pencher la tête vers l’avant (la sonde descend plus facilement) et d’avaler de l’eau (avoir un verre d’eau à portée de la main) au moment où l’infirmière pousse la sonde au fond de la gorge : ainsi, la sonde prend-elle le « bon trou » (et donc passe dans l’œsophage sans problème).

Contrôle : On vérifie, par une radio du ventre (abdomen sans préparation, ASP), que l’extrémité de la sonde est en bonne place tout en bas de l’estomac, au moins 15 centimètres au dessous du diaphragme (indication pour votre médecin). Le bout de la sonde doit être loin dans l’estomac et son extrémité proche du pylore (la porte de sortie de l’estomac). Il y a des graduations sur les sondes : en règle, la bonne position est indiquée par la graduation 70 cm (ou si taille du corps inférieure à 1,58 m, graduation : 65 cm).

Boulimie_sonde_nasogastrique.jpg
Apportez ce schéma au radiologue, pour qu’il juge si la sonde est bien placée.

Explication de l’effet salutaire de la sonde : La présence de la sonde au fond de la gorge limite considérablement les envies de vomissements et diminue fortement le besoin de faire des crises. La sonde agit en « trompant le cerveau » (en lui faisant croire qu’il fait une crise « en continu »). Une crise en fait stimule le cerveau par le contact des aliments dans la gorge. C'est-à-dire là où la sonde se trouve !

2. Les différentes phases

2.1. Première phase : phase de nutrition entérale (par la sonde) exclusive

But : Assurer un sevrage des crises alimentaires et des vomissements.

Durée : de 21 à 45 jours selon la gravité (en moyenne : 21 jours, soit 3 semaines). Si les crises sont peu importantes et peu fréquentes, ce sera plutôt 3 semaines de nutrition exclusive par les poches nutritives. Si les crises sont très fréquentes (plusieurs crises par jour) et très volumineuses (plusieurs heures) et surtout si elles sont liées aux repas (« chaque repas se termine en crise de boulimie »), ce sera plutôt 6 semaines de nutrition exclusive.

En résumé : durée de 3 semaines le plus souvent, mais ça peut aller jusqu'à 6 semaines.

Alimentation : Pendant cette phase, il n’y a aucun apport alimentaire d’aucune sorte par la bouche. Vous êtes nourris par les mélanges nutritifs qui sont perfusés part la sonde nasogastrique.

Explications : L’état nutritionnel est maintenu grâce aux mélanges nutritifs administrés par la sonde (les « poches nutritives »). Tous les nutriments y sont en bonne proportion : il y a tout ce dont le cerveau et le corps ont besoin : acides aminés, protéines, acides gras, minéraux, vitamines…. Le but est de « reprogrammer le cerveau » sur la base normale (physiologique) de la relation aux repas : faim, appétit, rassasiement, satiété, manque, désir… La boulimie et les crises ont fini par « déconnecter » le cerveau de son fonctionnement « normal ». Le fait de ne pas manger et d’avoir un corps et un cerveau bien nourris par les poches va fortement aider à cela. C’est en tout cas ce que disent toutes les patientes. Les poches nutritives apportent au cerveau tout ce dont il a manqué et tout ce dont il a besoin pour se réparer : il faut donc passer toutes les poches qui ont été prescrites, même si, du coup, vous avez peur de grossir.

Le poids : Les apports en nutriments, en particulier en protéines, lipides et glucides seront calculés en fonction de votre métabolisme et en particulier de votre sexe (masculin ou féminin), de votre taille corporelle, de votre poids, de votre âge et de votre activité physique. En général, l’apport nutritionnel se situera entre 1700 et 2000 kcal/j (ce sera une prescription médicale). On ne perfuse pas des calories, mais des nutriments. Ne vous inquiétez pas.

La sonde (la NEAD) ne fait pas grossir. La décision de prendre ou de perdre du poids (ou de laisser le poids stable) dépend du projet de soins : si vous avez un poids (un indice de masse corporel, IMC) trop bas, il faudra « démaigrir » ; si votre poids est normal, on le gardera ; si vous êtes gros (grosse), on favorisera une perte de poids (modérée). Calculez votre IMC.
En d’autres termes, la sonde et la NEAD vont faire évoluer le poids vers celui que le projet médical a décidé. Le résultat est toujours conforme à ce qui a été décidé.
A noter : du fait des vomissements, votre corps est en manque d’eau (environ un kilo d’eau manque). Donc dès qu’on arrête les vomissements, le corps se remet à niveau, reprend le kilo d’eau qui lui manque. Ceci se fait en 2-3 jours : donc, pas de panique pour le premier kilo pris, c’est de l’eau et ça s’arrêtera là (entre 300 g et 1 kg).

Les poches passeront en 3 heures pour 500 millilitres (90 ml/heure) en tout cas au début. Ensuite, ça pourra être plus rapide. Il vaut mieux passer les poches en commençant un peu avant l’heure habituelle des crises : si les crises commencent chaque jour à 19 h, commencez à perfuser la première poche nutritive à partir de 18 h, d’abord au débit de 120 millilitres/heure pendant 30-40 min, puis en ralentissant le débit.

La perfusion est très facile à faire : des enfants de 10-12 ans y arrivent sans difficulté. Une pompe pour perfuser les poches, les poches nutritives et tout le matériel pour « passer les poches » vous seront livrés par le prestataire de service. C’est vraiment très facile. Vous branchez la sonde au tuyau de connexion (tubulure) et celui-ci à la poche. Vous passez le tuyau de connexion dans la pompe, suivant les indications données (c’est un jeu d’enfant). Vous allumez la pompe et réglez le débit : les premiers jours, 80 à 90 millilitres par heure (ml/h), puis souvent 100 à 120 ml/h. On peut passer jusqu’à 150 ml/h (mais ce n’est pas conseillé au début en tout cas).

La sonde se voit, dans son trajet entre la narine et l’oreille. Expliquez donc aux gens que vous avez un problème d’estomac ou de sinus (vous n’êtes pas obligée de dire que vous faites des crises). A vos proches (mère, père, conjoint…), dites la vérité : ça vous aidera à dire aussi votre souffrance.

2.2. Deuxième phase : reprise des repas

Cette phase est essentielle et difficile.

C’est la phase qui vous fait peur. Vous avez peur de reprendre l’alimentation, peur de refaire des crises, peur de grossir…. C’est habituel et ça passera. Il faut que vous vous fassiez vous-même la preuve que rien n’arrivera de mal pour vous, quand vous réintroduirez vos repas. Des tas de malades l’ont fait avant vous sans problème : elles en avaient toutes peur et ça c’est bien passé pour la grande majorité.

Cette phase consiste en la réintroduction progressive des repas, à heure fixe, à table, avec couverts et assiette. Parallèlement, les « poches » seront progressivement diminuées.

Il faut que vous vous réserviez un espace et un temps pour vos repas : une table, une chaise, des couverts, plusieurs « plats » (entrée, plat, dessert ; plat, laitage ou fromage, dessert….).

Mangez calmement, lentement, en posant vos couverts à chaque fois (entre les bouchées).

Faites durer les bouchées en vous concentrant sur ce que vous avez en bouche, en mâchant lentement. Le but est de saisir toutes les saveurs de l’aliment. Retardez le moment d’avaler le plus possible : 5 secondes en bouche avant d’avaler la bouchée par exemple.

En général, le repas le plus facile à réintroduire est le petit déjeuner : c’est par lui qu’on va commencer : pendant 4 à 5 jours, bous ne prendrez qu’un petit déjeuner. Puis on passera à la réintroduction du déjeuner (en règle le plus facile après le petit déjeuner). Il faut introduire d’abord les repas qui vous font le moins peur et risquent le moins de « partir en crise ».

Dans un premier temps (durée : 8 jours) : il s’agit de petits repas.

Vous devez avoir auparavant répertorié tous les aliments avec lesquels vous faites des crises : il faudra dans un premier temps les mettre de côté, pour vous rassurer et ne pas « présenter » à votre cerveau un aliment déclencheur de crises.

Ces repas pourront être par exemple au début (sur 5 à 8 jours) :

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  • crudités : 100 g avec une petite cuillère à soupe d’huile pour la vinaigrette ;
  • viande : 80 g, ou poisson : 100 g, avec 5 g de beurre (ou margarine ou huile d'olive) ;
  • légumes verts : 150 g avec 5 g de beurre ;
  • féculents : aucun ou si vous vous sentez prête, 2 cuillérées à soupe de riz cru (si vous avez du courage, 4-5 g de beurre cru, c'est "anti-crise") ;
  • terminer par un laitage (non sucré, auquel on ajoute 5 g de sucre, soit 1 morceau).

Les poches nutritives : Par la sonde, diminuez l’apport par les poches en fonction des repas que vous prenez.

Sachez qu’un petit déjeuner « équivaut » à une demi-poche, un déjeuner et un dîner à une poche et demi ou une poche trois quart (1,75 poche).

Dans un 2ème temps (durée : 5 à 8 jours) :
vous augmentez les apports aux repas. Vous verrez ceci dans le détail avec la diététicienne. Par exemple :

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  • crudités : 120 g avec une petite cuillère à soupe d’huile pour la vinaigrette ;
  • viande : 100 à 120 g, ou poisson : 130 à 150 g g, avec 5 g de beurre ;
  • légumes verts : 100 g avec 3-4 g de beurre (une noix) ;
  • féculents : après les légumes verts, prendre 100 g de féculents (riz, pâtes ou pommes de terre : 3 grosses cuillères à soupe crus) ;
  • fromage (30 g) ou un laitage (non sucré, auquel on ajoute 5 g de sucre, soit 1 morceau)
  • terminer par un fruit : orange ou mandarine (éviter les fruits qui participent aux crises, s’il y en a).
  • Évitez les gâteaux dans un premier temps. On verra ensuite.
  • Il est bien évident que si vous retirez la sonde et (ou) si vous ne passez pas toutes les poches, ça ne pourra pas être efficace (ça ne marchera pas). Si votre poids ne se rapproche pas de la normale (s’il est trop bas), ça ne marchera pas. Il faut donc nous faire confiance et faire tout le traitement (la sonde et toutes les poches nutritives) !! Le principal échec au traitement est l’insuffisance : ce sont avant tout les malades qui retirent parfois la sonde ou ne passent pas toutes les poches nutritives qui rechutent !
     
  • Il est bien évident que si vous ne faites pas de travail psychologique à côté, ce sera plus difficile. Souvent les crises de boulimie sont liées à une souffrance, à un mal-être, à un manque de confiance, à un manque d’estime de soi… dont il faut parler et qu’il faut essayer de réduire. Voyez donc votre psychologue ou votre psychiatre (ou les deux) aussi souvent qu’il le faut et surtout si vous avez des angoisses.

Normalement, la sonde et la nutrition entérale diminue l’anxiété et l’état dépressif et donnent un sentiment de mieux être. C’est en tout cas ce que nous vous souhaitons !

Bon courage.

Au fait, êtes-vous actuellement motivée et convaincue ? Si non, il vaut mieux ne pas mettre en place la sonde !

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Publié en 2010