Anorexie, boulimie, compulsions alimentaires : l'association peut vous aider à voir les choses Autrement

Anorexie mentale et boulimie
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Anorexie mentale et boulimie : que peut faire la famille ?


1. L'anorexie mentale ou la boulimie frappe quelqu'un de votre entourage

Un trouble du comportement alimentaire (TCA) frappe quelqu’un de votre entourage : une fille, un fils, un conjoint, une mère… Hélas, ça n’arrive pas qu’aux autres ! La première chose que vous voulez faire, c’est aider. Et on le comprend ! Plus que dans n’importe quelle autre maladie, les proches souhaitent aider la personne qui souffre d’un TCA.

Pour aider, et vous l’avez bien perçu, il faut comprendre, mais aussi savoir faire mais aussi, et on l’oublie souvent, savoir être.

2. Trouble du comportement alimentaire : de quoi s’agit-il ?

Il y a trouble, c’est à dire opacité : on ne comprend pas ce qui arrive, mais aussi mal-être (cette histoire m’a troublée).

Il y a comportement : dès que le comportement est durablement touché, les choses deviennent compliquée. Car infléchir un comportement, fusse-t-il alimentaire n’est pas chose aisée. Il faut comprendre qu’un trouble du comportement est une « solution » pour la personne : c’est ce que son cerveau a trouvé pour s’adapter. C’est à dire pour répondre à la situation qu’il a perçue : mal être, anxiété, traumatisme.

Il y a alimentaire : l’atteinte touche ce qu’il y a de plus complexe et de plus vital en nous : si on ne mange pas, on meurt. Dans la plupart des cas, tout commence par un régime pour maigrir.

2. Les troubles du comportement alimentaire sont-ils fréquents ?

Les troubles du comportement alimentaire ne sont pas rares : en France (Pr Rigaud, association Autrement), on estime que :

  • L’anorexie mentale touche 1,5 % de la population des 15-35 ans,
  • La boulimie touche 4 % de la population des 15-35 ans,
  • Les compulsions alimentaires graves (maladie) touchent 6 % de la population générale,
  • Les TCA atypiques autres touche 2-3 % de la population des 15-35 ans.

Tout le monde est-il frappé avec la même fréquence ?

Non, il y a des différences marquées :
Ce sont les jeunes filles et les jeunes femmes qui sont frappées le plus souvent : l’anorexie mentale et la boulimie frappent plus de 90 fois sur cent le sexe féminin. La femme est touchée par les compulsions alimentaires dans plus de 70 % des cas.

Ce sont les personnes qui s’engagent dans un régime amaigrissant trop dur (trop restrictif), trop longtemps qui sont les cibles des troubles du comportement alimentaire : dans 75 % des cas environ, le trouble (quel qu’il soit) a commencé par un régime hypocalorique.

Les jeunes sont plus à risque que les autres : dans 75 % des cas, le TCA commence à l’adolescence. Ceci veut dire qu’il y a eu, même si le début du TCA particulier (l’anorexie) est tardif (40 ans par exemple) un TCA dans l’adolescence (compulsions alimentaires à l’âge de 15-20 ans).

3. On parle de contexte génétique : faut-il y croire ?

Il faut y croire : c’est prouvé à 90 % : on trouve 3 fois plus de TCA dans les familles où :

  • Il y a un ou des TCA dans la famille (proche ou lointaine),
  • Il y a de l’anxiété « marquée » dans la famille : anxiété généralisée, trouble obsessionnel et compulsif, phobie (phobie sociale ou scolaire),
  • Il y a de la dépression,
  • Il y a des conduites addictives (alcool surtout, toxicomanie…).

C’est génétique veut dire que c’est un « trait génétique prédisposant » : si on a ce trait, on a quand même peu de risque de développer un TCA : 3 fois plus qu’un autre, c’est à dire dans 20-25 % des cas.

Ce qui est transmis, c’est une fragilité pour un TCA en général, pas un TCA particulier (ce n’est pas l’anorexie mentale ou la boulimie qui se transmettent, mais un TCA, quel qu’il soit).

4. Y a-t-il eu des progrès dans la compréhension des mécanismes ?

Oui, beaucoup.

  • On sait de façon certaine que l’association régime hypocalorique (pour maigrir) et état dépressif ou anxieux favorise l’apparition d’un TCA, quel qu’il soit.
  • Il est prouvé que la restriction énergétique (calorique) et le saut quotidien de repas favorisent l’apparition d’un TCA, quel qu’il soit. Il en est de même des régimes trop « sévères » (trop restrictifs).
  • Il est démontré que la lecture assidue des médias « minceurs » (journaux de mode) prédispose aux TCA.
  • Il est probable qu’un père très soucieux de la ligne et de la silhouette des femmes et de sa fille est un facteur favorisant.
  • Il est certain qu’un manque d’estime de soi, un manque de confiance en soi, un besoin de perfection excessif favorisent l’émergence de l’anorexie mentale et de la boulimie. C’est moins sûr pour les compulsions alimentaires.
  • Il n’est pas prouvé qu’une mère fusionnelle ou un père absent (car toujours au travail) soient des facteurs de risque.
  • Les TCA impliquent au niveau du cerveau des zones mieux connues. L’une d’entre elles est l’hypothalamus. Une autre, juste à côté est l’area accumbens, un centre qui pilote la répétition (et l’addiction). Des « hormones » cérébrales (neuromédiateurs) sont incriminés : sérotonine, dopamine, amphétamine, endorphine, endocannabonoïde.

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Parmi quelques caractéristiques psychologiques, en voici dix qui touchent nombre de malades :

1. Manque de confiance,
2. Manque d’estime de soi,
3. Besoin de perfection (perfectionnisme),
4. Besoin de contrôle et de maîtrise,
5. Peur du désir et/ou du plaisir,
6. Difficulté à l’expression de ses émotions,
7. Difficulté avec sa féminité (sexualité),
8. Méfiance à l’égard d’autrui,
9. Besoin d’un lien affectif fort,
10. Sentiment d’impuissance.

5. Comment l’aider ?

Vous, ses parents, vous pouvez être des co-thérapeutes. Il est en effet prouvé que l’intervention active des parents ou des proches en général (conjoint, grands-parents) aident les malades à prendre conscience de leur trouble et à le combattre efficacement.

Mais attention, vous ne devez pas être thérapeutes. Vous n’en avez ni les capacités, ni la position : vous êtes trop près de la malade. Ce n’est pas une raison pour ne rien faire : vous pouvez aider, relayer les propos des thérapeutes, assurer un certain « coaching ». Vous pouvez chercher à comprendre, ouvrir le dialogue, aider à trouver des pistes. Il vous faudra vous armer de patience : ne pas désespérer, mais pas non plus espérer trop tôt. Le chemin est long et difficile.

fle64.gif Le moment des repas, rompez

C’est le moment de toutes les angoisses, de toutes les disputes. C’est pour la malade LE moment le plus difficile ! Que va-t-elle pouvoir manger ? Comment va-t-elle pouvoir le faire sous votre regard, votre désapprobation ? Comment va-t-elle faire pour vomir ? Ce n’est donc pas le bon moment pour engager le combat, la discussion, voire le conflit. Lors des repas, rompez, parlez d’autre chose, détendez l’atmosphère ! A table, parlez avec elle. Tâchez d’être détendus. Loin du repas, vous en parlerez, applaudirez les avancées, noterez les reculs.

fle64.gif L’angoisse qui monte, entourez

Votre fille, votre fils, votre conjoint est en fait un écorché vif. Un(e) angoissé(e) chronique. Il faut la/le rassurer, lui montrer ses petites victoires, saluer ses avancées, l’encourager sans cesse, la « coacher ».

Dans ce terme, entendez des injonctions amicales et pressantes pour avancer : rassurer, tout en montrant où on va, ce qu’il faut entreprendre, les combats qu’il faut engager et gagner. Les parents peuvent être des co-thérapeutes : c’est à dire ni des thérapeutes, ni de spectateurs impuissants.

Co-thérapeutes, certes ! Pour autant, vous ne pouvez pas vous substituer à elle : vous ne pouvez pas vous soigner à sa place. Il faut la rendre « responsable de sa destinée », de ses soins, de son traitement. C’est à elle de prendre ses rendez-vous, de proposer des solutions, de vous adjoindre à son traitement.

Ne tombez pas non plus dans le piège tendu par la maladie : la malade est convaincue qu’elle n’existe qu’au travers de sa maladie, c’est à dire le jeûne ou l’hyperactivité physique qu’elle s’impose, la crise à laquelle elle succombe. Sans la maladie, à l’entendre, elle n’est rien. Montrez lui donc qu’elle est autre chose et ne la réduisez pas à la maladie.

Il faut parfois ignorer sa demande, quand elle est celle de la maladie, ne pas accepter que votre fille prenne possession de la cuisine, vous fasse manger (ou à ses sœurs) des plats qu’elle cuisine et ne mange pas !

fle64.gif Irritabilité et refus : faites le dos rond, mais tenez bon

Il y a différentes phases à ces troubles du comportement alimentaire :

La phase de déni : la malade vous dit qu’elle n’est pas malade. Il faut la convaincre de se soigner, lui affirmer qu’elle a le pouvoir de guérir. Il faut se faire aider, par une amie, une grand-mère, une copine… Elle se dit libre, autonome, revendique le droit à poursuivre son « régime ». Il faut lui faire prendre conscience que sa maladie l’éloigne de l’autonomie, qu’elle la rend vulnérable, fragile, dépendante, qu’elle la colle à ses parents, qu’elle la rend incompréhensible voire un peu effrayante. Lui dire que cette maladie va lui pourrir la vie, l’éloigner de ses copines, lui interdire toute vie sociale, toute vie amoureuse, toute vie en couple. Elle ne sera rien, elle qui croyait déjà être peu de choses : elle ne sera que ANOREXIE. Donc étrangère, étrange. Il faut lui laisser négligemment les coordonnées du site web de l’Association AUTREMENT, pour qu’elle comprenne ce qui se passe en elle. Parfois, il ne faut pas hésiter à l’obliger à aller consulter.

La phase de prise de conscience : il faut ici l’aider à prendre confiance, à croire en soi, à se dire qu’elle peut guérir, qu’elle peut être aidée, qu’il y a des thérapeutes pour ça. Il faut lui répéter que cette une maladie, qu’on en guérit.

La phase de lutte : c’est difficile pour elle (lui). Il faut la (le) rassurer, ne pas craindre non plus l’échec, ne pas se montrer trop angoissé(e). Oui, elle peut échouer, oui, elle peut ne pas guérir. Mais l’important est d’y croire et de se battre. C’est comme un match (en sport) : oui, on peut le perdre, malgré ses efforts. Et n’oubliez pas qu’il y a des thérapeutes et que c’est à eux de prendre les bonnes décisions au bon moment. Si votre fille rechute, ils trouveront un moyen d’avancer, ils lui proposeront l’hospitalisation. S’inquiéter trop n’est jamais bon et c’est souvent contre-productif.

fle64.gif Besoin d’indépendance !? En pleine ambivalence

Votre fille, votre fils réclament de l’indépendance, le droit de manger comme ils veulent.
Mais c’est la maladie qui parle. Apprenez à la reconnaître et discutez ensuite avec votre fille (fils) de ce qui lui appartient et de ce qui est à la maladie.
Le TCA est né d’un paradoxe, de deux « besoins » contraires : celui de s’émanciper et celui de rester « proche » (de ses parents, de sa mère en particulier). C’est l’amour qui veut ça.
Donnez donc à votre fille (fils) l’amour qui lui est dû, mais séparer bien cet amour de la maladie.

Quelle attitude doit-on avoir ? Le savoir être

Donnez donc à votre fille le respect et l’amour qui lui sont dus.
Mais ne pactisez pas avec la maladie : ce n’est pas à vous de lui donner de l’argent quand c’est pour faire ses crises. Ce n’est pas à vous de téléphoner à la grand-mère pour dire que votre fille (fils) ne viendra pas manger.
En cas de boulimie et de compulsions, si votre fille veut de l’argent, c’est pour ses crises. Ne lui donnez pas mais profitez d’une occasion pour lui payer ou lui offrir autre chose : un cadeau, la facture EDF…

Ne criez pas, ne la bousculez pas, ne lui dites pas « ses quatre vérités » : elle ne les sait que trop. Ne lui dites pas « mange au moins pour ta mère, ton père » : c’est inefficace et contre-productif.

Ne lui dites pas, au moindre kilo pris « c’est chouette, tu as grossis » (ça la terrifie assez !).

Ne soyez pas non plus trop « fixés » sur la maladie : la malade veut, souvent sans s’en rendre compte, tirer des « bénéfices » de sa maladie. Votre attention, vos récriminations, vos cris sont une manière pour elle d’avoir de l’attention. Il est parfois plus judicieux, passé un certain moment de se rendre compte que crier et supplier ne sert à rien. Un peu d’indifférence à ce moment peut être utile.

 

Publié en 2009