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La danse thérapie au secours des troubles alimentaires


Mme Angélique GIMENEZ et Mme Alison BARRUET

Quand le corps fait mal à l’âme, après que l'âme ait fait mal au corps, telle pourrait être une caractéristique de bien des troubles du comportement alimentaire (TCA)… Au bout du chemin, au fond du TCA, le corps a perdu tout repère, lui qui ne se sent plus, depuis si longtemps ! La danse peut réunir ce corps et cette âme perdus et séparés, et créer une nouvelle alliance, plus harmonieuse… Aboutir enfin à une seule et belle personne, qui reprend forme et devient maître autant de ses mouvements que de l’espace qu’elle prend…

Angélique (psychothérapeute) : « Piètre danseuse et ex-patiente, j'ai mis bien du temps à sentir combien pouvait être léger mon corps. Il m'aura fallu des années pour avoir, en pleine conscience, en face de moi, cette personne qui était moi. J’ai rencontré des danseuses que la danse avait mené aux TCA… J’ai rencontré des patients que la danse avait réconcilié avec eux-mêmes. La danse rime avec découverte, loisirs, expériences et partage. Elle peut être utile à des malades souffrant de TCA qui ont perdu leur corps, le négligent ou lui font mal. Pour ceci, il leur faut un accompagnant qui soigne plus le ressenti que l'« esthétique » de la danse !

J’ai rencontré Alison, danseuse et danse-thérapeute, qui vous parle du corps qui danse ! Ce pourrait être pour vous une expérience sensorielle et créative, une expérience juste « pour se voir » !

I- Alison nous raconte la danse

Pourquoi la danse ?

 « La danse est le premier-né des arts. La danse vit dans l'espace et le temps. L'homme s'y sert de son propre corps pour organiser l'espace et rythmer le temps »[1].

La danse est l'art de mouvoir le corps au sein d'un accord entre l'espace et le temps, accord rendu perceptible grâce au rythme et à la composition chorégraphique. La danse est une suite de mouvements ordonnés, souvent rythmés par la musique ou le chant. Ces mouvements peuvent être dénués de signification propre, comme souvent dans le ballet ou les danses traditionnelles européennes, ou être portés par un symbolisme, laïc ou religieux, qui mène la danse vers une sorte de mime ou de pantomime (comme en Asie).

Parfois la danse vise à la transe, état de conscience modifiée où la perception de son corps change. Selon les peuples et les époques, la danse a des motifs et des façons différentes de se pratiquer, très révélatrices du mode de vie et de la société où elle s'insère. La danse est faite aussi pour être vue et donner du sens, grâce au « langage gestuel » qui, orchestré en une suite logique forme « une chorégraphie ».

Selon Monique Delga, « la danse n’est pas seulement une activité de production de formes corporelles, mais une activité de création et de communication de sens »[2]. Ainsi, on peut dire que danser, c’est rendre son mouvement porteur de sens et d’émotion pour un spectateur, que l’on danse seul ou à plusieurs. Pour Maurice Béjart, « la danse est un art qui réunit l'espace et le temps[3]

Le corps qui bouge

Le corps peut réaliser toute sortes d'actions comme tourner, se courber, s'étirer, sauter. En les combinant selon les dynamiques variées, la danse invente une infinité de mouvements où l'art devient le maître du corps.

Le corps nous installe dans le monde. A travers lui et par lui, nous devenons capables d’agir sur nous-mêmes et sur le monde. L'action devient donc la combinaison consciente ou inconsciente de mouvements ou de gestes.

Mais existe-t-il une différence entre le geste et le mouvement ? Si le mouvement détermine une activité symbolique, on parle de « praxie »[4]. Le geste peut se définir comme une série de mouvements intentionnels. Cet ensemble de mouvements prend donc un sens. Mais le geste a une dimension plus vaste : celle de modifier l’environnement. Ces deux dimensions, « corps » et « espace », ne peuvent pas être complètement séparées l'une de l'autre, tout comme le corps construit par l´expérience (âge) ne peut pas être séparé du corps physiologique (vieillissement).

Le corps qui danse

La danse est une pratique sociale et culturelle, dont l'expression et le sens varient selon les époques, des sociétés et des cultures. Elle est également régie par les personnalités des danseurs, leur volonté, leur souhait, leur pratique. Chaque danseur est une personne avec ses compétences et ses désirs. Le jeu dansé est une synthèse de ce que le danseur maîtrise, de ce qu'il recherche, et de l'espace-temps dans lequel il se trouve. On distingue trois formes de danse : la danse solitaire, la danse de rencontre et la danse de spectacle. La première n'a de sens que pour celui qui danse, le corps en mouvement cherche à s'éprouver, se ressentir. La seconde recherche la relation, la confrontation avec un environnement et un autre. La dernière est à la fois esthétique et communicante, elle se montre. Ces différentes manières de danser permettent de définir la danse selon trois éléments constitutifs : le mouvement, la rencontre et l'art.

Le corps qui joue

  • Le jeu du mouvement

Le développement du petit enfant met en évidence le rôle du jeu corporel dans la construction de la pensée. Le mouvement, à savoir l'agir, est essentiel pour se construire. Le travail accompli pendant l'action et le résultat  obtenu, permet à la personne d’être. Désirer "être en mouvement", c'est rechercher le plaisir, primitif mais essentiel, de sentir son propre corps. Ce mouvement permet de se confronter à soi-même. On danse pour soi, on se teste, on recherche ses limites pour provoquer ces sensations et émotions corporelles. Ce type de danse permet de se connaître soi-même et de connaître son propre corps.

  • Le jeu de la rencontre

La danse est un prétexte à rencontrer l'autre et à entrer en relation avec lui. Par permet de communiquer et d'échanger. Les danses de salon, très codifiées, les danses en discothèque, les danses de rue permettent échange et partage. Elles signent l'appartenance à un groupe. Elles ont un rôle social. Elles constituent un jeu avec l'autre : la recherche des limites, des compromis, du "faire ensemble". C'est bien une relation qui se joue. Dans toutes ces danses de rencontre, les mouvements et les corps vont s'opposer, se compléter, se refléter, pour progressivement construire la relation, affiner l'échange et se construire dans sa relation à l'autre.

  • Le jeu artistique

La danse fait partie de la sphère culturelle, s'organise en représentations permettant aux spectateurs d'observer, d'interpréter la chorégraphie. Elle permet l'échange entre spectateurs, danseurs et chorégraphes. Elle a un enjeu plus large que l'individu même, elle tend à être universelle, comme tout art.

La danse se montre un exceptionnel outil de communication et d'expression de soi quelles que soient les entraves corporelles, intellectuelles ou relationnelles. Elle aide à réconcilier le corps et l'esprit, elle permet à l'individu de s'exprimer dans toute son unicité.

II- Alison nous informe sur la danse-thérapie

Origine de la danse-thérapie

Elle remonte au 15e siècle. A l'époque, les maîtres à danser italiens préconisaient à leurs patients la pratique de la Tarentelle pour expulser tout ce que le corps contenait de désagréable et de sauvage, inapprivoisé, relier le masculin au féminin et le "un" au "multiple". Bien plus qu’une danse, la Tarentelle se révélait être un véritable « médicament » pour le corps et l’esprit. Mais ce n’est qu’en 1960 que deux danseuses américaines, TroodyScoope et Marian Chace, fondent la première association de danse-thérapie et écrivent :

Le terme " thérapie " signifie "Remettre en harmonie".

L'acte de danser c'est : " Etre soulevé par une joie qui se nourrit d'elle même ! ". 

Approcher et contacter l'outil " Danse thérapie " c'est : " Harmoniser le corps en ressentant la joie d'Etre dans le Mouvement de la Vie ! ».

L’objectif de la danse thérapie

L'objectif de la danse thérapie est de faire du corps un instrument permettant d'accéder au mieux-être. Les mouvements visent à symboliser et identifier des émotions, des désirs, des conflits, des blocages... Au fil du temps, des souvenirs, des blessures psychiques enfouies, des traumatismes anciens remontent à la conscience. Le patient chemine, ses tensions se dénouent, ses résistances se révèlent. Grâce au mouvement dansé, il prend conscience de lui-même. En danse-thérapie, seule l’expression de soi, les sensations et l’émotion sont recherchées.

La danse-thérapie pour à tous 

La danse-thérapie s’adresse à toutes et à tous, sans distinction de niveau, d’âge… Outre qu’elle procure le plaisir de danser, la danse-thérapie utilise le mouvement pour permettre à chacun de s’engager de façon créative dans un processus favorisant son intégration émotionnelle, corporelle, psychique, spirituelle et sociale. Par son aspect multi-dimensionnel, elle s’applique aussi bien à divers troubles psychiques, psychosomatiques et relationnels qu’aux situations de handicap. Au-delà de ses effets thérapeutiques, elle s’inscrit également dans une démarche de développement personnel et de mieux-être.

Elle peut se pratiquer en groupe ou en individuel, l’individuel étant un premier pas à « oser » avant d’aller vers les autres. En groupe, l’ensemble est en soi un facteur thérapeutique : chacun trouve une résonance singulière à travers les autres. Le thérapeute doit y encourager les situations d’échanges et de plaisir, ainsi que de rencontre avec soi et avec l'autre. 

Déroulement d’une séance

Les séances se font soit en individuel, soit en groupes et durent, en moyenne 2h, sachant que la dernière demi-heure est consacrée à un temps de paroles et d’échanges.

Le/la danse-thérapeute est bien sûr présente tout au long de la séance, aussi bien par la voix à travers des consignes, conseils, suggestions, que par le corps, dans le mouvement et le contact.

Le déroulement d’une séance se dessine d’un bout à l’autre par de grandes lignes :

  • Le début de la séance est souligné par une transition essentielle à faire entre le monde extérieur et le moment présent, à savoir celui de la danse :

« Se centrer, accueillir des sensations, prendre conscience des tensions musculaires et psychiques, travailler la relaxation et la respiration, le lâcher-prise. Explorer les structures du corps dans ses dimensions proprioceptive, émotionnelle, symbolique, imaginaire et culturelle »

  • Puis le corps explore peu à peu le mouvement à partir d’un échauffement

« Eveiller la créativité et la spontanéité, improviser des mouvements pour chaque partie du corps, communiquer avec l’autre de manière différente. Explorer quelques fondamentaux : le poids, la présence, le contact, la dynamique du mouvement, l’espace et le temps »

  • C’est aussi l’occasion de découvrir un vocabulaire corporel

« En s’appuyant sur le travail d’un chorégraphe ou d’une danse (contemporaine, africaine, flamenco, salsa) pour apporter de la matière à la créativité. Exploration de divers rythmes, musiques et médiateurs (tissus, voiles,…) »

  • Suite à ce voyage corporel, Il est donné au patient la possibilité de se lancer dans une phase d’improvisation dansée. Un thème peut être mis en évidence

« Etre à l’écoute de son corps, exprimer librement, trouver sa propre parole gestuelle, improvisation guidée. Développer l’expressivité et la créativité à travers les jeux corporel, relationnel, symbolique et dramatique. Stimuler le plaisir de la danse, permettre à l’expression créative de se révéler. »

  • La séance prend fin sur un temps de paroles et d’échanges, où le patient peut s’exprimer sur son vécu.

« Apprendre à formuler ce qui a été perçu, établir des connexions entre le vécu de la séance et le quotidien. Restaurer l’image de soi. Découvrir la voie du ressenti et affiner ses perceptions. »

III - Angélique de conclure sur danse et TCA

Ainsi qu'Alison l’a écrit, la danse-thérapie est avant tout un JEU, pour retrouver son « JE ». je crois vraiment que, derrière nos plus grandes souffrances, se cachent nos plus grandes ressources. Avec Milton Erickson, nous pourrions dire que "la solution est dans le problème". Dans les TCA, le corps est devenu  «  le problème », un problème que la « tête » ne peut pas résoudre toute seule… Prenons donc le problème en lui-même, trouvons la solution dans le corps lui-même. Et laissons-nous tourner la tête sur un air léger. Pas de contrôle… juste une maitrise harmonieuse de soi !

 
 

[1]Curt SACHS, Introduction à l'histoire de la danse, Editions GALLIMARD, Paris, 1938, p. 7

[2]DELGA, FLAMBARD, LE PELLEC, NOE, PINEAU, Enseigner la danse en EPS, revue EPS n°226, 1990

[3]Maurice BEJART, de son vrai nom Maurice-Jean BERGER, est un danseur et chorégraphe français, né à Marseille en janvier 1927 et mort à Lausanne (Suisse) en novembre 2007.

[4]Praxie : coordination normale de mouvements volontaires