Pr Rigaud, Nutrition (Dijon)
La boulimie se définit comme le besoin compulsif de manger puis de s'en débarrasser. Il y a donc une crise alimentaire et, dans le même temps, un vomissement provoqué, car il est tout à fait impossible de garder ce qui vient d'être "ingéré". |
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On parle de boulimie quand le trouble du comportement alimentaire (TCA) dure depuis plus de 3 mois et s'accompagne de comportements dits "compensatoires", mis en place dans le but de se débarrasser des aliments qui sont consommés ou viennent de l'être. Il y a des malades qui font des crises bien séparées des repas et d'autres dont les crises suivent les repas. |
Dans 9 cas sur 10, la crise de boulimie s'accompagne de plusieurs vomissements provoqués et d'un fort sentiment de perte de contrôle. Les malades peuvent vomir 3 à 4 fois pendant chaque crise.
Dans la boulimie, il y a donc une double compulsion (besoin incoercible) : celle de "bouffer" et celle de vomir. C'est une véritable addiction comportementale : on veut ne pas le faire, y échapper et on le fait quand même. Au fil de la journée (souvent les crises sont le soir), on se met à y penser, puis on ne pense plus qu'à ça, puis on fait la crise, puis on cherche à la cacher…
La boulimie demande donc une grande organisation : tout est sous contrôle, sauf la crise !
Dans plus de 9 cas sur 10, la personne qui souffre de boulimie a la même pensée que la malade qui souffre d'anorexie mentale. Comme dans l'anorexie mentale, et de façon aussi intense que dans l'anorexie mentale, il y a une forte peur de grossir, un fort besoin de maigrir, une importante restriction aux repas, des sauts de repas, une énorme peur de manger au repas, de manger "trop" ou de manger "trop gras" et, pour finir, un besoin compulsif d'hyperactivité physique (30 % des cas).
La personne qui souffre de boulimie se "voit anorexique", "se pense anorexique" et "se vit boulimique". Elle pense exactement comme une personne qui souffre d'anorexie mentale et fait, chaque jour, exactement le contraire de ce qu'elle pense… c'est à dire exactement ce qu'elle déteste le plus. Elle a chaque jour, le comportement le plus horible, le plus honteux, le plus terrible, le plus angoissant : la crise de boulimie.
Donc, la personne qui souffre de boulimie vit un enfer. Souvent, elle banalise. Donc, il faut être capabe de lui dire qu'on sait qu'elle souffre !
Les patientes ont le sentiment d'avoir perdu tout contrôle et, donc, elles cherchent absolument à avoir le contrôle : plus elles "crisent", plus elles ont peur de manger et de grossir, plus elles se restreignent aux repas… plus elles crisent !!.
Le plus souvent, le starter de la boulimie, c'est le régime :
On se restreint, on crève de faim, on fait une crise, on ne se supporte pas, on la vomit !
Mais si le régime est le starter de la boulimie, il n'en est pas la cause pour autant ou plutôt pas l'unique cause :
Avant le régime, il y avait ce mal-être (ce malaise psychique) qui explique en partie pourquoi la personne s'est mise au régime.
Il a pu s'agir de dépression, de stress ou d'un traumatisme passé qu'on ne "digère pas".
La future malade ne se sent pas bien. Elle peine à en parler. C'est la boulimie qui va parler à sa place.
Il y a cette idée, en tout cas chez certaines, de "se remplir" et de "se vomir".
« Rien ne me remplit vraiment », « je suis pleine de vide », « je me vide de ce trop plein que j'ai en moi », telles sont les phrases employées le plus souvent par les personnes qui souffrent de boulimie.
« Comment en effet évacuer cette souffrance, ce trop plein de souffrance qui me gonfle ».
Il y a aussi parfois la culpabilité et la honte : c'est un peu ça qu'on vomit (certaines patientes, pas toutes).
La boulimie est un trouble sévère :
Complications somatiques : hypokaliémie, déshydratation, alcalose métabolique, troubles du rythme cardiaque, troubles digestifs (reflux gastro-oesophagien, constipation, ballonnements), pertes dentaires et altérations gingivo-dentaires en rapport avec les vomissements sont les plus fréquentes.
La dénutrition est la règle : c'est une dénutrition à poids normal, mais qu'il est utile de prendre en compte et de traiter.
Co-morbidités psychiatriques : troubles du sommeil, troubles de l'humeur (bipolarité a minima, état dépressif, irritabilité), anxiété, dépression, troubles obsessionnels compulsifs, addictions associées (alcool, cannabis, tabac avant tout) et tentatives de suicide ne sont pas rares. Certaines sont même fréquentes : troubles du sommeil, anxiété, état dépressif, pensées suicidaires.
Le traitement est multidisciplinaire :
Approche nutritionnelle :
Côté "Psy" :
Il faut distinguer rémission complète (plus de crises depuis une semaine), rémission partielle (diminution d'au moins 50 % des crises) et guérison (plus du tout de crise depuis plus de 6 mois, plus de pensée de type anorexie mentale, alimentation aux repas équilibrée, variée et non restreinte).
La rechute (réapparition des crises) s'observe chez les trois quarts des malades : donc, la rechute est la règle. Il ne faut ni s'en inquiéter, ni culpabiliser.
La guérison s'obtient dans 60-65 % des cas. Mais il faut du temps.
Publié en 2020