Anorexie, boulimie, compulsions alimentaires : l'association peut vous aider à voir les choses Autrement

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Troubles obsessionnels compulsifs de l'enfant et de l'adolescent


Dr M.France LE HEUZEY - Pédopsychiatre (Paris)

Le trouble obsessionnel compulsif (TOC) est une affection encore trop peu dépistée. Sa réelle fréquence chez les jeunes est connue (Penn et coll, 1997). Cependant, les données acquises dans le domaine thérapeutique incitent au dépistage précoce du TOC chez le jeune. Une telle attitude permettra une économie de plusieurs années de souffrance et une prévention des conséquences parfois irréversibles au niveau du fonctionnement et de l’adaptation psychosociale.

Reflexions pour la prise en charge des troubles obsessionnels compulsifs

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1. TOC de l'enfant et de l'adolescent

1.1. Et si c'était un TOC ?

Les TOC de l’enfant ont la même définition que chez l'adulte. Les critères officiels en sont assez proches : CIM-10 (classification de l’OMS) ou DSM-IV (classification américaine). Ils sont représentés essentiellement par les faits suivants :

  • La présence d’obsessions et/ou de compulsions (symptômes spécifiques), presque tous les jours sur une période d’au moins deux semaines (CIM-10).
     
  • Les symptômes OC sont reconnus par l'enfant ou l'ado comme le produit de ses propres pensées. Ils sont répétitifs, désagréables et reconnus, à un moment donné, comme exagérés ou absurdes. Ils sont souvent contrés par des efforts de résistance du sujet.
     
  • Les symptômes OC sont à l’origine de sentiment de détresse ou de "perte excessive de temps" (ex : au moins une heure par jour, DSM-IV) ou interfèrent de façon significative avec le fonctionnement mental.

Une fois le diagnostic porté, il faut préciser si la prise de conscience de l’aspect excessif ou irraisonné des symptômes est bonne ou insuffisante. Enfin, on peut préciser la forme clinique : « Avec obsessions au premier plan », « Avec compulsions au premier plan » ou « Forme mixte » (selon la CIM-10).

1.2. Si ce n'était pas un TOC ? Ou ce qui lui ressemble, sans en être un

Les obsessions et les compulsions pathologiques ne doivent pas être confondues avec des préoccupations d’allure obsédante ou des comportements répétitifs qui caractérisent d’autres troubles neuropsychiatriques de l’enfance ou de l’adolescence. Cependant, le TOC peut être associé (ou comorbide) avec certains de ces troubles, à condition d’avoir les critères nécessaires des différents diagnostics.

Préoccupations obsédantes
Diagnostic

Préoccupations et besoin de perfectionnisme, indécision

Préoccupation par la nourriture et le poids

Inquiétude concernant l’apparence physique

Préoccupations par des ruminations de culpabilité ou d’échec

Soucis excessifs non contrôlés pour des situations de la vie quotidienne

Souvenirs ou rêves répétitifs et envahissants d’un événement (images, pensées…)

Personnalité obsessionnelle compulsive

Trouble des conduites alimentaires (anorexie, boulimie)

Trouble dysmorphie corporelle

Dépression

Trouble hyperanxiété

Troubles liés à un stress posttraumatique

Comportements répétitifs
Diagnostic différentiel

Activité répétitive (source de plaisir)

Mouvement ou vocalisation soudains, rapides, récurrents, non rythmiques

Stéréotypies d’allure mécanique (sans lutte)

Trouble de contrôle des impulsions (trichotillomanie, kleptomanie…)

Tics moteurs ou vocaux (ou syndrome de Gilles de la Tourette)

Schizophrénie ; autisme ; retard mental

Ou trouble « mouvements stétéotypés » (avec ou sans comportements d’automutilation)

1.3. Les aspects cliniques

Les caractéristiques cliniques du TOC juvénile ont été rapportées dans 11 études ayant inclus 419 patients. De ces études, on retient une prédominance masculine (avec un sex-ratio de 3/2) et un délai moyen de 2,5 ans entre le début du trouble et la demande de soins.

Des événements de vie précipitants sont rapportés dans 38 % à 54 % des cas. La majorité ont des obsessions et des compulsions multiples. Les  obsessions touchent la propreté, les catastrophes, le besoin de symétrie (ou d’exactitude), le doute, l’apparence, les thèmes scrupuleux, religieux ou sexuels.

Les compulsions concernent les rituels de lavage, de vérification, de calcul mental, de répétition (va-et-vient, réécrire, relire…), de rangement, de toucher…

Les formes « obsessionnelles pures » sont rares.

Les cas « compulsifs purs » sont nettement plus fréquents chez les enfants que chez les adolescents et les adultes jeunes.

Il est important de ne pas confondre certains comportements de l’enfant avec un TOC. Ainsi, des comportements ritualisés (ex : des choses qui doivent être faites « comme ça », des rituels du coucher) qui surviennent dans l’enfance sont plus tard remplacés par des loisirs, des collections et des intérêts focalisés…

Le TOC se distingue de la majorité de ces comportements par la perte excessive de temps, le contenu des symptômes et surtout par la sévérité et le handicap généré.

1.4. La fréquence du TOC chez le jeune

A l’heure actuelle, six études épidémiologiques (USA, Israël, Allemagne, Danemark, Nouvelle Zélande) ont été conduites dans la population générale juvénile. Elles montrent une prévalence du TOC qui varie entre 2 et 4 %. En général, plus de un tiers des TOC observés chez l’adulte jeune débutent avant l’âge de 15 ans, le pic (21 %) étant situé entre 10 et 15 ans.

Dans les cas très précoces (début avant l’âge de 8 ans), 83 % sont du sexe masculin. De plus, la précocité du TOC est associée, d’une part, à une charge familiale plus importante (plus de TOC chez les parents de premier rang) et, d’autre part, à une comorbidité plus élevée avec des mouvements anormaux (tics complexes ou mouvements choréiformes…) ou des troubles des conduites avec ou sans déficit de l’attention.

A l’âge postpubertaire, les sentiments de honte et de culpabilité sont prégnants et contribuent à une dissimulation des symptômes.

La banalisation par l’entourage familial et sa tolérance vis-à-vis des TOC rend le diagnostic plus tardif.

Anxiété, échec scolaire, troubles inexpliqués du comportement, changement sans raison des habitudes ou des loisirs doivent alerter et faire rechercher TOC et troubles du comportement alimentaire…

1.5 Quelles sont les racines du TOC ?

Jusqu’à présent, aucun facteur causal n’a été identifié. Cependant, plusieurs facteurs d’origines différentes sont suspectés. Ont été mis en évidence :

  • une aberration de l’activité sérotoninergique centrale ;
  • des dysfonctions neuro-endocriniennes subtiles touchant la somatostatine, la vasopressine, le CRF et l’ocytocine ;
  • des anomalies neurostructurelles (une modification de la taille des noyaux caudés) et neuro-fonctionnelles (hyperactivité métabolique du cortex préfrontal) ;
  • des performances neuropsychologiques faibles, notamment dans les tâches explorant les fonctions du lobe frontal (mémoire visuo-spatiale) ;
  • une anomalie auto-immune avec une hypersécrétion d’autoanticorps antinucléaires (attaquant les noyaux caudés) en liaison avec une infection streptococcique. Cette hypothèse est actuellement soutenue par la recherche de facteurs génétiques expliquant la susceptibilité auto-immune ainsi que les liens génétiques et physiopathologiques entre les TOC et les tics complexes.

1.6. TOC infanto-juvénile : trouble isolé ou comorbidité ? Quelle évolution ?

Des tics complexes, des troubles anxieux, des troubles à type de conduites perturbatrices, des troubles de l’apprentissage et des troubles de l’humeur sont communément associés au TOC de l’enfant. La présence des mouvements anormaux (tics et syndrome de la Tourette) est fréquente (57%). Les enfants obsessionnels qui ont des tics se caractérisent par un âge de début plus précoce, une sémiologie plus sévère, une histoire familiale de tics et une altération plus marquée du fonctionnement lors du suivi. D’autres mouvements anormaux de type choréiforme existent chez un tiers des TOC juvéniles. De même, dans la chorée de Sydenham, on observe une fréquence élevée des symptômes obsessionnels. La majorité de ces enfants présentent une hyperactivité motrice, une labilité émotionnelle extrême, une irritabilité, une distractibilité et des conduites de régression.

L’évolution du TOC chez l’enfant et l’adolescent est comparable à l’évolution décrite chez l’adulte. La seule étude de suivi prospectif pendant une durée de deux à sept ans (Léonard et coll., 1993) a montré que seuls 4% des enfants n’avaient plus de trouble psychiatrique au terme du suivi.

D’autres études, ont soulevé la notion d’une évolution sociale de mauvais augure. Selon Léonard et coll. (1993), les facteurs annonçant un mauvais pronostic sont une faible réponse au traitement initial, une histoire familiale psychiatrique et une comorbidité avec les tics chroniques.

1.7. Comorbidité dans le TOC infanto-juvénile (Geller et coll. 1998)

  • Neurologie : tics moteurs, syndrome de Gilles de la Tourette (13-26%)
  • Psychiatrique (63-97%) :
  • Trouble thymique (8-73%)
  • Trouble anxieux (13-70%)
  • Trouble des conduites (3-57%)
  • Trouble du langage
  • et du développement (13-27%)


Publié en 2021