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Viande en France : mythes et réalité


Pr D. Rigaud - Nutrition, CHU Dijon

La population vieillit et c’est bien, pour peu que ce soit le garant à la fois d’une plus grande longévité et d’une qualité de vie meilleure. Car ce n’est pas tout de vivre vieux : encore faut-il vivre bien.

On sait clairement maintenant que les sujets âgés (entendez par là les plus de 70 ans) ont des besoins plutôt un peu plus grands en protéines, tout le reste étant égal par ailleurs, que les personnes plus jeunes : les nutritionnistes apprennent qu’il faut 1 g de protéines par kilo de poids et par jour à un sujet de 30-60 ans et sans doute 1,2 g/kg/jour à un sujet de plus de 70 ans.

1. Besoins et apports

On sait aussi que le capital de masse maigre et, en son sein, de masse musculaire, est fonction de l’apport protéique. La masse maigre, à savoir nos organes et nos muscles, est constituée majoritairement de protéines (25 %, soit 20 g pour 100 g environ) et d’eau (75 %). Nos organes contiennent de 20 à 25 % de masse protéique et un peu de graisse.

Chez l’homme, ces protéines sont de nature animale, c’est à dire que leurs constituants, les acides aminés, sont le même que ceux des animaux. Certains de ces acides aminés se trouvent en plus grande quantité chez les animaux que chez les végétaux. Or plusieurs d’entre eux sont dit essentiels, parce qu’ils ne peuvent pas être synthétisés par l’homme.

Les aliments les plus riches en protéines sont les viandes, les poissons et les œufs. De plus, comme ce sont des protéines d’origine animale, ils sont suffisamment riches en ces acides aminés indispensables (essentiels) dont nous parlions plus haut.

Apports de protéines
  Après cuisson Pesés crus
100 g de viande ou poisson 24 - 28 g 20 - 24 g
2 oeufs de 60 g (120 g) 13 - 14 g  
A titre de comparaison :
100 g de pain 8 g  
100 g de pâtes alimentaires 4 g  
100 g de riz 2,5 g  
100 g de légumes secs 7 g  

Quant aux fruits et légumes, ils n’apportent quasi pas de protéines : respectivement 0,5 et 1 à 3 g maximum.

On voit donc que seuls les œufs rivalisent qualitativement et quantitativement avec viande et poisson. Le lait et les laitages sont intermédiaires.
Ceci revient à dire qu’il faudra 250 g de pain (une grosse baguette) pour apporter en protéines ce qu’apportent viandes et poissons.
Il n’y a pas de différence substantielle entre les viandes ou entre viandes et poissons. Sachez seulement que ce n’est pas parce qu’une viande ou un poisson est plus riche en graisses (en lipides), qu’elle (il) est moins riche en protéines. Ainsi, un morceau de flanchet de bœuf à 13% de lipides contient plus de protéines qu’un beefsteak grillé (25 g contre 24 g).

2. Qu’en est-il de la consommation de viande en France ?

On entend dire partout que la consommation augmenterait. En fait, il est vrai que la consommation de viande a beaucoup augmentée entre 1850 (25 kg par habitant et par an) et 1960 (60 kg/habitant/an) ! Mais, depuis, ce n’est plus le cas.

La consommation ne cesse de diminuer au fil du temps. Elle est passée par exemple, entre 1979 et 2007, de 800 euros par an (en unité de consommation) à moins de 500 euros par an chez les gens âgés de 50 à 70 ans. Ce n’est que dans la tranche d’âge des 20-40 ans qu’elle reste stable, mais elle y était plus basse que chez les gens plus âgés (300-400 € par an).

Ce que l’on voit, depuis les années 1980, ce sont deux faits : le pourcentage alloué à l’alimentation par les ménages diminue globalement ; la quantité de viande, toutes espèces confondues, diminue, tandis que la consommation d’autres produits augmente : sodas, jus de fruit, produits préparés, chocolat et confiserie…

Cette diminution concerne avant tout les viandes de boucherie, par opposition à la volaille. Est-ce parce que la volaille a « meilleure presse » : on entend encore des nutritionnistes dire que la volaille est moins grasse que le bœuf. Or les études suggèrent que ce n’est pas vrai en moyenne : ceci dépend du morceau choisi : le blanc de poulet est moins gras qu’une entrecôte (6 g de matières grasses contre 12 g pour l’entrecôte), mais l’oie comporte 17 g de lipides.

La viande dont la consommation baisse le plus est le bœuf, qui ne représente plus que 20 % des dépenses de viande des ménages et le veau qui est passé de 15 à 7 % (entre 1960 et 2007). La « part de marché » a été prise par des produits à base de viande (de 22 à 44 % dans le même laps de temps).

3. Faut-il s’en réjouir ?

Les anti-viandes s’en réjouissent en effet : le risque d’obésité, de diabète, de cancers serait augmenté par la consommation de viandes !

En fait, les données de la littérature sont plus qu’incertaines à ce sujet. La plupart des grandes études transversales (comparaison à une date donnée de différents groupes de mangeur de viande) n’ont pas trouvé de lien entre le niveau de la consommation de viande, rouge ou non, et obésité, indice de masse corporelle, diabète, anomalies des lipides du sang (cholestérol, triglycérides).

Nous parlons ici des études qui ont présenté des résultats sur la consommation de viande, les autres facteurs étant maintenus constants entre groupes (niveau calorique du régime, teneur en graisse, fruits et légumes). En d’autres termes, les gros mangeurs de viande ne sont pas plus gros que les autres (ou plus diabétiques), s’ils ne mangent pas plus caloriques par ailleurs.

C’est sans doute en partie ce qui explique que les végétariens (adventistes du 7ème jour par exemple) ont moins d’obésité, de diabète, d’infarctus du myocarde que les mangeurs de viande. Ils ont en moyenne une vie plus saine, plus active physique, avec des contatcs moins fréquents avec des polluants que les autres américains.

La relation entre viande et cancers mérite qu’on s’y attarde. Il a été montré qu’il pourrait exister une relation entre consommation de viande et cancer du colon ou du sein. Cette association n’est en fait pas établi pour la viande de boucherie en tant que telle : bœuf, porc, mouton, agneau, volaille. Elle semble être le fait de la charcuterie, et encore cuite grillée (barbecue) comme le jambon ou le saucisson. Pour autant, les études n’excluent pas que pour de très gros consommateurs de viande (200 à 300 g par jour tous les jours, soit 1,5 kg/semaine), une relation existe entre viande et cancer du colon.

4. Faut-il s’en inquiéter ?

Il est bien évident que l’alimentation est un tout, où de nombreux paramètres entrent en ligne de compte. S’il n’y a pas de preuve scientifique qu’une forte consommation de viande est nocive pour la santé, il n’y a pas de preuve scientifique non plus que les mangeurs de viande soient préservés de la perte musculaire observée après 60 ans.

S’il existe un lien entre apports protéiques et ostéoporose, il n’est pas prouvé que la consommation de viande soit un facteur incontournable de la bonne santé osseuse. A cet égard, il faut rappeler que le lait et les laitages et fromages apportent à la fois du calcium et des protéines.

On peut évoquer cependant (ce qui n’est pas une preuve absolue) que la longévité a augmentée avec la consommation de viande au 20ème siècle, et que c’est sans doute vrai dans les pays émergents. Ceux qui mangent de la viande ont une durée de vie plus grande, sans doute parce qu’ils sont moins dénutris.

Si l’alimentation est suffisamment riche en lait et laitages (et fromage), en œufs et en légumes secs, il n’y a aucune raison de manger beaucoup de viandes. En revanche, si on ne consomme pas de produits laitiers, ni d’œufs, l’équilibre protéique devient plus difficile à respecter.

5. Troubles du comportement alimentaire et apports en viande

Si on en croit le suivi clinique des personnes qui ont des troubles du comportement alimentaire (boulimie, compulsions alimentaires sévères), il semble exister un lien entre apport protéique (et en viande) d’une part et guérison (sevrage des crises) d’autre part. Dans l’ensemble, ce sont les malades qui ré-introduisent le plus les repas et le plat protéique qui sont le plus souvent sevrés de leurs crises. Ceci mériterait d’être testé plus finement.

Dans l’anorexie mentale, l’anorexie vraie s’installe sans doute en partie du fait de la carence en protéines et en viande. On sait en effet que, chez un animal omnivore comme le rat, plus la ration est déficitaire en protéines animales et moins le rat a faim. Peut-être est-ce ceci que la malade anorexique cherche, sans s’en rendre compte, en ne mangeant pas de protéines. Son cerveau, inconsciemment, espère, en réduisant les apports de protéines, que la faim diminue. Notre impression de clinicien est que plus une malade souffrant d’anorexie mentale accepte d’introduire les viandes, et plus elle a de chance de guérir. Mais ceci mériterait d’être prouvé par une étude scientifique, le niveau de preuve étant faible (avis d’expert seulement).

6. Conclusion

L’organisme a vraiment besoin de protéines, en particulier chez la personne âgée.
Les protéines animales sont les plus à même d’apporter les bons constituants.
Ce sont les viandes et les poissons qui sont les plus riches en protéines « animales ».
La consommation de viande, notamment de viande de boucherie (bœuf, agneau, porc, mouton), diminue en France.
Le risque de consommer de la viande, du moins en quantité raisonnable (100 g par jour) est nul ou très faible.
Le bénéfice n’est pas établi non plus, pour peu que l’alimentation soit équilibrée par ailleurs.

Publié en 2010