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Aliments interdits et aliments santé


Pr D. RIGAUD - Président d'Autrement

1. Aliments santé, aliments interdits : comment s'y retrouver !

Il n’est pas de jours sans que le consommateur que nous sommes se voit interdire tel ou tel aliment ou conseiller fortement tel autre.

Il se trouve bien des journalistes, bien des « nutritionnistes », bien des « cardiologues » pour témoigner des vertus assassines du beurre, du sucre, du chocolat … Interdits, il ne faudrait pas en manger : source de trop d’acides gras saturés, de cholestérol, de calories. Trop quoi !!

D’autres, publicitaires ou scientifiques, prônent la consommation sans vergogne de tels légumes ou fruits exotiques (tofu, soja ou autre kiwi), de tels laits fermentés « pour nous » (« bio »), de telles boissons sans sucre, de tel beurre allégé ou margarine aux oméga 3

Il y aurait donc, à entendre ces Cassandres, des dangers quasi-imminents à se laisser aller à des aliments plaisirs et une folie à ne pas manger ces aliments santé.

Il y aurait donc également des aliments indiscutables, meilleurs encore que les médicaments. On leur a même trouvé un nom « alicament ».

Je vous rassure tout de suite : la vérité n’est pas si simple. Force nous est de constater que derrière l’expression « aliment – danger », il est utile pour ne pas dire indispensable de préciser pour qui et quel degré de risque.

2. Nos aliments

En effet, nos aliments n’échappent pas à une règle universelle : quelque soit le toxique, son effet est fonction de la quantité prise et de la répétition des prises. Ainsi la digitaline, véritable poison à une certaine dose, a transformé la vie des malades cardiaques à une dose beaucoup faible, dite « thérapeutique ». Dans le 1er cas c’est un poison, dans le 2ème c’est un médicament indispensable. De même, l’arsenic, poison indiscutable, a permis de traiter, à une certaine époque, la syphilis grave.

Mais revenons si vous le voulez bien à nos aliments.

2.1. Le beurre

Y a-t-il des preuves que le beurre, produit laitier d’origine animale, soit toxique ? Ou, dit de façon moins dramatique,  mauvais pour la santé ! Ne vous en déplaise, la réalité est contrastée.
Il existe bien un lien entre le beurre, riche en cholestérol et le taux de cholestérol dans le sang.
Il existe bien un lien entre l’excès de cholestérol dans le sang et le risque de faire un accident cardiaque ou vasculaire (infarctus du myocarde ou une attaque cérébrale).

Mais méfions-nous d’un raccourci trop facile et peu mathématique : si A donne B et que B donne C, A pour autant ne donne pas C. Dans le cas du cholestérol, la réalité est très claire : si l’on considère la population dans son ensemble, il n’y a aucun lien entre la consommation le beurre et les accidents cardiaques ou vasculaires.

Si on enlève les enfants, les adolescents, les personnes du troisième âge, et les femmes de moins de 50 ans (il reste surtout les hommes de 40–60 ans) on trouve un lien, mais bien modeste, entre beurre et accident cardiaque ou vasculaire.
Si on enlève les hommes et les femmes de 40-60 ans qui souffrent d’une anomalie du cholestérol, ce lien disparaît.

On en conclut donc que tout le monde peut manger du beurre sans risquer de mourir du cœur. Reste aux gens qui ont une maladie du cholestérol à limiter, mais je n’ai pas dit à supprimer, leur consommation de beurre ; ils peuvent sans souci en manger 10 g/jour.
Ce n’est sans doute pas une raison pour consommer chaque jour 50 g de beurre !

Tien, il me vient un autre exemple : beurre et cancer. Certains travaux scientifiques avaient suggéré dans les années 80 que le cancer du gros intestin (le colon) pouvait être lié à la consommation de beurre. Mais depuis, des travaux plus affinés ont permis d’affirmer que seules les personnes d’âge moyen gros consommateurs de beurre cuit (chimiquement un beurre oxydé) avaient à craindre le risque de cancer, mais à peine.

2.2. Le chocolat

Un journaliste, pour changer de sujet, me disait l’autre jour, Monsieur Rigaud, ce n’est pas vous, qui me direz que le chocolat ne fait pas grossir !

Mal lui en pris, car je lui ai répliqué que du chocolat, j’en mangeais deux à trois fois par semaine, un ou deux carrés, et que je n’avais pris qu'un kilo en trente ans. Pour autant, je ne conseille à personne de voir si la consommation d’une tablette de chocolat de 100 g/jour lui fera ou non prendre du poids sur un an. Car, à ce compte, seul de rares privilégiés ne prendront qu’un ou deux kilos !

2.3. Le yaourt

L’autre jour, regardant ma petite lucarne télévisuelle, avec mon oncle, quelle ne fut pas ma stupeur d’entendre que le yaourt nous faisait du bien à l’intérieur. Gêné, j’espérais une minute que mon oncle, opéré récemment d’un gros cancer de l’intestin, ne l’entendrait pas … Car depuis trente ans cet oncle adoré consomme deux yaourts par jour.

Mais je n’ai pas répondu à votre question : le yaourt est-il bon pour la santé ? Permettez-moi une pirouette : en tout cas, il n’est pas mauvais. Quant à être bon, ça dépend clairement de pour qui et pour quoi.  Il n’a jamais été démontré par exemple que le yaourt protégeait des maladies cardiaques, des cancers, de la bronchite chronique ou de la cirrhose du foie.

2.4. La Pomme

Ah oui la pomme, alors là, M Rigaud, vous ne pourrez pas nier qu’elle soit  bonne pour la santé. J’avoue, quand je vois une malade souffrant d’anorexie mentale qui ne mange depuis des mois qu’un yaourt et qu’une pomme par jour, que je me pose la question.

Il est vrai qu’à 35 kg/1,65 m, la pomme coince chez cette Eve !

3. Pour conclure

  • Il y a des aliments qui vont dans le sens de la santé. Mais il faut toujours se poser la question pour chaque aliment : quel bénéfice de santé, pour quel type de maladie, pour quelle personne et à quel âge ?
     
  • A l’inverse, il y a des aliments qui n’apportent pas de bénéfice de santé. Il serait raisonnable que nos gouvernements n’acceptent plus pour eux des allégations de santé.
     
  • Par ailleurs, il y a des aliments dont l’abus peut être nuisible à la santé. Mais alors c’est toujours en relation avec la quantité, la quantité consommée, la fréquence de consommation et la durée totale de l’exposition.
     
  • Enfin, l’alimentation est un tout, où le risque et les bienfaits d’un aliment sont à pondérer en fonction de l’équilibre alimentaire et non alimentaire global. Par exemple, manger chaque jour des fruits et légumes ne permet pas de fumer deux paquets de cigarettes par jour.

Il ne faut pas s’y tromper. L’alimentation est une fonction très complexe, que nous n’appréhendons bien que depuis peu. Et nous avons encore des tas de choses à apprendre !

Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas d’aliments « néfastes », « nocifs », « nuisibles ».

Pas plus qu’il n’y a d’aliments « santé », « forme », « longévité » !

Les notions clés sont celles de quantité et d’équilibre : la bonne quantité, la bonne fréquence, et l’association avec d’autres aliments pour former un tout cohérent.

Il y a enfin l’idée d’individu : il est des personnes à risque de développer un cancer de l’intestin, un infarctus du myocarde, une ostéoporose et d’autres qui ne le sont pas.

A chacun d’évaluer son risque, notamment en fonction de son passé médical et de celui de sa famille, de son sexe et de son âge.

Par exemple, si au moins deux personnes de la famille proche ont eu du diabète ou du cholestérol, il y a un risque net que la personne, au delà de 30 ans, souffre de diabète (ou de cholestérol). Mais, s’il y a dans la famille de nombreux membres qui ont du cholestérol mais ne font pas, pour autant, d’accident cardiaque ou vasculaire, ce n’est pas sûr qu’il faille traiter à tout prix le cholestérol, surtout avant 50 ans !

 

Publié en 2008