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La malnutrition


La malnutrition, à première vue, on voit plutôt ça comme un fléau touchant les pays pauvres de la planète, Rwanda, Madagascar, Laos, Paraguay…
En fait, il s’agit aussi d’un fléau frappant les pays émergents : Inde et Chine en tête.
En fait, même nos sociétés sont touchées par la malnutrition. Chez nous, elle touche des populations à risque.

1. Mais qu'entend-on par malnutrition ?

Un synonyme l’explique : dénutrition. Il s’agit d’un état où la perte de poids et la maigreur ont conduit à des altérations des fonctions de l’organisme. En d’autres termes, à un moment, lorsqu’il y a perte de poids et maigreur, notre corps échoue à remplir une de ses fonctions. Il en résulte des dysfonctionnements internes qui touchent principalement les fonctions de défense de l’organisme contre les infections, les muscles, l’oxygénation des cellules et les fonctions cérébrales.

Souvent, s’il y a dénutrition, c’est qu’il y a mauvaise nutrition, c’est à dire malnutrition, c’est à dire alimentation inadéquate.

Nous l’avons vu, la dénutrition est l’aboutissement d’une perte de poids. Il ne s’agit donc pas d’une maigreur constitutionnelle : quelqu’un qui pèse 52 kg pour 1,70 m, qui a toujours pesé ce poids et qui mange normalement, n’est pas dénutri ni malnutri. A l’inverse quelqu’un qui a perdu 30 kg, qui pèse 60 kg pour 1,70 m et qui ne mange qu’un yaourt et qu’une pomme depuis plusieurs mois est obligatoirement dénutri et malnutri.

Mécanismes de la malnutrition

Un organisme vivant contient un certain nombre de substances chimiques appelées nutriments  : protides, lipides, glucides, mais aussi vitamines, minéraux et oligo éléments. Chaque jour, il en perd. Chaque jour, il est donc obligé à en apporter. Chez l’homme en situation normale, cet apport est assuré par l’alimentation. Nous trouvons en effet dans nos aliments tous ces nutriments dont nous avons besoin. Chaque jour le corps prend ce qu’il a besoin et rejette l’excès (urines, selles, sueur).

En nutrition, on peut raisonner sur la base de bilan (comme un bilan bancaire). Le bilan d’énergie, de protéines ou de calcium par exemple, est la résultante des apports auxquels ce sont soustraites les pertes (bilan = entrées moins sorties).

La malnutrition, en d’autres mots, est un état chronique où le déficit en plusieurs nutriments a été longtemps supérieur aux entrées en ces nutriments. Le bilan a donc été pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois négatif. Le corps s’est donc appauvri en ces nutriments.

Si le nutriment en question est énergétique (glucides et lipides), ce bilan négatif de plusieurs mois revient donc à un grand déficit énergétique. Or tout déficit énergétique oblige l’organisme à extraire de ses réserves, notamment lipidiques, de l’énergie pour répondre aux besoins quotidiens. Donc tout déficit énergétique se traduit par une perte de masse grasse.

Au bout de quelques jours, surtout si l’apport de protéines est insuffisant, le corps va obligatoirement tirer une partie de son énergie des protéines qu’il a en stock ! C’est à dire des muscles ! Donc tout amaigrissement s’accompagne peu ou prou de perte musculaire !

On le voit, la perte de poids va tout ou tard conduire à une diminution du contenu en protéines de l’organisme. Or, les protéines (ou protides) sont des éléments nutritifs indispensables à de multiples fonctions.

2. Les causes

En France, comme bon nombre de pays riches, la dénutrition et la malnutrition touchent des personnes à risque :

  • Les enfants atteints de certaines maladies chroniques,
  • Les adolescents et surtout les adolescentes qui souffrent d’un TCA (anorexie mentale et boulimie en tête),
  • Les adultes jeunes, notamment les femmes atteintes d’anorexie mentale ou de boulimie,
  • Les adultes, hommes et femmes, qui souffrent de maladies chroniques inflammatoires ou de maladies qui s’associent avec perte d’appétit,
  • Les personnes âgées ou très âgées vivant seules ou vivant en institution (long séjour).

Chez l’homme, pour qu’il y ait malnutrition, dans nos pays à haut niveau de vie, il faut qu’il y ait une maladie associée en général. Cette maladie doit soit induire une réduction des apports en nutriments par l’alimentation, soit favoriser une augmentation des dépenses caloriques ou des pertes de nutriments, soit les deux.

2.1. Les causes dans le détail

Chez l’enfant, les maladies digestives chroniques, comme la maladie coeliaque et la mucoviscidose, sont responsables de biens des malnutritions. A titre d’exemple, plus de 80 % des  enfants atteints de mucoviscidose sont ou ont été dénutris. Chez l’enfant, certaines maladies chroniques du sang (leucémie ou autre) s’accompagnent fréquemment de malnutrition. Enfin, certaines maladies dites orphelines se compliquent elles aussi de dénutrition.

Chez l’adolescent, la cause la plus fréquente de dénutrition est l’anorexie mentale. De plus, la boulimie, est responsable de malnutrition à poids normal, du fait des restrictions alimentaires et des vomissements qu’impose la maladie.

Chez l’adulte, entre 40 et 70 ans, ce sont les cancers et plus précisément les cancers digestifs qui sont les plus grands responsables de dénutrition. Viennent ensuite les maladies digestives qui entraînent une mal digestion (mal assimilation) des aliments.

A part et méconnu, le patient obèse qui se soumet très fréquemment et constamment à des régimes alimentaires trop restrictifs s’expose à la malnutrition, alors même qu’il est encore gros. On peut peser 80 kg pour 1,70 m, ne plus manger que des endives et des pommes depuis plusieurs mois et donc être malnutri.

En France, en fait ce sont les personnes âgées, très âgées (plus de 80 ans) qui sont le plus exposées à la malnutrition et à la dénutrition. Plusieurs causes en sont responsables :

  • La solitude qui, au foyer ou en institution, favorise un état dépressif plus ou moins marqué. Et l’on sait que dépression ne rime pas avec appétit. Lorsque l’on a envie de rien, on n’a pas envie de manger,
  • Les troubles de la marche qui les empêchent de faire leurs courses ou de porter leurs cabas,
  • Les appareils dentaires mal adaptés et les pertes dentaires importantes qui gênent la mastication et la rende parfois douloureuse, limitant ainsi l’envie de se mettre à table,
  • La perte des capacités gustatives et olfactives, capacités qui diminuent au delà de 75-80 ans,
  • Les troubles de la déglutition, suite par exemple à une atteinte cérébrale ou une autre maladie neurologique,
  • Les problèmes digestifs, dyspepsie et constipation, qui diminuent les capacités de la personne âgée à terminer son repas,
  • Les maladies infectieuses ou inflammatoires de plus de quelques jours, dont la personne âgée a en moyenne plus de mal à se remettre qu’une personne plus jeune. A la longue, ces affections peuvent entraîner une anorexie chronique et des comportements alimentaires restrictifs (« je ne supporte plus rien »).
  • Bien des personnes âgées prennent bien trop de médicaments, prescrits avant ou au début du repas (pour ne pas qu’ils les oublient). Or, certains de ces médicaments coupent l’appétit (beaucoup d’antibiotiques, certains médicaments contre la tension, certains pour les troubles veineux, certains contre les douleurs d’arthrose …)
  • Enfin, il faut savoir restreindre chez la personne âgée les régimes restrictifs. Par habitude, parfois par peur de la mort, certaines personnes âgées se mettent au régime pour maigrir. Elles disent qu’elles ont moins de besoins que quand elles étaient jeunes, elles disent que la viande ou le poisson, c’est inutile à leur âge. Elles tiennent à garder leur régime pauvre en cholestérol et pauvre en graisse à cause de leur cœur. Or passé un certain âge, ces régimes interdictifs pénalisent plus la santé de la personne âgée qu’ils ne l’optimisent.

Rappelons que 80 % au moins des malades qui souffrent d’anorexie mentale sont dénutris, même s’ils croient être seulement maigres. Ajoutons que au moins la moitié des malades qui souffrent de maladies digestives inflammatoires chroniques (comme la maladie de Chron) sont dénutris ou malnutris (carences en vitamines ou en minéraux, sans trop de perte de poids).

Ajoutons que le stade terminal d’un cancer s’accompagne 8 fois sur 10 d’une dénutrition. Enfin, rappelons que le stade terminal de l’insuffisance cardiaque, de l’insuffisance respiratoire ou rénale, est très souvent compliquée de dénutrition.

Si l’on voulait chiffrer la fréquence de la dénutrition en France, on dirait que 2 à 3 % des gens en souffrent. Ce sont 20, voire même 40 % des personnes âgées qui en sont atteintes.
Dans le monde, on estime à 100 millions la fréquence de la dénutrition et à 300 millions celle de la malnutrition.

3. Questions

Mon fils de 6 ans ne se nourrit que de steak haché, de frites et de crèmes desserts. Dois-je craindre une dénutrition ?

  • Fort heureusement, ce n’est jamais totalement vrai, mais j’imagine que vous vous battez, pas à pas, repas après repas, pour qu’il mette des haricots verts par ci et un fruit par là. Fort heureusement aussi l’enfant est relativement protégé des carences nutritionnelles, en comparaison de l’adulte ou a fortiori de la personne âgée.

Mon enfant de 4 ans ne mange jamais ni fruit, ni légume

  • Il s’agit à cet âge plus d’une néophobie (peur de ce qui est nouveau) que d’une attitude figée. Si tout le monde en mange et si on ne lui met pas trop la pression (mais un peu quand même) il en mangera, surtout s’il n’a pas le choix. Rassurez-vous, vous avez du temps, car la malnutrition (dysfonctionnement de l’organisme) atteint rarement les enfants en bonne santé qui mangent peu ou mal.

Ma fille, mon fils ne mange que chez « Mac’do »

  • Il est probable qu’à terme, si un enfant devenu ado puis adulte mangeait tous les jours « hamburgers-frites-crèmes glacées », il serait carencé en divers minéraux alors qu’il aurait un excès de lipides (de graisses) dans son alimentation. Il serait donc à terme malnutri. Heureusement, vous êtes là, vous ses parents et sauraient bien empêcher de ne se nourrir que de « restauration rapide » ou de faire en sorte qu’il puisse y prendre une salade. Cette restauration rapide, c’est plutôt de la malbouffe que de la malnutrition. Il vous appartient d’en contrôler la fréquence. Aller à la pizzeria, chez Quick ou chez Mac’do, une fois par semaine, n’est pas en soi mauvais pour la santé. A vous de veiller, le reste du temps, à ce que l’alimentation soit variée et équilibrée.

« Ma fille de 10 ans dit être dégoûtée par la viande (qu’elle adorait), se met à rejeter les matières grasses, à trouver le jambon blanc trop gras et à éliminer toute « sucrerie », comme elle dit :

  • Plus de bonbons, plus de crèmes glacées, remplacés par une hyper activité physique et une « diététique » qui ont de quoi surprendre à son âge : là, je ne serais pas rassuré ! ça a tout l’air d’un début d’anorexie mentale, avec malnutrition et dénutrition comme complications inéluctables. Il ne faut pas banaliser. Il faut l’amener à consulter, jusqu'à qu’elle reprenne un comportement alimentaire normal. Parce qu’à force de restrictions, du fait de l’anorexie mentale, elle risque de tomber dans la boulimie (30 % des cas).

4. Conséquences de la dénutrition et de la malnutrition

Nous n’aborderons ici que les conséquences générales. Les conséquences d’un déficit chronique en calcium ou en magnésium, isolés, ne seront pas traités.

Conséquence musculaire : toute dénutrition s’accompagne d’une perte musculaire. Les plus touchés sont les muscles des jambes, des bras, du ventre et du visage. A cette perte musculaire s’associe une déficit de la fonction musculaire. Le muscle peine à se contracter et même à se relâcher. Il est donc moins efficace, expliquant par là que la personne est plus fatigable, ne puisse plus porter des choses plus lourdes qu’avant et à quelques difficultés à marcher. Ceci est surtout vrai chez la personne âgée dont les articulations sont déjà rouillées par l’âge. La conséquence en est la chute, qui induit un état de stress physiologique, ce qui accroît les pertes caloriques et protéiques et réduit l’appétit … ce qui aggrave la dénutrition !

Le tube digestif : tous les organes digestifs (œsophage, estomac, intestin grêle et gros intestin) sont  pourvus de couches musculaires, couches qui permettent de pousser les aliments vers les zones où ils seront assimilés (intestin grêle) et vers la sortie. La dénutrition altère la masse et la fonction des muscles digestifs. Elle favorise donc des difficultés d’évacuation (dyspepsie par ralentissement de la vidange gastrique, constipation par ralentissement du transit colique). Ces altérations motrices digestives induisent souvent une perte d’appétit et une diminution des quantités ingérées, du fait de l’inconfort digestif.

Immunité: la dénutrition et la malnutrition, par les carences en énergie, en protéines et en vitamines A, C, E peuvent induire un dysfonctionnement immunitaire. Il faut rappeler ici que la dénutrition et la malnutrition sont les causes les plus fréquentes d’immuno déficience acquises, bien avant le virus du "sida" (syndrome d’immuno déficience acquise).
Ce déficit immunitaire va diminuer les capacités de lutte contre les agents infectieux, virus, bactéries, parasites). Ces infections vont donc être moins faciles à guérir et les traitements anti-infectieux moins efficaces. Il y aura plus de complications et la convalescence plus longue. Or ces infections augmentent les pertes caloriques et protéiques, ainsi que celles en certaines vitamines (anti-oxydantes) tout en réduisant l’appétit et donc les apports alimentaires.

En résumé, la dénutrition favorise les infections… qui favorisent la dénutrition.

Le cœur : la dénutrition, par les carences en protéines, minéraux (en calcium, phosphore) et vitamines, altère les capacités électriques du cœur. En effet, le cœur pour se contracter est soumis à des impulsions électriques 60 à 70 fois par minute. La dénutrition provoque de mini court-circuits qui sont responsables de contractions anarchiques du cœur (troubles du rythme). Ceci peut induire un arrêt cardiaque.

Les vaisseaux : la dénutrition diminue la fréquence cardiaque et la pression artérielle. Les malades dénutris font donc souvent des malaises par manque de tension.

Le cerveau : le cerveau a besoin pour fonctionner d’énergie, de protéines, de nombreux micro-nutriments. Un déficit chronique et a fortiori une dénutrition, s’accompagnent donc tôt ou tard d’altérations des fonctions cérébrales : troubles de la mémoire, difficultés de concentration, difficultés à faire les liens (ce qui définit l’intelligence) sont des conséquences assez fréquentes d’un état de dénutrition. Heureusement, le cerveau a des réserves de fonctionnement. C’est ce qui explique que les malades très souvent ne s’en rendent pas compte. Mais il suffit de faire des tests fins pour les mettre en évidence. Ainsi une malade atteinte d’anorexie mentale de 40 kg pour 1,70 m se croit-elle perfectionniste et hyper efficace, alors que les tests intellectuels la montre le plus souvent avec des capacités inférieures à la moyenne. C’est au demeurant cet état de dénutrition qui explique chez des malades atteintes d’anorexie mentale, des états d’hyper excitation, voire de « démence » qui disparaitront avec la prise de poids.
Dans la boulimie, la malnutrition engendre des déficits cérébraux qui sont en partie responsables (en partie seulement) de l’état depressif et anxieux dont souffrent les malades.

5. Conclusion

La dénutrition et la malnutrition sont fréquentes, y compris dans nos pays à haut niveau de vie. Elles touchent chez nous plutôt des personnes à risques.
Elles ne sont pas sans conséquences sur la santé et peuvent même augmenter les risques de décès. Dénutrition et malnutrition doivent être combattus par une assistance nutritionnelle si la malade n’est pas capable d’augmenter ses apports alimentaires par la bouche.

Publié en 2008