Rigaud Daniel* (1), Huet Jean Michel (2), Pennacchio Hélène (2), Vergès Bruno (1)
(1) CHU Dijon,21000 Dijon,
(2), association Autrement, 21000 Dijon, France
L’anorexie mentale est un trouble grave du comportement alimentaire (TCA) qui le plus souvent s’étend sur de nombreuses années.
L’anorexie affecte souvent sévèrement l’état psychologique et somatique. La mortalité est estimée de façon assez variable, entre 6 et 16%.
En fait, 12 études de suivi à long terme ont été publiées. Quatre concernaient des adolescents et seulement 6 incluaient un suivi de 10 ans ou plus.
Enfin, ces études ne comportaient que moins de 100 malades, sauf une. Seules deux séparaient anorexie restrictive et boulimique.
484 malades adultes ayant été hospitalisés au moins une fois (à l’inclusion) et suivis plus de 10 ans. Ils étaient issus d’une série de 614 malades (79%).
Critères d’exclusion : âge < 18 ans (n=42), éloignement géographique (n=12), IMC > 18,5 kg/m2, anorexie mentale non certaine (EDNOS)
Caractéristiques :
Tableau 1 : Caractéristiques des 484 patients adultes
Moy + DS (médiane, écart) |
Patients suivis |
Patients non suivis |
Nombre
|
484 |
47 |
Suivi (ans) |
13,5 + 2,8 (12,8 ans ; extrêmes : 10-21 ans) |
- |
Age à inclusion (ans) |
22,8 + 4,4 ans (16-43 ans) |
20,4 + 2,5 ans |
Age de début (ans) |
18,4 + 2,7 ans (14-31 ans) |
17,5 + 2,9 ans |
Durée AM (ans) |
3,5 + 1,4 ans (1,4-25 ans) |
2.3 + 1.7 ans |
Sexe (% femmes) |
95,4 % (22 hommes) |
95,8 % |
Type à l'inclusion | ||
Restrictif |
347 (71,7%) |
35 (74,4%) |
Boulimie-vomissements |
73 (15,1%) |
9 (19,1%) |
vomissements |
52 (10,7%) |
3 (6,4%) |
Crises (sans vomissts) |
12 (2,5%) |
0 |
IMC à inclusion (kg/m2) |
12,8 + 1,6 |
13,5 + 1,9 |
IMC avant AN (kg/m2) |
22.4 + 1.3 |
24.6 + 1.9 |
Une hospitalisation initiale avec approche nutritionnelle (diététique), comportementale (thérapie cognitive et comportementale) et analytique.
Un suivi tous les ans au moins :
1. Un examen somatique, biologique, et psychologique
2. Des critères « généralistes » : mortalité, IMC, complications
3. Des critères «TCA» : Eating Disorder Inventory, Eating Disorder Examination
4. Des critères psy : anxiété, état dépressif
Critères de Morgan et Russell et classes pronostiques « perso » :
Classe 1 : IMC : >18,5 ; repas normaux ; pas de trouble alimentaire ; resto possible, pas d’hyperactivité physique
Classe 2 : IMC : 17,5-18,5 ; restriction alim et/ou hyperactivité physique modérée et/ou crises de boulimie 1 à 2 fois/semaine
Classe 3 : IMC : 16,5-17,5 ; restriction alim notable et/ou hyperactivité physique+++ et/ou crises de boulimie 3 à 4 fois/semaine
Classe 4 : IMC : >16,5 ; restriction alim marquée et/ou hyperactivité physique++++ et/ou crises de boulimie au moins chaque jour
1 fois |
2 fois |
3 fois |
4 fois |
5 fois |
6 fois |
> 6 fois |
|
n (%) |
230 (47%) |
73 (15%) |
41 (8%) |
22 (4,5%) |
18 (3,7%) |
6 (1,2%) |
0 |
94 malades (19,4%) n’ont jamais été ré-hospitalisés (dans l’unité ou ailleurs)
Aucun facteur pris à l’admission n’était explicatif de la rechute : ni l’IMC, ni les apports énergétiques, ni la durée de la maladie, ni la rapidité de perte de poids, ni l’âge, ni le sexe, ni le type de début (restrictif ou boulimique).
Étaient explicatifs (étude multivariée) : un IMC de sortie bas (F=11), des apports énergétiques et lipidiques bas au 21ème jour (F>6), un fort besoin d’hyperactivité physique à la sortie (F=7), un fort sentiment d’impuissance (F=8), de méfiance (F=9), d’anxiété (F=5,7) à la sortie.
Le pourcentage de malades évoluant d’une forme restrictive (AMR) à une forme boulimique (AMB) augmente dans les 3 premières années pour décroître beaucoup ensuite (P < 0,001).
La conversion d’une forme boulimique à une forme restrictive est, elle, possible, mais rare.
Le pourcentage de malades « déterminés à s’en sortir » (évaluation en fin d’hospit.) évoluant bien était plus grand significativement que ceux des malades moins, ou moins longtemps, convaincus ou qui doutent (chi deux : P < 0,001).
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Chez les malades qui sortent à un IMC loin de la normale le pourcentage de rechutes est beaucoup plus élevé que chez les malades qui sortent à un IMC presque normal (chi deux: P < 0,001). |
Ostéoporose : 42 % des malades à dix ans et plus (sur 376 malades évalués)
Chez les malades atteints d’anorexie mentale, la mortalité peut diminuer jusqu’à 1-2 % avec une prise en charge résolument nutritionnelle.
Les conversions en forme boulimique se font dans les 3 premières années en règle (quasi plus au-delà). La conversion d’une forme boulimique en une forme restrictive est très rare.
Dans cette série, les rechutes sont la règle : plus de 80% des malades qui ont été hospitalisés une première fois en unité spécialisée (peut-être les plus graves ?).
Les facteurs explicatifs des rechutes à court terme ne sont ni l’âge, ni le sexe, ni le poids (IMC), ni la chute de poids, ni des facteurs psy, mais le poids de sortie et les apports après un mois d’hospitalisation.
Il n’a été trouvé aucun facteur explicatif de la non rechute à 10 ans, excepté la détermination jugée à proximité de la sortie la première fois.
Publié en 2003