Anorexie, boulimie, compulsions alimentaires : l'association peut vous aider à voir les choses Autrement

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Équilibre alimentaire


1. Manger aujourd'hui

Manger aujourd’hui parait facile. Manger est naturel et nous savons le faire depuis des millénaires… depuis notre enfance. Pourtant rien n’est évident.

Notre consommation alimentaire évolue à grande vitesse. Le grand public s’en alarme d’autant plus que l’alimentation a pris une dimension industrielle qui éloigne le consommateur de ses aliments. Chaque « affaire » alimentaire, amplifiée par les médias, crée une psychose : encéphalopathie spongiforme bovine, listériose, aliments génétiquement modifiés, nitrates…

Pourtant, jamais le risque alimentaire n’a été aussi faible. En 30 ans, les cas de listériose mortelle sont passés de 500 à 40 par an, la fréquence des autres intoxications alimentaires a fortement diminué. Les contraintes imposées aux industriels, notamment en France, font que la valeur nutritionnelle et la sécurité de nos aliments se sont nettement accrues. Le risque lié à la vache folle n’a frappé quelques cas chez l’homme en 10 ans (bien moins que l’alcool !).

2. Mais quel est l'enjeu ?

L’alimentation a pour but d’assurer le maintien ou la restitution d’un état nutritionnel adapté à l’environnement et, le cas échéant, de permettre la croissance (enfance, grossesse, allaitement, sport…). Mais c’est bien autre chose aussi :

  • L’alimentation est un langage qui nous attache à autrui et nous définit.
  • C’est un lieu de connaissance sensorielle fort.

La faim est régulée par nos réserves et les dépenses énergétiques des jours précédents. Nous avons une bonne perception de nos besoins en énergie, en glucose et en sodium. Mais il n’y a pas d’ajustement des autres apports de nutriments : protéines, lipides, micronutriments selon nos besoins : le corps ne « sait » pas.

L’analyse de l’évolution, en 20 ans, de l’incidence du surpoids, de l’obésité et des troubles du comportement alimentaire n’est pas pour nous rassurer :

15 à 20 % de personnes en surpoids
8 à 12 % d’obèse
5 à 8 % des femmes souffrant de troubles du comportement alimentaire

3. Archaïsme et conscience

L’alimentation est affaire d’apprentissages au moins autant que de réponses physiologiques.
 

L’alimentation fait intervenir des régulations biologiques, des apprentissages, des ajustements comportementaux et des interrelations entre affects et sensorialité d’une part et consommation alimentaire d’autre part.

Nous mangeons en fait presque plus en fonction de ce que nous avons appris et expérimenté qu’en fonction de nos besoins biologiques.

Nous apprenons quels aliments manger, quels aliments nous « font du bien » ou « du mal ». Cet apprentissage, fondé sur l’expérience sensorielle personnelle (inconfort) ou l’information médiatique (la vache folle), dépend de notre histoire alimentaire, de nos affects et de leur lien avec la prise alimentaire et de notre relation à la maladie. Nous apprenons ainsi à attribuer une valeur « non sensorielle » aux aliments et à l’alimentation :
  • Valeur « Santé » du poisson, aliment « maigre », idéal « minceur », « vieillissement réussi »...
  • Valeur « Danger » du jaune d’œuf (riche en cholestérol), du surpoids...
Notre « connaissance alimentaire » n’est pas figée, mais plastique. C’est un avantage énorme, car ceci nous permet de nous adapter à une situation nouvelle. Mais ceci en fait aussi toute la fragilité. Dans le même temps, l’homme a appris les « apports nutritionnels conseillés » et la « Nutrition-Santé » et investit dans le présent pour préserver l’avenir.

L’augmentation impressionnante de l’offre alimentaire n’est pas pour nous déplaire, mais n’arrange rien : tout est toujours disponible, en tout lieu et à toute heure. Nos aliments sont devenus à la fois variés et faciles à consommer (« fast-foods »), aisés à transporter, à préparer et à cuire et énergétiquement plus denses (« caloriques »).

Et le poids d’une Industrie agro-alimentaire puissante, de plus en plus performante et de plus en plus innovante inquiète le consommateur qui craint des manipulations mercantiles de son alimentation - aliments génétiquement modifiés, farines animales, risques bactériologiques -.

C’est dans ce contexte que nos besoins changent : les besoins énergétiques diminuent au prorata de la réduction de notre activité physique, tandis que nos besoins en certains nutriments (comme le fer ou le calcium) s’accroissent du fait de l’allongement de notre espérance de vie. Il nous faut donc manger moins et mieux, alors que la publicité nous susurre de consommer plus sans vergogne. Or aucun signal biologique ne nous en informe.

4. Protéines, état nutritionnel et faim

Il faut pouvoir contrôler notre faim, puisque nous bougeons moins. A cet égard, les apports de protéines sont essentiels. Apports de protéines animales plus que végétales, car les besoins sont liés à nos stocks de masse maigre et à la composition de nos masses musculaires en acides aminés essentiels.

On admet que 1 à 2 % des protéines de structure sont renouvelées chaque jour : il y a 10 kg de protéines, soit 100 à 200 g de protéines chaque jour.

C’est pourquoi environ 1 à 1,4 g de protéines doivent être apportées de l’extérieur, par l’alimentation. Dont 50 % sous forme de protéines animales.

Mais les protéines nous aident aussi à réguler notre faim. Le tableau ci-dessous indique la régulation de la prise alimentaire selon le nutriment concerné :

    Protéines     Glucides     Lipides  

Rassasiement

+++

++

+/-

Suppression de la faim

+++

+++

+/-

Energie (kcal/g)

4

4

9

% des apports d’énergie quotidien

+

++

+++

Capacité de stockage

+/-

+

+++

Voies vers un autre compartiment

+

+

0

Autorégulation

++

++

0


5. Le fer, un nutriment essentiel

Les besoins alimentaires en fer sont tout aussi importants, notamment chez la femme : ils sont estimés à 10 à 12 mg/jour. Assez curieusement, la femme, au moment de la puberté, restreint ses apports en viande alors que ses besoins en fer augmentent du fait des pertes menstruelles. Si les besoins alimentaires sont de cet ordre, alors que les besoins biologiques ne sont que de 1 à 2 mg/j, c’est que l’absorption digestive est faible.

5.1. L'absorption digestive du fer

Les caractéristiques de l’absorption digestive du fer sont mieux comprises.
  • l’absorption est faible : 5-10 % du fer ingéré est absorbé. Les apports alimentaires doivent donc être 10 à 20 fois supérieurs aux besoins ! Fort heureusement, déficit chronique en fer et grossesse doublent le rendement digestif.
  • forme ferreuse liée à des porteurs : Le coefficient d’absorption digestive du fer héminique des viandes (et poissons) est de 15 à 20 %, contre 3 à 5 % pour le fer non héminique des aliments végétaux. Il y a trois raisons à ceci : l’hème « présente » le fer sous forme ferreuse à l’entérocyte (or seul le fer ferreux est absorbé) ; il y a dans les viandes et poissons des substances qui favorisent l’absorption du fer ; il y a dans les végétaux des substances qui en limitent l’absorption : fibres alimentaires insolubles, phytates.
  • transporteur au pôle basal : Une protéine de transport située au pôle basal de l’entérocyte permet la sortie du fer de la cellule et donc aussi son entrée au pôle apical.
  • régulation en rétrocontrôle selon ferritine et transferrine : lorsque le niveau de fer augmente, il augmente l’expression du gène de la ferritine, qui réprime la synthèse de transferrine.

5.2. Face à ces besoins, quelles sont les sources de fer ?

Tableau 1 : La teneur en fer, folates et vitamine B 12 des aliments
Pour 100 g cuits Fer (mg) Folates (µg) B 12 (µg)
Viandes rouges
2,2 à 4,0
4 à 16
2 à 3

Viandes blanches

1,1 à 2,0

4 à 10

0,8 à 1,2

Jambon

1,0 à 1,1

20 à 30

0,2 à 0,4

Saucisson

1,2 à 1,3

2 à 6

2 à 3

Poissons

0,5 à 2,3 (bar)

5 à 20

1 à 10

Œufs

1,8 à 1,9
40 à 60
1,2 à 1,4

Foie et rognon

6 à 14
250 à 650
40 à 70

Volaille, lapin

1,3 à 2,7

7 à 10

0,3 à 10

Légumes

0,3 à 1,6

30 à 70

0

Épinards

2,4

140

0

Fruits

0,2 à 0,4

10 à 60

0

Légumes secs

1,8 à 3,3
50 à 100

0

Pommes de terre

0,2 à 0,4

10 à 14

0

Avocat

1,0

50

0

Besoins
15 à 18 mg / j
300 µg / j
3 µg / j
Pour l’homme malade, la situation est encore plus compliquée. Il n’a pas non plus de régulation physiologique de sa prise alimentaire qui lui permette d’évaluer ses manques ou de combler ses déficits en protéines ou en fer. S’il y a régulation, elle est faite plutôt en aval (pertes et déperditions urinaires ou fécales, oxydations). Aucun capteur n’avertit le malade atteint de malabsorption digestive du déficit protéique ou martial ; aucune boucle de régulation réflexe ne le conduit à augmenter ses apports.

Pire, ce malade se nourrit beaucoup plus en réponse à ses sensations d’inconfort qu’en fonction des bonnes règles diététiques, même s’il les connaît : il est bien difficile, face à une anorexie, des douleurs ou à une diarrhée postprandiale sévères, de convaincre le malade de manger plus.

6. Conclusion

Le rôle du médecin est essentiel. Il doit convaincre le malade de préserver sa santé contre ses peurs, peur de grossir chez la femme, peur liée à des pensées magiques et infondées, peur des troubles digestifs chez l’homme malade, peur des maladies liées à l’alimentation (pas toujours raisonnable, loin s’en faut).

Le médecin doit répéter à quel point il est important de préserver son capital santé grâce à des apports personnalisés en protéines et en fer, comme en calcium, en acides gras essentiels et en fibres alimentaires.

L’alimentation est un tout qui ne peut être réduit à ses plusieurs.
 
Publié en 2006