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Comportements alimentaires anormaux

Dr Brigitte BOUCHER, Paris

Manger est l’acte le plus banal qui soit, c’est une nécessité vitale irrépressible.

Considérer que ceci est comestible, bon ou mauvais, nous définit comme être vivant, omnivore, être humain appartenant à telle époque, telle culture, telle catégorie sociale, telle famille, en définitif comme un individu singulier et unique.

Il semble donc qu’il existe une multitude de comportements alimentaires et la tentation d’en définir certains comme « normaux » relève d’un défi qui ne se justifie que par opposition aux comportements alimentaires pathologiques. Néanmoins, le comportement alimentaire de chaque individu, que le clinicien est amené à rencontrer, ne peut être simplement qualifié de normal ou de pathologique. La limite entre l’un et l’autre est une vaste étendue subtile et fluctuante selon la spécificité du patient et le contexte dans lequel il évolue.

Le comportement alimentaire représente une juxtaposition assez surprenante de faits logiques, liés aux contraintes économiques ou aux besoins physiologiques par exemple, et de fait échappant à toute logique.

Si l’acte de manger puise ses origines dans les premiers instants de notre vie, il semble intéressant de se souvenir que ce premier désir va être suivi de notre premier plaisir. Ainsi, dans l’inconscient du tout petit, l’acte de manger va être associé à un ensemble de perceptions source de plaisir : perceptions sensorielles, qui mettent en jeu les cinq sens, mais aussi perceptions émotionnelles et affectives, conduisant à la plénitude gastrique, au bien-être sécurisant des bras maternels aboutissant à cette béatitude postprandiale si agréable.

Le lait maternel, aliment par excellence de ces instants fondateurs dans la génèse du comportement alimentaire, endosse de ce fait le rôle symbolique de sécurité, de calme, de douceur, de tendresse.

Petit à petit, l’enfant nourri par sa mère va acquérir un comportement alimentaire propre, essentiellement dicté sur le modèle de l’environnement familial.

On peut aussi retrouver à l’âge adulte des souvenirs très anciens et très précis liés à des aliments de la propre enfance de chacun. Ces aliments, ou ces comportements, sont très marqués dans la mémoire de chacun, et lorsqu’il s’agit d’identifier telle ou telle spécificité, il n’est pas rare de constater qu’elle existe depuis la toute petite enfance.

Si le goût sucré est la saveur universellement appréciée in utéro et dès la naissance, nous ne naissons pas tous égaux face au goût, néanmoins ce sens s’éduque et nous accompagnera plus ou moins bien sur les chemins où l’on croisera gourmets, gourmands et gloutons, de la très subtile appréciation des mets au remplissage le plus vorace, tout est possible.

Selon cet héritage génétique, l’éducation reçue, l’environnement qui évolue si vite, et les émotions vécues, notre comportement alimentaire s’en trouvera directement influencé.

Manger devrait donc être un acte normal et simple, mais le nutritionniste sait combien ce comportement peut être malmené : la demande est parfois directement liée au comportement alimentaire, en terme de quantité ou de qualité.

Mais il s’agit le plus souvent d’un malaise général, lié à l’image corporelle, à la culpabilité, à la pression environnementale ou plus douloureux encore, à l’obsession permanente de manger, de remplir ce « vide » comme le tonneau des Danaïdes qui se vide au même rythme…

Par des questions simples, le praticien peut aider ce patient en l’incitant à se confier, à mettre des mots sur ce qu’il ressent comme faiblesse, manque de volonté, voire honte de ne pas « manger comme il faut ». Le patient a besoin de repères tant pour le rassurer, le conseiller, l’aider ou le soigner dans un monde où les exigences sont parfois difficiles à vivre.

Le motif de consultation, l’histoire pondérale, le rappel des 24 heures sont riches d’informations, ou d’emblée le patient révèle une facette de ce qu’il est.

La phase d’observation va permettre une meilleure connaissance du patient par lui-même, ou parfois le seul fait de tenir son carnet alimentaire lui révélera ses erreurs simples et les liens entre sa vie et son comportement alimentaire.

D’autres fois, il faudra de très longues consultations pour atteindre le cœur même de ce comportement alimentaire à la limite du pathologique.

Entre faim réelle, envie de tout et de rien, rassasiement et « ras-le-bol », l’apprentissage des perceptions intérieures est long et difficile.

La perception du corps, l’image de soi, la reconnaissance des autres, la confiance en soi doivent être évoquées afin de retrouver une véritable authenticité.

C’est un travail long et souvent difficile que de réapprendre que la normalité n’est pas la perfection, que manger est un acte naturel, si et seulement si, les maux de la vie arrivent à être digérés autrement qu’en mutilant son propre comportement alimentaire.

Publié en 2002