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Rôle du médecin généraliste dans le conseil nutritionnel L'alcool fait-il grossir ? Alcool et santé Effets pondéraux du tabac

Alcool et santé


Résumé
Il existe une relation inverse entre consommation modérée d’alcool et coronaropathie. De plus, une consommation modérée d’alcool (5 – 30 g d’alcool pur/j, soit 1/2 à 3 verres de vin/j) est associée à une réduction du risque de mortalité cardio-vasculaire glo­bale, à une diminution du nombre d’accidents vasculaires cérébraux et de la mortalité toutes causes confondues (risque relatif moyen = 0,7). Ceci est vrai dans les deux sexes, à tout âge entre 40 et 75 ans et dans tous les pays. À ces doses (5 – 30 g/j), l’alcool n’ac­croît pas l’incidence des maladies liées à l’alcool (cirrhose, cancers…). Ces effets protecteurs s’expliquent par plusieurs mécanismes : augmentation du HDL et de la fibrinolyse, diminution du stress et de la coagulabilité sanguine, effet anti-oxydant. C’est l’alcool plus que le type de boissons alcooliques qui semble jouer le rôle majeur.
Au delà d'une consommation de 40 (femme) à 50 g/j d'alcool pur, le risque de morbidité et de mortalité cardio-vasculaire ne diminuent plus, tandis que le risque lié aux maladies dues à l'alcool augmente de façon exponentielle.
Enfin, une consommation aiguë d'une quantité modérée d'alcool (3 verres en moins d'une heure) augmente clairement le risque d'accident de la route et de violence en tout genre.

1. Éléments d'alcoologie

La consommation de boissons alcoolisées remonte à l’Antiquité : boissons alcooliques (obtenues par fermentation ou distillation) et boissons alcoolisées (boissons additionnées d’alcool).
Les boissons alcooliques et alcoolisées sont des solutions qui contiennent de l’eau, de l’alcool et quelques dizaines d’autres substances. Parmi celles-ci, on connaît notamment les éléments minéraux, les substances volatiles, des polyphénols et des phyto-œstrogènes.

Calculer la quantité d’alcool pur consommée :
Le degré alcoolique est une quantité de millilitres pour 100 ml. La densité de l’alcool est de 0,8.
Ainsi, un litre de vin à 12,5° contient 125 ml d’alcool par litre, soit 125 x 0,8 = 100 g d’al­cool pur.
Dans les débits de boissons, la quantité servie, qu’il s’agisse de whisky, de vin rouge ou de bière, équivaut environ à 10 g d’alcool pur.

La consommation annuelle d’alcool pur (en litres) par adultes dimi­nue, en France comme dans d’autres pays, depuis 1985.
La consommation individuelle est en règle sous-estimée de 20 à 50 %, surtout chez les gros consommateurs.

2. La toxicité de l'alcool

Il ne fait aucun doute que l'alcool exerce des effets nocifs sur de nombreux organes :

  • Le foie : stéatose, hépatite alcoolique avec ses complications, stéato-fibrose, cirrhose, cancer primitif du foie (rôle adjuvant des virus de l'hépatite B et C),
  • Le pancréas (pancréatite "aiguë" ; pancréatite chronique calcifiante et ses complications, notamment biliaires),
  • L'estomac (gastrites, notamment hémorragiques),
  • L'intestin grêle (diarrhées chroniques avec accélération du transit et malabsorption modérée),
  • Le coeur (cardiomyopathie non obstructive),
  • Le système nerveux central (crises d'épilepsie, somnolence, coma, encéphalopathies chroniques, troubles de concentration et de mémoire, démences alcooliques) et périphérique (polynévrite, névrite optique rétro-bulbaire),
  • Les muscles (myalgies, myopathies atrophiantes),
  • L'homéostasie (acidose lactique; hypoglycémie, parfois graves chez le diabétique insulino-dépendant ; hyponatrémie),
  • Les lignées sanguines : lyse cellulaire avec anémie hémolytique, leucopénie, thrombopénie,
  • Le risque de cancer : ORL (cavité buccale, pharynx, larynx) et oesophage (associé au tabac), foie, probablement sein,
  • La grossesse : risque accru d'avortement spontané, de foetopathie, de prématurité et de petit poids de naissance.

Ces effets toxiques s'exercent en règle pour des consommations > à 40-50 g d'alcool pur par jour.
Chez la femme, ils sont parfois détectables pour des consommations inférieures, d'environ 30 g/j.

fleches_1.jpg Une intoxication chronique, d'au moins 10 ans, est en règle nécessaire.

  • Ivresse : Il faut ajouter les effets liés à l'ivresse : violence, suicide, accident de la route et du travail et toutes les complications de la dépendance physique et psychique (sevrage, delirium).
     
  • Dénutrition et malnutritions : Enfin, un alcoolisme chronique ancien peut aboutir à terme à des altérations nutritionnelles : anémie macrocytaire par carence en vitamine B9, carence en vitamines du groupe B (B1, B6 et PP), dénutrition.

3. L'alcool a t-il un effet protecteur sur les maladies cardio-vasculaires (coronaropathies, HTA, accidents vasculaires cérébraux) ?

3.1. Coronaropathies

Sur des populations au total de plusieurs centaines de milliers de personnes à travers le monde [6 - 10], le risque relatif de consommations modérées d'alcool est en moyenne de 0,7.
L’effet “ protecteur ” de l’alcool est le plus fort pour des consommations modérées, (10 à 30 g d’alcool pur/j). Au delà (> 40 g/j), le risque relatif globalement s’accroît [9].
Fait important, un risque relatif inférieur à 1 affirme un effet protecteur, mais il ne dit pas pourquoi ni combien de personnes sont mises à l’abri.

En prévention coronarienne primaire

Une quinzaine d’études ont été publiées (tableaux I et II).

Tableau I : Risque relatif (RR) de maladie coronarienne en fonction de la quantité d’alcool ingéré.

Etudes
Alcool (g/j)

Albanie

Chicago

  Framingham

Honolulu *

San Francisco

U.K.

Yougoslavie

Suivi**

18 ans

    17 ans

22 ans

6 ans

10 ans

 10 ans

7 ans

RR non buveurs

          1

          1

          1

          1

          1

          1

          1

 1 – 4 g/j

 5 – 9 g/j

10 – 19 g/j

  0,60 

5 g

0,67

19 g

  1 g

0,95



9 g

  0,9

 

0,75

  0,9

5 g

0,67

12 g

2 g

0,61

19 g

 

  0,1 g
0,50
10 g

  0,95

  –

 

  0,62

20 – 29 g/j

30 – 39 g/j

20 g

0,62

40 g

  0,9

20 g

0,58

40 g

13 g

0,58

31 g

20 g

 

10 g
0,71
34 g

   0,62

  0,50


40 – 59 g/j

60 g/j et plus


1

1,4

 


0,67

1,83

 


0,73

 

32 g

0,46

49 g

            0,70

50 g

0,82
(NS)

35 g

0,43

49 g

 

  –

_

La quantité d’alcool consommé est donnée en g d’alcool pur/jour (1 verre @ 10 g d’alcool pur)
* Population japonaise ; ** délai entre la détermination de la consommation d’alcool et l’événement coronarien le plus retardé

 Tableau II : Mortalité coronarienne et alcool : étude du risque relatif (RR) dans la littérature

Étude
Date
Pays
Sujets
Sexe
Nbre sujets
Suivi
Facteurs de confusion
RR
1-10g/j
RR
11-20g/j
RR
21-30g/j
Remarques
Jackson
(21)

1991

N.
Zélande

25-64 ans

H et F

724

2 ans

Tabac, âge
diabète

ND

0,61

0,54

 

Rehm (22) 1997 USA 25-75 ans H et F 6.788 15 ans Tabac, âge,
IMC, activité
0,73
0,55
0,78
0,60
0,93
0,56
Hommes
Femmes
Paunio (15) 1996 Finlande 50-69 ans H fum. 7.052 7 ans Tabac, âge,
IMC, activité, chol.
1,03
1,03
0,90
Selon HDL
Wannam. (23) 1997 UK 40-59 ans H 7.167 10 ans Tabac, âge, IMC, activité
0,75
0,75
0,46
Groupe allant de 1 à 20 g/j
Coate (24) 1993 USA 25-74 ans H et F 11.000 10 ans Tabac, âge, IMC, activité
0,51
0,42
0,42
 
Yuan (25) 1997 Shangaï 45-64 ans H 18.244 10 ans Tabac, âge, activité 0,80 0,80 0,62 Groupe allant de 5 à 19 g/j

RR x g/j : risque relatif (par rapport aux non buveurs) des sujets consommant x g d’alcool pur par jour.
IMC : indice de masse corporelle ; activité : activité physique.

Il n'y a pas un effet dose-réponse linéaire : le risque relatif "ajusté" d’événements coronariens (infarctus du myocarde, syn­drome de menace) diminue dès 5-10 g/j.
Ces effets de protection vis-à-vis des coronaropathies dégénératives s’exer­cent chez l’homme comme chez la femme, à 40-60 ans comme chez le sujet âgé, en présence d’autres facteurs de risque (comme le tabac ou le diabète).

Si le vin pourrait avoir un effet protecteur plus puis­sant, vis-à-vis de la maladie coronarienne, que les spiritueux ou que la bière, ceci pourrait être lié à la manière de boire : 1 verre de vin à chaque repas est sans doute moins nocif que "14 verres" de whisky dans le week-end.

En prévention secondaire

Après un premier accident coronarien, la consommation modérée d’alcool protège aussi contre le deuxième accident et diminue la mortalité cardio-vasculaire.

3.2. Alcool et pression artérielle

La pression artérielle, systolique et diastolique, augmente de façon linéaire avec la consommation d’alcool [8].
Les gros buveurs ont une fréquence d’hypertension artérielle deux fois plus élevée et un risque d’accident cérébral hémorragique 3 fois plus important que les non-buveurs. Ces effets sont indépendants de l’indice de masse corporelle, de la consommation de NaCl, du tabagisme et de la cholestérolémie.
En revanche, des consommations modérées d’alcool n’ont qu’un effet modéré ou nul sur la pression artérielle.

3.3. Effet préventif de l'alcool sur les accidents vasculaires cérébraux ?

L’alcool à dose élevée (> à 40 g/j) accroît fortement le risque d’accidents vasculaires hémorragiques (rôle de l'HTA).

L’alcool à dose modérée (1 à 40 g/j), ne l'augmente pas.

Hansagi et al., sur une cohorte de plus de 15 077 hommes et femmes de 42 à 84 ans suivis en moyenne pendant 20 ans, n’a mis en évidence aucune relation entre les accidents vasculaires cérébraux hémorragiques ou ischémique et la quantité modérée d’alcool consommée.

Il semble même qu’une consommation modérée d’alcool diminue le risque d’accident ischémique.

3.4. L'alcool à dose modérée a-t-il un effet protecteur vis-à-vis de la mortalité globale ?

L’alcool à dose modérée (5 à 30 g/j) exerce un effet favorable sur l'espérance de vie globale.

L'effet protecteur d'une consommation modérée s'exerce sur la mortalité, tant celle liée aux maladies cardio-vasculaires que celle liée aux autres affections (Figure 2), y compris celles en rapport avec la toxicité de l'alcool (Figure 3).

Figure 2 : Mortalité cardio-vasculaire et consommation modérée d’alcool dans différents pays du monde

alimentation_alcool.png
On voit que le risque relatif de décès est toujours inférieur chez les buveurs modérés que chez les non buveurs.

Figure 3 : Mortalité globale, cardio-vasculaire et liée aux autres causes en fonction de la consommation d’alcool

alcool_mortalite.png
Au terme du suivi, les buveurs « modérés » ont un risque moindre de décès que les non buveurs, tant de causes cardio-vasculaires que d’autres causes.

Encore faut-il prendre en compte l’âge. En effet, il est évident qu’entre 15 et 45 ans, le risque de suicides et d’accidents de la route mortel est bien plus élevé chez les gros consommateurs d’alcool que chez les absti­nents!

3.5. Mécanismes de l'effet protecteur

L’effet protecteur exercé par les boissons alcooliques pourrait bien être lié à l’alcool lui-même et au contenu non-alcoolique (polyphénols, phyto-œstrogènes…) des boissons alcooliques.
L’alcool diminue l’agrégabilité plaquettaire, favorise la fibrinolyse, augmente le cholestérol HDL, tend à fluidifier les membranes et à modifier le fonctionnement des récep­teurs et enzymes membranaires, diminue la réactivité au stress et améliore l’hu­meur.

Parmi les composants des boissons alcooliques, les polyphénols pourraient avoir un rôle important. Ils augmentent en effet la concentration de calcium cyto­solique dans les cellules endothéliales vasculaires, ce qui pourrait avoir pour effet d’augmenter la production d’oxyde nitrique (NO) et ainsi d’avoir un effet relaxant sur le muscle lisse vasculaire. Les polyphénols, par ailleurs, ont des effets anti-oxydants et anti-agrégants plaquettaires.

4. Bibliographie

ylivre07.gif[1] Klatsky A.L. - Alcohol, coronary disease and hypertension. Annu. Rev. Med., 1996, 47, 149-160.
[2] Poikolainen K. - Alcohol and mortality : a review. J. Clin. Epidemiol., 1995, 48, 455-465.
[3] Doll R. - One for the heart. Clinical review. BMJ. 1997, 315, 1664-1668.
[4] Fuchs C.S., Stampfer M.J., Colditz G.A. et al. - Alcohol consumption and mortality among women. N. Engl. J. Med., 1995, 332, 1245-1250.
[5] Renaud S.C., Guéguen R., Schenker J., d’Houtaud A. - Alcohol and mortality in middle-aged men from Eastern France. Epidemiology, 1998, 9, 184-188.

FIGURE 1: Consommations d’alcool selon l’âge et le sexe chez les adultes consommateurs d’alcool en France

alcool_consommation.png

D’après Rigaud D et al. - Cah. Nutr. Diét., 1997, 32, 379-389.

Figure 4 : Mortalité globale, cardio-vasculaire et liée aux autres causes en fonction de la consommation d’alcool chez des infirmières américaines

alimentation_alcool_danger.png

Pour des consommations modérées d’alcool, le risque de décès est moindre que chez les non buveuses, y compris pour les maladies liées à l’alcool (comme la cirrhose).

Tableau III : Mortalité toute causes confondues et alcool : étude du risque relatif (RR) dans la littérature

Étude

date

Pays

Sujets

Sexe

Nbre

Suivi

Facteurs de confusion *

RR
5-10g/j

RR
11-20 g/j

RR
21-30 g/j

Remarques

Miller
(14)

90

Antilles angl.

35-69 ans

H

1341

7,5 ans

Tabac, âge, ethnie, PA, chol

0,66

0,58

1,95 **

** groupe de 20 à 80 g/j

Berberian (29)

94

Pays-Bas

> 20 ans

H et F

1620

10 ans

Tabac, âge, IMC, PA, chol

0,81

0,81

0,81

1/4 cohorte, « chaque j. »

Keil
(19)

97

Allemagne

45-64 ans

H et F

2084

8 ans

Tabac, âge, IMC, HTA

0,59

0,59

0,46

groupe allant de 1 à 20 g/j

Cullen
(30)

93

Australie (Ouest)

> 40 ans
(m.: 57 ans)

H et F

2171

23 ans

Tabac, âge, PA, ATCD MCV, activ., HTA, diab., chol

0,91

0,76

ND

 

Muntwyler (27)

98

USA

Médecins, infarctus, 64 ans

H

5358

5 ans

Tabac, âge, IMC, activ., HTA, diabète

0,75
0,81

0,75
0,89

0,74
0,88

40-64 ans
65-84 ans

Wannam. (23)

97

UK

40-59 ans

H

7167

10 ans

Tabac, âge, IMC, activité

0,85

0,85

ND

groupe de
1 à 20 g/j

Brenner (31)

97

Allemagne

Employés, 25-64 ans

H

8043

8 ans

Tabac, âge, activité, IMC

0,30

0,30

0,30

groupe de
1 à 49 g/j

Doll (32)

94

UK

Médecins, 40-60 ans

H

12320

10-15 ans

Tabac, âge

0,82

0,68

0,69

 

Groen-
baek (33)

94

Danemark

30-79 ans

H et F

13285

12 ans

Tabac, âge, activité, IMC

0,71

0,68

0,67

 

Yuan (25)

97

Shangaï

45-64 ans

H

18244

10 ans

Tabac, âge, activité

0,82

0,82

0,66

groupe allant de 5 à 19 g/j

Camargo (34)

97

USA

Médecins, 40-84 ans

H

22071

11 ans

Tabac, âge, IMC, PA, chol

0,79

0,98

ND

 

Renaud 35)

98

France

40-60 ans

H

34000

10-15 ans

Tabac, âge, activité, IMC, PA, chol

0,81

0,73

0,75

 

Fuchs
(11)

95

USA

Infirmières, 34-59 ans

F

85709

12 ans

Tabac, âge, ATCD MCV, activité, IMC, PA, chol

0,83

0,88

0,89

 

Thun
(36)

97

USA

30-94 ans

H et F

490000

10 ans

Tabac, âge, cancers, alim., classe sociale

0,78

0,82

0,87

 

Dans ce tableau, les études sont classées en fonction du nombre de sujets inclus.

RR x g/j : risque relatif (par rapport aux non buveurs) des sujets consommant x g d’alcool pur par jour.
IMC : indice de masse corporelle ; activité : activité physique ; ND : non donné ; MCV : maladies cardio-vasculaires

* Population japonaise ; ** délai entre la détermination de la consommation d’alcool et l’événement coronarien le plus retardé

 

Publié en 2004