Ministère de la Santé Association AUTREMENT
Rappel des objectifs de l'étude - L’alimentation a trois objectifs :
L’homme développe, au fil des expériences et d’apprentissages conscients et inconscients, des pensées et des émotions autour de l’alimentation.
Or l’alimentation a considérablement changé : tout est beaucoup plus disponible à relativement peu de frais. Mais, dans le même temps, les médecins et nutritionnistes ont appris aux consommateurs à manger « santé », ce qui peut induire la peur de ne pas manger conformément à la diététique. Enfin, un certain nombre d’aliments sont fabriqués par l’industrie agro-alimentaire ou présentés en restauration collective, alors qu’ils étaient auparavant achetés chez un commerçant proche. Il est possible donc que les aliments que l’on propose au consommateur ne lui semblent pas appropriés ou utile.
Il est utile de savoir si ceci modifie les rapports des consommateurs avec leur alimentation : sensation d’être bien ou mal dans sa peau, d’être triste ou gai, tendu ou relaxé en réponse à l’acte alimentaire ou à la restauration collective… Enfin, pris dans les campagnes « minceurs », bien des gens risquent d’avoir développé une relation de méfiance à l’égard de leur alimentation : peur de grossir, voire troubles du comportement alimentaire : dégoût de manger, crises compulsives ou boulimiques. Il n’y a pas de questionnaire validé dans ce domaine ni d’études visant à comparer les pensées et sentiments autour de l’alimentation d’une part et le comportement alimentaire d’autre part en France.
Le but de ce travail était de valider un tel questionnaire en langue française, plus adapté à notre culture que les questionnaires d’origine anglo-saxonne. Ce questionnaire avait deux objectifs : connaître les pensées et sentiments autour de l’alimentation ; dépister, grâce à ceci, des troubles du comportement alimentaire, car il semble que certaines pensées autour de l’alimentation sont liées aux troubles du comportement alimentaire.
Un comité de spécialistes a été réuni. Il comportait deux médecins nutritionnistes, deux chercheurs en sciences humaines, un enseignant en psychologie, un psychothérapeute, une ancienne malade atteinte d’un trouble du comportement alimentaire et un représentant du milieu associatif « consommateurs ».
Les experts se sont réunis pour définir des pensées, des sentiments et des comportements vis à vis de l’alimentation : neuf grands thèmes de pensées concernant l’alimentation ont été définis en fonction des 2 objectifs ci-dessus. Ces thèmes étaient : l’intérêt porté à l’aspect pratique, au coût, à l’aspect « santé », à l’aspect « naturel » et diététique, aux saveurs et au goûts, à l’équilibre personnel, à l’aspect politique ; l’angoisse à manger. De 8 à 10 questions étaient posées pour chaque thème. Les réponses étaient imposées, allant de « pas du tout important » à « très important » (4 classes). Six types de sentiments ont été par ailleurs définis : bien être, inquiétude, tension, étrangeté, tristesse, angoisse. De 2 à 3 questions étaient posées pour chaque thème. Les réponses étaient imposées, allant de « très négatif » à « très positif » en passant par un état neutre (7 classes). Ex. : quand je pense aux aliments que je mange, je me sens… de « sombre » à « de bonne humeur », avec comme réponses possibles : très, plutôt, un peu sombre et un peu, plutôt et très « de bonne humeur ». Le 3ème volet concernait des comportements alimentaires : il a été construit à partir du questionnaire dit du « Eating Disorder Inventory » traduit en français, élaboré pour dépister un trouble du comportement alimentaire. Enfin, le 4ème volet était la fiche signalétique : sexe, âge, taille, poids, condition de vie (familiale), niveau d’études, emploi, lieu des repas, saut(s) de repas, prises « d’en cas » et grignotages (5 niveaux), régimes hypocaloriques (5 niveaux), évolution du poids (stable, en baisse, en hausse), activité physique (4 niveaux).
Au total, le questionnaire comportait initialement 132 questions : 81 sur les pensées ; 14 sur les sentiments ; 18 questions sur le comportement alimentaire ; 19 questions signalétiques.
Le questionnaire a ensuite été relu et corrigé par l’ensemble du comité, puis adressé à une vingtaine de personnes à qui était demandé d’en juger la compréhension et la lisibilité. Un certain nombre de questions ont paru redondantes, peu claires ou sans intérêt. Ceci nous a conduit à éliminer 24 questions. Certaines redondances ont été gardées pour vérifier la justesse des réponses et le niveau d’implication du sujet et éliminer les questionnaires peu fiables.
Le questionnaire a ensuite été retravaillé par 43 étudiants et étudiantes, médecins pour la plupart, participant au Diplôme d’Etudes Spéciales Complémentaires en Nutrition (session de Dijon). 23 questions ont ainsi été ré-écrites pour être plus claires. Neuf ont été supprimées.
Le questionnaire a ensuite été remis à 88 étudiants en médecine de la faculté de Dijon (DCEM 2) pour apprécier le temps de réponse moyen, le nombre de questions renseignées et la cohérence d’ensemble.
Au terme de cette analyse, 11 questions ont été exclues, faute d’être renseignées ou comprises par plus de 80 % des étudiants. Le questionnaire « définitif » initial comprenait donc 88 questions. Ensuite le questionnaire a été adressé à 114 étudiants en médecine de la faculté de Dijon de DCEM 1 et 2, pour confirmer de façon prospective la pertinence du questionnaire.
Premier temps : pourcentage de réponses concordantes aux questions de même signification. Le but était d’une part d’éliminer les questionnaires incohérents et d’autre part de supprimer certaines questions mal comprises par plus de 50 % des personnes interrogées.
Deuxième temps : regroupement de toutes les questions connotant pour un même thème, afin de juger de leur valeur de concordance et de discordance. Le but était d’éliminer certaines questions trop semblables (sauf celles mises en place pour juger de la fiabilité des réponses d’une personne donnée au questionnaire).
Troisième temps : étude statistique proprement dite, avec établissement des moyennes et écarts types, corrélations et analyses de variance à un facteur. Les valeurs de signification, compte tenu du nombre de tests effectués, étaient pondérés par un test de Bonféroni et fixées à P < 0,05. Les réponses concernant les grands thèmes de pensées et sentiments ont été ensuite comparées en fonction de classes de poids pré-définies (indice de masse corporelle, IMC, inférieur à 20, entre 20 et 25 et supérieur à 25 kg/(m)2), de signes évocateurs de troubles du comportement alimentaire (présence ou absence) voire d’intérêt pour les régimes hypocaloriques.
L’analyse présentée ici porte sur les réponses aux questions qui ont été maintenues inchangées dans la dernière version. En effet, aucune différence n’a été observée (P > 0,50) entre l’avant dernière version, remise à 88 étudiants de médecine de 1ère année et la dernière version remise à 114 étudiants.
L’âge moyen des étudiants était de 21,6 + 0,96 ans. L’échantillon comprenait 76 % de femmes. L’indice de masse corporelle moyen était de 20,93 + 2,68 kg/(m)2 (60 kg ; 1,69 m).
Parmi ces étudiants, 33 % disaient n’avoir aucune activité physique, 60 % avoir une activité modérée, 4,5 % une activité moyenne et 2,3 % une activité physique intense.
Le pourcentage de sujets disant faire un régime pour maigrir était le suivant : tout le temps au régime : 2 %, souvent au régime : 4 %, parfois : 32 %, oui, en ce moment : 6 % et jamais : 56 %.
Concernant le grignotage et les en cas (hors goûter), 18 % répondaient jamais, 48 % une fois/jour, 25 % 2 à 3 fois/j, 5 % 4 à 5 fois/j et 4 % plus de 5 fois par jour.
Pour le petit déjeuner, 68 % répondaient en prendre un tous les jours, 11 % pratiquement chaque jour, 2 % irrégulièrement, 9 % qu’ils n’en prenaient jamais. Le petit déjeuner était pris « chez soi » dans 89 % des cas. C’était aussi le cas du déjeuner dans 48 % et du dîner dans 77 % des cas, tandis que 10 % des étudiants ne prenaient que rarement de déjeuner.
La version première du questionnaire, remise à 88 étudiants, a été remplie par 75 d’entre eux (85 %). La 2ème version, remise à 114 étudiants, a été remplie par 102 d’entre eux (89,5 %). Pour la 2ème version, 93 % des 114 étudiants ont renseigné toutes les questions. Pour les 8 étudiants restants, les questions non renseignées étaient celles sur les sensations et humeurs, notamment 2 questions : quand je pense aux aliments ou à l’alimentation que l’on me propose, je me sens « enlaidi(e) » ; je me sens « triste ». Treize étudiants ont mis un point d’interrogation en face de certaines questions (maximum 4), conformément à une demande qui leur avait été faite : « si vous ne comprenez pas la question ou ne savez pas y répondre, mettez un « ? ».
Les pensées autour de l’alimentation : Le maximum possible était 3 et le minimum zéro.
Tableau 1 : côté pratique de l’alimentation
Facile à préparer |
facile |
Facile |
Rapide |
Comme |
près mon lieu |
1,72 * |
1,70 |
1,76 |
1,77 |
0,76 |
1,80 |
0,84 ** |
0,92 |
0,86 |
0,91 |
0,76 |
0,94 |
* moyenne ; ** écart type
Parmi les 6 items concernant l’intérêt du côté pratique de l’alimentation, une extrême concordance existait (tableau 1) : probabilité d’identité = 98,4 % (P < 0,0001).
pas chers |
bon rapport qualité-prix |
bon marché |
1,47 |
2,18 |
1,48 |
0,78 |
0,69 |
0,80 |
Concernant l’intérêt porté au coût de l’alimentation, une extrême concordance existait entre les items 1 et 3 (tableau 2) : probabilité d’identité = 92,7 % (P < 0,01).
En revanche, les étudiants tendaient à accorder plus de valeur à l’item « bon rapport qualité-prix ».
pas additifs |
naturels |
pas ingrédient chimique |
emballage écolo |
1,35 |
1,90 |
1,37 |
1,47 |
0,89 |
0,84 |
0,95 |
0,98 |
me plaisent |
sentent |
bon |
agréable |
texture |
me font du |
aliments |
2,63 |
2,48 |
2,75 |
1,81 |
1,78 |
1,85 |
0,70 |
0,63 |
0,83 |
0,48 |
0,92 |
0,97 |
0,97 |
0,81 |
Emballage écologique |
pays que |
Indications claires |
1,57 |
0,32 |
0,94 |
0,98 |
0,81 |
0,92 |
Tableau 6 : Pensées autour des repères et du stress
Soient familiers |
support |
aliments de |
me font |
indic |
Aide à |
affronter |
mange |
0,84 |
0,74 |
0,82 |
1,85 |
0,94 |
0,84 |
0,84 |
0,76 |
0,94 |
0,93 |
0,81 |
0,97 |
0,92 |
0,94 |
1,00 |
0,76 |
Alerte éveillée |
Me font du bien |
Soient nourrissants |
1,51 |
1,85 |
2,13 |
1,06 |
0,97 |
0,85 |
Tableau 8 : Pensées vis à vis de la dimension Santé et diététique
Soient naturels |
pauvres en |
riches |
Pas |
pas ingrédient |
en bonne |
bons pour |
1,90 |
1,27 |
1,19 |
1,01 |
1,31 |
2,48 |
1,33 |
0,84 |
0,76 |
0,95 |
0,89 |
0,95 |
0,74 |
1,01 |
Peu caloriques |
pauvres |
riches |
contrôle |
Vit. et |
Riches en |
0,95 |
1,27 |
1,19 |
1,17 |
1,97 |
1,53 |
0,80 |
0,76 |
0,95 |
1,05 |
0,85 |
0,95 |