Anorexie, boulimie, compulsions alimentaires : l'association peut vous aider à voir les choses Autrement

Anorexie mentale et boulimie
Définition, symptômes et maladies associées Causes et mécanismes Descriptions et complications
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Facteurs pronostiques dans l'anorexie mentale


Pr Daniel RIGAUD - Président d'AUTREMENT

1. La guérison de l'anorexie mentale

En médecine, l’idéal est de pouvoir prédire si la maladie guérira ou si au contraire se prolongera longtemps.

L’anorexie mentale (AM) n’est pas une simple crise d’adolescence où tout se règle en 6 mois. La guérison est longue à obtenir.

On peut en guérir totalement, sans séquelle physique, psychique ou comportementale dans 50 % des cas.

Les autres malades garderont des troubles : troubles du comportement alimentaire, poids bas et dénutrition relative, alimentation restrictive ou figée (trop maîtrisée), vomissements, manque de confiance, difficultés face au regard ou au désir de l’autre...

2. L'étude de Dijon

L’objet de l’étude scientifique ci-dessous était de savoir quelles données physiques ou mentales obtenues chez des malades anorexiques au début de l’hospitalisation permettait de prédire l’évolution à 6-10 ans.

L’étude a porté sur 108 malades atteints d’anorexie mentale, soit restrictive soit boulimique.

Elle a été réalisée à l’aide d’un questionnaire portant sur des données physiques, alimentaires, comportementales et psychiques :

Données physiques : poids par rapport à la taille (IMC : poids/(taille)2) ; signes de dénutrition cliniques et biologiques ; composition corporelle (masse maigre, masse grasse)

Données alimentaires : apports énergétiques ; apports en protides, lipides et glucides ; nombre de repas ;

Données comportementales : peur de manger, angoisse autour du repas ; peur de grossir, peur de devenir obèse, sensation d’être gros (alors qu’on ne l’est pas) ; vomissements et/ou crises de boulimie ; abus de laxatif ; importance de l’hyperactivité physique ;

Données psychiques : perfectionnisme ; difficulté d’introspection ; immaturité affective ; peur de l’avenir ;

Les 108 malades ont été suivis plus de 6 ans de façon régulière, avec au moins une visite par un membre de l’équipe une fois par an. A partir de la 6ème année, ils ont été classés comme guéris si des critères très stricts étaient tous réunis : un poids normal (IMC compris entre 18,5 et 25 kg/(m)2 ; une composition corporelle normale : masse maigre (c’est à dire muscles et viscères) compris entre 80 et 85 % du poids du corps ; aucun signe de dénutrition ; apports énergétiques normaux ; alimentation normale (3 ou 4 repas), non restrictive ; ni vomissement ni boulimie, ni compulsions alimentaires (ingestion d’une grande quantité d’aliments, avec sentiment de perte de contrôle) ; disparition des angoisses et des peurs autour du poids et des repas ; relations plutôt faciles et non conflictuelles avec les autres.

2.1. Les Résultats

En moyenne, les 108 malades furent suivis 8 ans et 5 mois (de 6,1 à 10,3 ans). Ils vinrent en moyenne à 3,8 visites par an dans le service. A la fin de la période de suivi, soit 6 à 10 ans après l’hospitalisation, 57 malades furent jugés guéris (53 %), tandis que 51 malades (47 %) se plaignaient encore de troubles.

Un certain nombre de facteurs étaient liés à la guérison future :

  • Le poids de sortie de l’hôpital prédisait, en cas d’anorexie mentale ou d’anorexie-boulimie, le poids pesé 6 mois et un an plus tard. Il ne prédisait pas en revanche le poids pesé de 5 à 10 ans plus tard.
     
  • L’ancienneté de la maladie avant la première prise en charge spécialisée prédisait le risque de ne pas guérir : 62 % des 46 malades ayant une maladie de moins de 3 ans d’évolution ont guéri, contre seulement 35 % des 62 malades dont la maladie évoluait depuis plus de 3 ans.
     
  • Le nombre d’hospitalisations antérieures sans « prise de conscience » de la gravité de la maladie et sans progression psychologique était un facteur de mauvais pronostic : 16 des 108 malades avaient été hospitalisés deux fois ou plus de deux fois avant l’étude, 17 autres ont dû l’être pendant le suivi. Sur ce total de 33 malades, 22 avaient un discours jugé « très pauvre » sur le trouble du comportement alimentaire et les mécanismes psychiques qui l’alimentaient ou l’avaient fait éclore. 18 de ces 22 malades n’étaient toujours pas guéris au terme du suivi, soit 82 %. Ceci doit être comparé aux 6 autres malades hospitalisées plus de 2 fois mais ayant « avancé » (54 %).
     
  • Vomissements et crises de boulimie (vraies) prédisaient le risque de chronicité : seuls 31 % des malades ayant eu dans les 3 premières années de leur maladie des vomissements ou des crises de boulimie guérirent, contre 64 % des malades qui n’en avaient pas eu.
     
  • Le besoin impérieux d’être plus que mince et le déni total qu’il y ait là un problème était un facteur de mauvais pronostic.
     
  • Un excès de perfectionnisme persistant : 37 % guéries contre 61 %. L’excès de perfectionnisme, à comprendre ici comme le besoin de tout maîtriser, l’incapacité de lâcher prise et de se reposer, le besoin de régler tous les détails sans hiérarchie était péjoratif.

Parmi les 57 malades jugés guéris, 18 n’expliquaient toujours pas leur maladie, soit 31 %. Parmi les 51 malades jugés non guéris, 23 n’expliquaient toujours pas leur maladie, soit 45 %.

Plus intéressant encore, un certain nombre de facteurs n’étaient pas liés à la guérison future :

  • Le poids à l’entrée à l’hôpital, le poids le plus bas ou la perte de poids la plus grande enregistrés, le degré de la restriction alimentaire à l’admission à l’hôpital, la gravité de la dénutrition ne prédisaient pas du tout la guérison de l’anorexie ou de la boulimie.
     
  • Le fait d’avoir sauté en général un ou plus d’un repas n’était en rien prédictif de « non guérison ».
     
  • Le degré d’état dépressif ou d’angoisse pendant l’hospitalisation non plus.

Tableau : Evolution à un an de la maladie (pas de symptôme ; plus d’un symptôme) selon les apports caloriques (Cal) et la prise de poids (PP) mesurés en fin d’hospitalisation (108 malades).

Variables

Sympt=0

Sympt. +

Cal > 1700 kcal/j (n=78)

71%

29%

P < 0,01

Cal < 1700 kcal/j (n=30)

14%

86%

P< 0,01

PP > 1 kg/sem. (n=71)

66%

34%

P < 0,01

PP < 1 kg/sem. (n=37)

17%

83%

P < 0,01

Des apports proches ou supérieurs au niveau des besoins (>1700 cal) et une prise de poids moins lente sont des facteurs d’absence de rechute à un an. P < 0,01 = différent par étude statistique.

3. En conclusion

On peut isoler des signes de pronostic dans l’anorexie : l’ancienneté de la maladie, la lenteur de prise de poids, des apports toujours maîtrisés, des vomissements et/ou des crises de boulimie, un excès de perfectionnisme, un manque de confiance persistant (et la méfiance à l’égard des autres).

Publié en 2008