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Les compulsions alimentaires : témoignage
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Les compulsions alimentaires : témoignage


1. Les compulsions alimentaires

1.1. Expérience personnelle : pourquoi l’aliment-médicament dans les compulsions alimentaires ?

Le Pr Rigaud a récemment écrit dans le bulletin de mars 2011 que les compulsions alimentaires avaient pour but de remplir un grand vide en soi. Je ne peux que partager et ressentir au plus profond de moi-même cette sensation de vide qui m’accompagne quotidiennement bien que ma vie soit en apparence remplie plus que de raison. Ce vide pourrait également être comparé à un grand sac percé logé au creux de notre estomac, que nous ne réussirons pas à combler à moins de réparer un jour le fond du sac, je pense.

Comment réparer le fond du sac, ce trou d’où s’échappe notre matière ? sans doute faut il réussir à comprendre l’origine du vide. Personnellement, la parole a été une première étape, qui m’a permis d’organiser ma pensée et de comprendre qu’il y avait eu une défaillance dans la construction de mon être qui m’avait conduit aux comportements déviants que je connais dans le présent. Nous y reviendrons mais je suis aujourd’hui convaincue que ces comportements sont des moyens que l’être à trouver pour se sauver, et qu’ils ne sont que la conséquence d’une situation initiale défectueuse.

1.2. Quand la parole devient inefficace

Quand la parole devient inefficace dans l’explication de nos ressentis, mon expérience m’a montré qu’il fallait savoir écouter son corps car il nous suit depuis la conception jusqu’à notre mort, et il détient tous les mystères de notre vécu. Bien accompagné par un thérapeute, le corps permet d’accéder à la mémoire des émotions d’évènements parfois vécus à une période où nous n’avions pas accès à la parole. Maintenant devenus adultes, ces évènements peuvent être retraités et verbalisés. Toute cette histoire ainsi reconstituée met parfois un sens à notre mal-être, et ainsi contribue à réparer le fond du sac.

1.3. Pourquoi choisir de se remplir d'aliments ?

Une autre question se pose dans la compulsion alimentaire : pourquoi choisir de se remplir d’aliments, pas forcément agréables, et dont les conséquences dans la prise de poids engendreront de difficultés sociales encore plus grandes?
Effectivement il y a vide dans la compulsion alimentaire mais au-delà du vide dans l’estomac, il y a une souffrance mentale extrême proche d’une déchirure, une sensation que l’être entier va se désintégrer. Calmer ce mal devient une nécessité absolue, et l’aliment est le seul recours alors à notre portée. Je comparerai notre situation à celle d’un malade atteint d’une douleur physique aigüe qui trouve dans la piqure de morphine la solution. Bien sûr ce malade n’est pas guéri, mais dans l’instant, il ne souffre plus. La déchirure que je décris serait, paraît-il, le paroxysme de l’angoisse que certains psychiatres appellent « horreur ». Ayant récemment établi ce lien entre compulsion et angoisse, j’ai voulu expériementalement déterminé si je pouvais remplacer l’aliment de la compulsion par un anxiolytique. Sentant venir le besoin de manger, un jour, j’ai remplacé la prise alimentaire par une prise de médicament. Et ainsi crise, il n’y a pas eu. J’ai ainsi pu redonner symboliquement à l’aliment son rôle de nourrir, et à l’anxiolytique son rôle de médicament.

On a choisi l’aliment pour calmer l’angoisse. Quand les crises ont commencé dès la petite enfance, difficile de penser qu’on puisse choisir la drogue, la cigarette ou l’alcool. Les prises alimentaires excessives se paient comptant au niveau de notre apparence physique. Déjà que le contact aux autres est difficile, rien que de plus aisé de justifier notre retrait du monde des enfants puis des adolescents sous prétexte de notre apparence physique. Pourquoi je dis prétexte aujourd’hui ? Comme toutes les jeunes filles, j’ai fait l’expérience des régimes les plus draconiens pour rentrer dans les standards requis. Mais quelle déception de se rendre compte que malgré mon apparence adéquate, je ne trouvais pas ce que j’espérais dans le monde extérieur. Je comprends aujourd’hui qu’il aurait été plus nécessaire de guérir ma souffrance intérieure que de songer seulement à mon apparence extérieure pour réussir à entrer dans ce monde. Avec mes yeux d’aujourd’hui, j’aurai tendance à dire qu’il faut soigner son corps avant tout pour soi-même, pour qu’il vous permette de marcher, nager, pour l’amour que vous avez de vous-même plus que pour le regard des autres.

Dans cette démarche, et pour ne pas faire souffrir notre corps et notre esprit, il faut donc que l’aliment retrouve sa place de nourrir. L’aliment ne doit pas être diabolisé. Dans les crises, nous détournons l’aliment de sa fonction primaire et l’employons comme médicament. N’est ce pas beau à une époque où toute la presse nous vante les mérites des « alicaments » !!!! Mais nous savons tous et toutes qu’en adoptant ce comportement, nous avons profondément perturbé notre régulation métabolique. Il y a un mot que j’adore, c’est « satiété » ou dans le langage courant « j’ai plus faim » ou à l’inverse « j’ai faim ». C’est la compréhension même de nos émotions et de notre corps qui devient une égnigme. Est ce que la sensation que je ressens au creux de mon estomac ressemble à de la faim ou pas ? De mon expérience personnelle, après quatre décennies de perturbation, j’ai cependant compris que pour continuer à vivre, il fallait que j’arrête de me poser ces questions qui m’envahissent la tête. J’ai bien d’autres choses à faire dans la vie. Je suis consciente que mes sensations corporelles sont pertubées, et je ne peux pas attendre qu’elles se rétablissent, ou non, pour continuer à évoluer. J’adopte donc la philosophie suivante dans « les bons jours » : « un homme ou une femme adulte mange trois fois par jour, au cours de repas » Et si au cours de l’un de ces repas, je sens que je n’ai plus faim, cela me rend heureuse voilà tout. Et si en dehors de ces trois repas, je sens une sensation dans mon estomac ou d’agitation que je peux identifier comme la faim, je préfère attendre d’être en situation de repas pour manger (si j’en suis capable…. ).

Enfin parce qu’un jour, j’ai décidé de prendre la vie à bras le corps pour ainsi dire, j’ai rencontré « le prince charmant » en forçant un peu le destin. Je ne sais pas si je vis heureuse mais j’ai eu des enfants, dont une fille qui tombe également dans les travers de la compulsion alimentaire. Elle mange quand elle a peur, elle mange quand elle est énervée…. C’est difficile de la voir faire, car je sais que cela ne mène nulle part. Tout ce que je peux lui dire est : « Tu ressens des choses en toi, dans ton estomac, qui ne sont pas de la faim. Dis toi, que ce n’est pas l’heure du repas, tu ne manges pas, il ne se passera rien ! » Car c’est bien cela la peur panique qui empêche de resister à la prise alimentaire au cours de la crise, la peur qu’il se passe quelque chose d‘épouvantable. Pour ma fille, j’essaie de lui faire comprendre qu’il ne se passera rien, que l’on va essayer ensemble de détourner son attention et je fais en sorte de vider les placards de tout aliment sucré et tentant.

A vous, qui souffrez ou avez souffert de compulsions alimentaires, j’espère que vous trouverez dans mon témoignage un peu de réconfort. Le fait de savoir que l’on est pas seul à éprouver les mêmes émotions est déjà une source de bien-être.

Valérie

Publié en 2011