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Anorexie mentale et boulimie
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Manger ne fait pas grossir


L’homme mange depuis 3 millions d’années, l’animal depuis plus de 300 millions d’années. Comment donc l’idée que manger fait grossir nous est-elle venue ?
Avons-nous à ce point perdu nos racines que le naturel nous échappe au point que devant  trois tranches de saucisson ou une cuillérée à soupe de rillettes, notre raison vacille et qu’une angoisse nous étreint ?

1. Manger ne fait pas grossir : le plus dur est d'en convaincre les patients atteints d'anorexie et de boulimie !

Parlons un peu de symbolique :
Manger nous met en scène, mais à réciter une pièce dont nous ne sommes pas l’auteur. Cette pièce a en effet été écrite longtemps avant que nous en prenions conscience par nos ancêtres, par notre culture, par notre religion, par notre famille, par nos parents et même par nos frères et sœurs aînés. Elle a été écrite et nous n’en savions rien.

Et, un jour, l’heure est à l’autonomie et à l’individualisation, et nous voici brutalement confrontés à un monde qui change et face à une culture qui par définition est figée, puisqu’elle s’inscrit dans le passé.
Un exemple ? Comment manger français (bœuf bourguignon, quiche lorraine) alors que la société moderne nous assène pizza, restauration rapide, yaourts à 0% ou soda. Le manger « français » s’efface doucement, remplacé par une modernité mondialisante.
Ce que je veux dire par là, c’est qu’en faisant le choix de la modernité, nous nous coupons de nos racines. Il faut entendre ici des idées comme famille, religion, culture.

1.1. Mais peut-être est-ce ça au fond qui nous fait peur ?

Mais, me direz-vous, je ne vois toujours par en quoi cela nous mène à « manger fait grossir ». Symboliquement nos racines, ce sont nos parents, ce père et cette mère qui nous ont nourris avant même que nous soyons capables d’y réfléchir, d’en parler.

L’enfant que nous étions, c’était, au moins dans notre souvenir, ce personnage fragile, fluet, de bien peu de poids (bien mince) face à ses « énormes » parents qui savaient tout.

L’enfant, dans les représentations médiatiques, dans les contes, c’est plutôt cette silhouette mince, ces jambes graciles. Il y a donc dans notre imaginaire, depuis qu’on nous raconte des histoires, une valeur positive à la minceur.

L’enfant c’est aussi cet être « qui croit que tout est possible », « qui ne se pose pas de questions ». C’est dire à quel point la perte de l’enfance est douloureuse ! Perdre cette enfance, c’est perdre sa naïveté.

1.2. Or donc que nous apprend la physiologie ?

Elle nous apprend qu’un niveau de poids qui est moyen (au milieu de la normale) chez l’enfant, en fonction de sa taille (indice de masse corporelle), est un poids d’extrême maigreur chez un adulte. La physiologie nous apprend aussi que les adultes, en moyenne, prennent un kilo tous les 10 ans, quoiqu’ils fassent.

Me voyez-vous venir ? En quittant l’enfance, on perd sa silhouette (dans les deux sens de l’adjectif) et donc en prenant du poids on accepte de vieillir ? Peut-être faut-il voir ici la raison qui pousse les médias à ne pas vouloir grossir ? Grossir serait accepter de vieillir.

Dans cette société de l’éternelle jeunesse, qui accepte mal de vieillir, il ne faut pas grossir. J’ai lu une publicité récemment qui disait : « comment vieillir jeune ? ».

Or, toujours physiologiquement, manger c’est consommer de l’énergie. Comme le feu consume la bûche qui en produit. En d’autres termes, symboliquement et physiologiquement manger c’est consommer sa vie, et donc y mettre une fin. Tiens, un phonème est lâché : « fin » ou « faim » !

« Manger fait grossir » nous renvoie aussi aux personnes grosses et obèses dont le nombre, nous dit-on, ne cesse de croître. S’il n’est pas discutable que l’incidence du surpoids et de l’obésité augmente, en revanche, le lien entre cette augmentation et l’alimentation reste à démontrer. Car il est faut de dire que chaque personne en excès de poids est quelqu’un qui « bouffe trop ». C’est tout aussi inexact que de dire que manger du sucre donne du diabète. La stigmatisation de l’obésité est en partie d’origine sociétale. C’est à ce point que, dès que voyons une personne obèse qui mange, nous pensons « pas étonnant qu’elle soit obèse ». Alors que si c’est une personne de poids normal que nous voyons manger beaucoup, nous pensons « c’est bien agréable de manger ».

C’est qu’au fond, c’est être obèse qui nous fait peur et que tout le monde nous a beaucoup répété que trop manger fait grossir, que manger trop gras fait grossir, que se faire plaisir en mangeant fait grossir. La personne obèse dans notre imaginaire, c’est quelqu’un qui ne se contrôle pas, qui ne domine pas ses émotions et qui cède à la tentation du plaisir. Nous oublions par là que certaines personnes sont génétiquement à risque d’obésité et qu’elles n’y peuvent rien.

2. Conclusion

Il est faut de penser que « manger fait grossir ». Ce qui fait grossir, c’est un ensemble de comportements complexes : restriction aux repas par peur de grossir, frustration, compensation sur des aliments sucrés-gras à forte connotation « plaisir » et « culpabilité », sentiment de honte, dépréciation de soi, restriction plus forte au repas ou sa suppression, aggravation des compulsions alimentaires.

Ce qui fait grossir enfin, c’est la réduction de l’activité physique rendue quasi incontournable par la mécanisation de toutes nos activités quotidiennes.

Il va donc nous falloir trouver un autre équilibre, fait d’une alimentation variée, d’une composante de plaisir alimentaire à la fois intense et limitée tout autant dans sa taille que dans sa fréquence, et fait enfin d’une lutte quotidienne contre une sédentarité qui n’est pas une fatalité.
 

Publié en 2011