Anorexie, boulimie, compulsions alimentaires : l'association peut vous aider à voir les choses Autrement

Anorexie Boulimie Compulsions
Définitions, physiopathologie, épidémiologie et maladies associées
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Boulimie et dépression : un lien dans les deux sens


Résumé : La boulimie est un besoin irrépressible de consommer une grande quantité d’aliments par crises. La boulimie est la réponse neurophysiologique à une volonté active de maigrir, alors même que le poids est normal. C’est cette restriction alimentaire « à tout prix » qui conduit au besoin irrépressible de manger en dehors des repas, et donc à la première crise.

La crise apporte un soulagement à l’angoisse chez plus d’un malade sur trois et à un état dépressif larvé chez plus d’un malade sur deux.

Mais au rebours, la succession des crises favorise nettement un état dépressif qui peut parfois être très invalidant. Dans cet enchaînement, le rôle de facteurs nutritionnels et alimentaires est souvent oublié !

1. La crise

C’est l’ingestion en un temps court d’une grande quantité d’aliments, sans plaisir, ni faim, ni rassasiement, avec un sentiment intense de perdre tout contrôle et un dégoût de soi qui induit quasi constamment les vomissements et une grande culpabilité.

2. Les mécanismes

C’est initialement soit un état anxieux, soit un état dépressif que la malade se refuse à admettre, soit un besoin de maigrir « à tout prix », soit l’association à un degré divers de ces 3 facteurs.

Au cas par cas

La personne anxieuse cherche une solution à son angoisse. C’est à dire qu’elle aspire à une diminution de celle-ci, sans pour autant chercher la cause. Chez l’homme, les solutions archaïques sont souvent comportementales : agitation, danse, excitation, activité physique soutenue, ou conduites d’addiction. Face à l’angoisse, l’homme choisit plus souvent l’alcool et la femme la boulimie. La répétition des crises, le caractère parfois (souvent) ritualisé de ces crises chez certaines personnes « détourne » le cerveau de l’état anxieux et le font oublier. Les idées obsessionnelles qui accompagnent la boulimie chez beaucoup de malades ajoutent aussi ce détournement de la pensée nécessaire à ne plus se sentir anxieux.

Ce que nous avons dit de l’angoisse s’applique en partie pour l’état dépressif. La crise crée un état d’excitation qui rend moins perceptible pour le cerveau l’état dépressif sous-jacent. Le fait de faire « acte de… » (ici mangeur) donne au cerveau l’idée qu’il fait quelque chose (chercher la solution au vide qu’il ressent) et, de ce fait, diminue le ressenti de la dépression.

Mais, dans tous les cas de figures ci-dessus, la dépression n’a pas disparu, n’a pas été traitée : Elle est moins ressentie !

3. Les conséquences

La crise induit un état d’action (mettre en bouche et avaler rapidement) qui se termine par un vomissement. Il en découle des conséquences négatives :

D’un point de vue neurophysiologique, elle crée un état d’attente de nourriture qui n’est pas comblé du fait du vomissement. Donc elle génère de la frustration et ceci même au retour de l’état dépressif. L’homme a du plaisir à manger et le fait de se retirer « le pain de la bouche » est frustrant. Peut-être même est-ce vécu comme une agression ?

D’un point de vue physiologique nutritionnel, elle crée un état de manque : carence en énergie ressentie par l’organisme et le cerveau comme un danger (d’où l’angoisse qui en résulte) ; carence en potassium qui est responsable de dysfonctionnement neuromusculaire : palpitations et extra-systoles, génératrices d’angoisse (peur de mourir). Mais aussi carences en minéraux, en acides gras et acides aminés essentiels (les constituants de nos lipides fonctionnels et de nos protéines indispensables) que l’organisme peut ressentir comme un danger et un manque.

4. Le traitement

Souvent les malades et leur famille sont convaincus qu’il n’existe aucun traitement contre cet état généré par les crises, notamment quand la dépression et l’angoisse ont précédé la boulimie. Ils se trompent. On connaît deux types de traitement du « symptôme » dépression :

L’un est médicamenteux : les antidépresseurs sont efficaces sur l’état dépressif. Tous les antidépresseurs le sont. Mais, de plus, les antidépresseurs de deuxième génération (Deroxat®, Effexor®, Ixel®, Prozac®, Séropram®, Zoloft®…), dits « inhibiteurs de la recapture de la sérotonine », sont efficaces sur la boulimie « directement », c’est à dire indépendamment de l’état dépressif. Y compris chez des malades boulimiques jugés « non dépressif » ! Ces médicaments néanmoins ne sont efficaces que chez un malade sur deux, sans qu’on comprenne pourquoi ni qu’on puisse le prédire..

Le deuxième est « mécanique » et nutritionnel : c’est la sonde nasogastrique et la nutrition entérale. Sans que l’on sache comment, la sonde aide à supprimer, ou à défaut à diminuer beaucoup, l’accès aux vomissements et au besoin de faire une crise. La nutrition entérale permet, elle, de corriger les déficits nutritionnels liés aux vomissements et à la restriction alimentaire. De ce fait, le besoin de crises régresse.

5. Conclusion

La dépression est fréquente dans la boulimie. Elle en est un des facteurs causaux mais aussi une des conséquences. Il faut la prendre en charge. Ceci peut se faire soit grâce à des médicaments antidépresseurs « inhibiteurs de la recapture de la sérotonine », soit grâce à la sonde nasogastrique et à la nutrition entérale.

 

Publié en 2007