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Sport ou marche ?


Dr Vincent BOGGIO, Pédiatre - Dijon

Les muscles, dont le muscle cardiaque, sont les seuls organes sur lesquels on peut compter pour dépenser davantage d'énergie, donc réduire la masse grasse, réserve d'énergie, lorsque les apports d'énergie par l'alimentation sont simultanément contrôlés. La dépense d'énergie augmente quand les muscles se contractent plus souvent, plus longtemps ou plus fort.

Ils se contractent involontairement, de façon réflexe, quand le corps est exposé à une ambiance froide : c'est le frisson thermique, le grelottement qui produit de la chaleur et dépense donc de l'énergie. Mais il est si pénible qu'on ne propose pas de séjourner en tenue légère dans une chambre froide pour réduire un excès de poids. Pour dépenser davantage d'énergie, on doit donc faire appel à des contractions musculaires volontaires, en choisissant entre le sport, la marche, les activités physiques ou le travail professionnel. De celui-ci, s'agissant d'enfants, il n’y a rien à dire puisqu’il est interdit.

1. La proposition sportive

Sport2.jpg Depuis plus de vingt ans, le sport est couramment présenté aux enfants gros comme incontournable pour réduire leur excès de poids : "Il faut faire du sport" ; " tu n'as qu'à - taka - faire du sport ". Certains ont effectivement guéri en suivant cette injonction. C'est remarquable mais rare. Mais la proposition sportive à visée thérapeutique se révèle souvent inapplicable ou inefficace.

L'organisation du sport n'est pas responsable de cet échec : on le constate pareillement dans des pays où elle est différente. Mais, malgré des incitations répétées et des efforts persistants, une minorité seulement d'enfants, gros ou pas, font du sport. La pratique sportive se heurte aussi à des difficultés spécifiques chez les enfants gros.

  1. L'éducation physique et sportive (EPS) est abusivement confondue avec le sport. « Notre enfant fait du sport à l'école ». Erreur : il ne fait pas de sport, il apprend le sport. L'EPS initie, éveille, éduque au sport. Elle n'est pas une pratique sportive. De même, l'éducation musicale initie, éveille, éduque, mais n'est pas une pratique de la musique. Des parents attendent tellement que l'école fasse tout pour leur enfant, qu'ils vivent dans l'illusion. Quand les enfants font du sport à l'école, c'est hors du temps scolaire, avec les associations sportives périscolaires.
  2. Le sport implique une recherche immédiate (par la compétition) ou différée (par l’entraînement) de performance, de victoire, de record. Dépasser les autres ou se surpasser soi-même est un objectif stimulant pour certains enfants et insupportable à d'autres. Question de personnalité.
  3. À côté d'effets favorables incontestables, le sport a des effets indésirables. Devant les dérives que sont le dopage et la violence sur les stades, des parents hésitent à pousser leur enfant vers une pratique sportive. La fréquence des blessures chez les athlètes, toujours douloureuses et parfois graves, pose question. Est-il raisonnable de pousser le corps au plus près de ses limites, au risque qu’il les dépasse et qu’il casse ?
  4. La pratique du sport n'est pas simple. Elle nécessite une organisation : club, terrain, encadrement, calendrier, équipement. Géographiquement, les possibilités sont irrégulièrement réparties. Les horaires interfèrent avec les horaires professionnels des parents. Les transports entre le domicile et le terrain peuvent poser problème.
  5. Le sport n’est pas gratuit.
  6. Chez l'enfant, une séquence sportive d'une heure n'entraîne pas obligatoirement une dépense d'énergie élevée pendant une heure. Cela dépend du sport et du niveau. Une heure de natation est une heure de dépense soutenue car les interruptions sont brèves. Ailleurs, les temps de préparation, d'équipement, d'explication, d'attente, de démonstration, d'organisation ou de rangement réduisent le temps où les muscles sont mis à contribution. Une heure sur un terrain de sport n’est pas une heure de sport.
  7. La pratique sportive est rarement quotidienne. Avec le sport, la dépense énergétique est irrégulière d'un jour à l'autre et d'une période de l'année à l'autre parce que le calendrier sportif découle du calendrier scolaire, lequel est bien tordu. Or, la régularité de la dépense pourrait bien favoriser le bon équilibre de la balance énergétique (égalité des apports et de la dépense).
  8. Après une séquence sportive, une habitude consiste à partager quelque chose à manger. Cette compensation immédiate de l'énergie dépensée ne favorise pas la réduction d'un excès de poids. Mais la dynamique du groupe empêche de se soustraire à ce rituel que justifient la convivialité et le plaisir et non pas les besoins physiologiques.
  9. L'enfant gros est aussi souple, aussi fort qu'un autre, mais la graisse en excès réduit l'amplitude des mouvements et la surcharge de poids gêne l'équilibre. Sa vitesse de déplacement est limitée car il porte un sac. Ces handicaps nuisent à ses résultats et réduisent sa motivation.
  10. S'il aborde le sport pour guérir, donc tardivement, il peut être confronté à des enfants entraînés depuis plus longtemps. Comme il cumule les difficultés, il perd souvent, il risque de se décourager et d'abandonner. Parfois même, il est poussé vers la sortie par l'attitude des autres enfants, voire des adultes.
  11. Le manque de moyens humains dans les clubs, associations animées par des bénévoles, peut conduire à négliger les enfants peu performants
  12. La tenue vestimentaire du sportif est souvent légère. Chez les plus jeunes, elle expose le corps du gros aux regards et accentue les moqueries et la souffrance. Au collège, la mise à nu des rondeurs, d’habitude soigneusement contenue, accroît le malaise de celui qui souffre de ne pas être comme les autres.

Au total l'enfant gros qui veut faire du sport doit être un peu sadomasochiste ou si motivé qu’on se demande pourquoi il a tant attendu.

Bien que la proposition sportive n'ait guéri que peu d'enfants gros, l'incantation thérapeutique "taka faire du sport" subsiste. Cette insistance, étonnante tant les raisons de cet échec sont nombreuses et évidentes, a deux explications possibles.

  1. Il est exceptionnel qu'un enfant qui a toujours fait, et fait encore, beaucoup de sport devienne trop gros. Entre autres bénéfices, le sport, contribue à prévenir un excès de poids. Il est tentant de proposer à l'enfant de faire maintenant, pour guérir, ce qui l'aurait antérieurement protégé. Mais on confondrait prévention et traitement, passé et présent. Le vaccin contre la grippe ne guérit pas le grippé.
  2. Répéter " taka faire du sport " à un enfant gros qui n'en a pas envie est une façon commode pour les parents de se défausser, de botter en touche et de le laisser seul face à son problème. Le légitime refus de l'enfant de faire du sport devient une excuse facile pour ne pas l'aider à guérir.
    Attention ! La méthode à préconiser ne proscrit pas le sport. Mais elle ne le prescrit pas. Quand il aura posé son sac, l'enfant guéri sera peut-être tenté par le sport s'il n'en a pas été dégoûté auparavant.

2. La marche

sport.gif Règle d’or 3 : "Je marche 30 min chaque jour ". Plutôt que le sport, il faut prescrire la marche quotidienne. Ce choix résulte de l'expérience : pour guérir un enfant gros, la marche, ça marche. On peut expliquer cette efficacité.
La marche quotidienne augmente de façon significative la dépense d'énergie. Trente minutes par jour, 7 jours sur 7, c'est 3 heures et demie par semaine. A 4 km/h, cela fait 14 km chaque semaine ou la distance d'un marathon toutes les 3 semaines. En termes de bilan énergétique, 30 min de marche quotidienne équivalent à une journée de jeûne total tous les 20 jours.

La marche est une activité motrice simple. Souvenez-vous ! Votre enfant a fait ses premiers pas - marché - entre 10 et 18 mois. L'âge et le lieu précis de cet événement sont solidement inscrits dans la mémoire familiale. C'est dire combien la marche est naturelle pour votre progéniture bipède. Il n'est pas nécessaire de l'inscrire dans un club pour qu'il apprenne à marcher, puis pour qu'il marche.

Marcher est bon marché. Mieux ! Quand la marche assure un trajet jusque-là motorisé, elle est source d’économies.

L'énorme avantage de la marche, c'est qu'un enfant peut marcher presque n'importe où, presque n'importe quand, sans préparation, ni transport, ni organisation. Pour se préparer à marcher, il faut et il suffit qu'il mette ses chaussures ! Un enfant peut donc marcher chaque jour. Les situations familiales qui l'en empêcheraient sont rares. En théorie, on pourrait prescrire avec la même efficacité une demi-journée - 3 heures et demie - de marche par semaine. Mais ce n'est pas réalisable par un enfant très jeune, un enfant non entraîné ou celui qui porte un sac. Or, au risque de se répéter, l’enfant gros porte un sac.

Une marche de 3 heures et demie consécutives donne faim et peut faire capoter la règle « Je ne doit manger que pendant les repas ». Pour guérir d'un excès de poids, la régularité d'une dépense d'énergie quotidienne modérément augmentée, par la marche, pourrait bien être déterminante.

La durée de 30 minutes, obtenue par tâtonnements, est nécessaire et suffisante, donc raisonnable. Moins de 30 minutes allongeraient trop le traitement. Or, l'enfant se décourage si le résultat est trop lent. Plus de 30 min est envisageable de temps en temps à condition que la fatigue et les courbatures de l'hypermarché d'un jour n'empêchent pas le marcher du lendemain.

Trente minutes égalent 2,08 % de 24 heures. Reste 97,92% pour autre chose. Pour un enfant qui dort 10 heures et travaille 7 heures, 30 min égalent 7,14 % du temps restant. Marcher 30 minutes chaque jour n'empêche pas de faire ses devoirs, de faire du sport ou de regarder la télévision. Trente minutes est la durée d’une séance de kinésithérapie.

Trente minutes de marche, ça ne se marchande pas. Les parents aussi savent marcher ! Sauf handicap, ils peuvent accompagner leur enfant s'ils le veulent et s'il le veut. Pour les plus jeunes, la question ne se pose pas : ils doivent l'être. Si les parents sont deux, la contribution de chacun tombe à 30 minutes tous les 2 jours ou 15 minutes chaque jour. Les grands-parents peuvent s'inviter à cette marche thérapeutique et contribuer à la guérison. La convivialité n'est pas réservée au repas. Marcher ensemble est convivial.

Le Programme national nutrition-santé (PNNS), mis en place en 2001, recommande à tout un chacun de faire au moins l'équivalent d'une demi-heure de marche rapide par jour. Accompagner un enfant gros dans sa marche quotidienne est bon pour la santé du parent.

Marcher 30 min chaque jour ne nécessite pas une planification complexe. On peut facilement l’intégrer à l'emploi du temps. Toutes les situations ne sont pas envisagées mais cette prescription a un atout majeur : son adaptabilité. Selon l'enfant, la famille ou le jour, ces 30 min trouvent leur place le matin ou le soir. Elles peuvent être fractionnées en 2, voire en 3 ou 4 si les trajets d'école sont utilisés pour marcher.

Fractionner davantage serait déraisonnable. Marcher 30 min/jour est une prescription positive. Ceci ne revient pas à proscrire ou même réduire le temps dédié à la télévision, aux jeux vidéo ou à l'ordinateur. D'ailleurs, ces activités ne dépensent ni plus ni moins d'énergie que la lecture, les leçons ou la rêverie. Les parents qui trouvent que leur enfant la regarde trop sont confrontés à une sympathique question éducative, quel que soit son poids. L'objectif est de guérir l'enfant gros, pas de résoudre les contentieux éducatifs. On peut attendre sa guérison avant de s'attaquer à l'usage excessif de la télévision. Vouloir régler les deux problèmes à la fois peut conduire à n'en résoudre aucun.

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3. Les activités physiques

Conscients des insuffisances et des échecs de la proposition sportive, des thérapeutes conseillent aux enfants gros de faire davantage d'activités physiques. Pour garantir l'efficacité de cette recommandation, il faudrait d'abord préciser le vocabulaire. En physiologie, activité physique, au singulier, s'oppose au repos. Augmenter l'activité physique signifie diminuer le repos. Mais qu'entend-on par activités physiques, au pluriel ?

Physiques s'oppose à mentales. Sont exclues les activités intellectuelles, y compris les sports cérébraux : jeu d'échecs ou mots croisés. Effectivement le travail cérébral, même intense (pensée, réflexion, calcul) ne dépense pas plus d'énergie que le sommeil. La dépense énergétique du cerveau est constante, 24 h sur 24.

Les activités physiques sont proches du sport et partagent certaines de ses caractéristiques, avantages et limites. Ainsi, à l'université, l'éducation physique et sportive a été remplacée par les sciences et techniques des activités physiques et sportives (activités physiques et sport serait plus logique).

Pour les adultes, les activités physiques désignent l'utilisation intensive non professionnelle des muscles dans un cadre de loisirs, et remplace culture physique, connotée passéiste et hygiéniste, activités de plein air, disparues quand les terrains sont devenus des salles, efforts physiques, trop fatigants, ou exercices physiques, pas assez ludiques.

Ceux qui recommandent aux enfants de faire davantage d'activités physiques sont plus à l'aise pour dénoncer les contre-activités physiques (télévision, console de jeux, ordinateur) que pour énumérer ces fameuses activités physiques. Ils citent la marche, le vélo, le roller, conseillent l'escalier plutôt que l'ascenseur... Les parents ajoutent, selon l'âge de l'enfant : trottinette, planche à roulettes, ballon, raquettes ; piscine, square, jardin, cour, tas de sable, toboggan ; courir, sauter, lancer, grimper, danser ou simplement bouger. Les activités physiques sont donc des jeux et occupations d'extérieur, souvent communes à plusieurs enfants. La récréation scolaire en est un cadre privilégié. Elles sont limitées par l'environnement, la météorologie, la nécessité d'une surveillance et la solitude.

Pour augmenter efficacement la dépense d'énergie, les activités physiques supposeraient une intensité régulière, une programmation et une organisation comme celles d'un centre de loisirs, d'une colonie de vacances ou d'un internat spécialisé pour enfants gros.

En définitive, il faut travailler avec l’enfant pour inciter à l’activité physique plus qu’au sport. Il ne les proscrit pas ! A l'enfant qui veut se battre contre son problème de surpoids, il faut présenter la marche comme un médicament indispensable. Quand il sera guéri, pour prévenir les rechutes, il pourra, comme le suggère le PNNS, faire au moins l'équivalent d'une demi-heure de marche rapide par jour, par exemple des activités physiques ou du sport.