Anorexie, boulimie, compulsions alimentaires : l'association peut vous aider à voir les choses Autrement

Anorexie Boulimie Compulsions Obésité
Définitions, physiopathologie, épidémiologie et maladies associées
Aspects psychosensoriels de la prise en charge de l'obésité Comment calculer les besoins chez le patient obèse ou dénutri ? Comportement alimentaire et image de soi Épidémiologie de l'obésité Le rôle de la génétique Nutrition et acides gras Obésité de l'enfant Obésité et anorexie : ce qui les rapproche Pourquoi est-on obèse ? Troubles du comportement alimentaire et obésité Troubles du comportement alimentaire et obésité
Cas clinique et complications Traitement
Nutrition Alimentation

Pourquoi est-on obèse ?


L’obésité est associée à différents troubles et pathologies digestives : reflux gastro-oesophagien (RGO) et oesophagite peptique, troubles de la vidange gastrique, lithiase biliaire chez la femme et cholécystite, anomalies hépatiques allant de la stéatose simple à l’hépatite pseudo-alcoolique et à de rares cirrhoses, constipation et cancer du colon. Parmi ces complications, certaines sont indiscutablement induites par l’obésité : RGO, lithiase biliaire, stéatose hépatique et hépatite pseudo-alcoolique.

Le médecin est confronté à l’obésité du fait de ces complications cardio-vasculaires, mais aussi hépato-biliaires et digestives.

1. Obésité : Fréquence

Le poids corporel moyen de la population française s’accroît ! La fréquence de l’obésité est en augmentation constante dans tous les pays à haut niveau de vie depuis 20 ans. A titre indicatif, sa fréquence a doublé aux USA entre 1976 et 1995. En France, la fréquence de l’obésité simple a augmenté de 40 % en 15 ans. Elle a doublé chez l’enfant, où les obésités sévères ont été multipliées par 4 en 20 ans.
La fréquence de l’obésité est en augmentation, chez l’enfant comme chez l’adulte, chez la femme aussi bien que chez l’homme.

A l’heure actuelle, la fréquence de l’obésité est estimée à 15 à 25 % de la population adulte (selon les régions), si l’on prend comme valeur seuil un indice de masse corporelle (IMC = Poids/(Taille)2) de 27 kg/(m)2. Cette fréquence est plus élevée dans le Nord et l’Est de la France (20-25 %) que dans le Sud Ouest, le Sud Est ou l’Ile de France (15 %). Elle est de 8 à 10 % chez l’adulte si la valeur seuil d’IMC est fixée à 30 kg/(m)2. Elle est de 2 % chez l’enfant.

La fréquence de l’obésité est de 15 à 25 % de la population adulte française selon les régions.

Définition et types d'obésité

L’obésité est un excès de masse grasse conduisant à un surpoids important, associé à une altération de la qualité et de l’espérance de vie.

Il ne s’agit donc pas d’un problème esthétique, mais bien d’un état pathologique. Pour plus de commodité, on définit l’obésité comme un excès de poids pour une taille corporelle donnée. C’est l’indice de masse corporelle (IMC). La valeur seuil, autrefois de 27 kg/(m)2 , a été rehaussée récemment, pour des raisons économiques (coût de la Santé), à 30 kg/(m)2 :

IMC = (Poids/(Taille²) > 30 kg/m²

(à titre indicatif, ceci donne environ 89 kg pour 1,72 m, ou 83 kg pour 1,66 m).

Il n’y a pas une mais des obésités : On distingue les obésités androïde (abdomino-mésentérique)
ou gynoïde (fessio-crurale).
Ceci conditionne complications et pronostic.

Cette distinction n’est pas anodine : il y a en effet, une grande différence de risque de complications et maladies associées à l’obésité, selon qu’elle est abdomino-mésentérique ou gynoïde. A titre indicatif, les complications hépatiques, métaboliques et cardio-vasculaires sont 3 à 4 fois plus fréquentes en cas d’obésité abdomino-mésentérique qu’en cas d’obésité gynoïde. A l’inverse, la lithiase biliaire est plus fréquente en cas d’obésité gynoïde.

Il est simple de les différencier : le rapport de la circonférence de la taille sur celle des hanches : RTH ; d’aucuns prennent en compte seulement la circonférence de la taille (CT) :
* RTH (rapport des circonférences taille / hanches) : 
Androïde : RTH > 0,9 chez femme,
RTH > 1,0 chez homme
* CT : Androïde : 90 cm chez la femme
 100 cm chez l’homme

2. Physiopathologie de l'obésité

Les anomalies qui conduisent à l’obésité sont très variées : il n’y a aucune chance que l’on trouve le gène de l’obésité. Ainsi n’y a-t-il rien de commun entre l’obésité génétique d’un « petit mangeur » et l’obésité acquise d’un compulsif. Les mécanismes et par voie de conséquence le traitement ne sont pas les mêmes.

L’obésité est toujours liée à un déséquilibre chronique de la balance énergétique :
Les entrées sont supérieures aux sorties.
 
On distingue les obésités par augmentation des ingesta et celles liées à une réduction des dépenses énergétiques (Tableau 1). Il y a donc des cas où les entrées sont excessives (les sujets mangent « trop ») et d’autres où les sorties sont diminuées (la dépense énergétique est diminuée).

Important
: Il faut se rendre à l’évidence : les obésités sont un état qui se constitue sur des années. Il n’y a pas besoin d’une grosse différence entre entrées et sorties pour expliquer une prise de poids importante : à titre indicatif, on admet qu’un bilan énergétique positif de 100 kcal/j revient à une prise de poids de 14 g/j : ceci fait 5 kg en 1 an et, avec les adaptations qui se font, 10 kg en 5 ans ! Et 100 kcal/j, c’est bien difficile à mettre en évidence !
 

3. L'obésité par augmentation des ingesta

Pour certains patients gros mangeurs, ce qui est en cause c’est l’augmentation de la sensation de faim et l’allongement du temps de rassasiement : la faim est plus forte ou plus durable ; ces sujets mangent trop aux repas. Pour d’autres, c’est le raccourcissement de la phase de satiété qui est en cause : le sujet mange plus souvent en dehors des repas. Dans ces anomalies des conduites alimentaires, l’habitude (sociale ou personnelle) joue un rôle important et fige le comportement. L’anomalie se situe au niveau hypothalamique (où sont les centres de la faim et de la satiété). Les médiateurs possibles sont multiples, mais aucun n’a fait clairement la preuve de son implication forte et fréquente : citons la sérotonine, ses transporteurs et multiples récepteurs, la leptine, la cholecystokinine, les opioïdes endogènes, le neuropeptide Y.
 
Chez d’autres obèses, le mécanisme est un trouble du comportement alimentaire : grignotage, compulsions sucrées ou salées. Ici, c’est l’interrelation entre prise alimentaire et humeur (angoisse, peur, état dépressif, mal être) qui est en cause. Il s’agit là de troubles fréquents : il faut les dépister, pour bien soigner le malade obèse.
 
Ce qu’il faut retenir
La compulsion alimentaire n’est pas de la boulimie. C’est une pulsion qui impose au sujet la prise d’un ou d’un petit nombre d’aliments dont il a envie, avec difficulté de s’arrêter lorsqu’il a commencé. Mais il y a un certain plaisir à le faire, ce qui n’est pas le cas dans la boulimie. Surtout, il n’y a pas de « pensée anorexique » : le malade n’a pas ce besoin impérieux de maigrir à tout prix. Donc, il ne vomit pas et ses compulsions le font grossir.

4. L'obésité par diminution des dépenses énergétiques

  • On sait que certaines obésités familiales sont liées à une réduction des dépenses énergétiques. Ainsi, dans une population, ce sont ceux qui ont la dépense énergétique de repos la plus basse qui prennent le plus de poids
  • La réduction de la dépense énergétique postprandiale (DEPP ) est également en cause. La DEPP représente 15 % de la dépense de la journée. Elle a deux composantes : l’une strictement liée à l’oxydation des nutriments (l’effet thermique des nutriments) et l’autre dépendante du système sympathique de contrôle (b1, b2 et b3 qui augmentent et a2 qui diminue l’oxydation). C’est cette part facultative qui serait en cause. Elle serait absente ou diminuée chez certains sujets qui ainsi oxyderaient moins au décours du repas et grossiraient donc d’autant.

5. L'obésité est-elle génétique ?

  • Il est clair que l’obésité, en tant que syndrome, a une part génétique.
  • Les niveaux de preuves sont de différents ordres :
♦ Tout médecin connaît des « familles d’obèses ».
♦ Tout chercheur connaît des « populations d’obèses », dont la plus connue est celle des indiens Pima du sud des USA.
 
Lorsqu’on étudie des paires de vrais jumeaux, il y a, dans l’évolution du poids à la suite d’une surcharge calorique, beaucoup plus de ressemblance entre les 2 jumeaux de la même paire qu’entre jumeaux non apparentés.
 
On a isolé depuis peu quelques gènes candidats à l’évolution du poids. On connaît ainsi un gène exprimé au niveau du tissu adipeux et qui contrôle la production d’une hormone, la leptine, qui diminue la sensation de faim d’une part et augmente un peu la dépense énergétique d’autre part. Il y a aussi des mutations de gènes impliquées dans l’évolution du poids, comme par exemple le gène contrôlant la production de l’UCP1 et de l’UCP2, protéines qui favorisent la production énergétique de chaleur dans la mitochondrie, ou gène régulateur du récepteur b3 adrénergique.
 
On admet actuellement qu'environ 30 % de l’obésité est de nature génétique. Il est clair cependant qu'il n'y a pas un gène de l'obésité, mais un ensemble de facteurs génétiques qui jouent un rôle, dans certains cas, dans la genèse ou l'évolution de l'obésité en fonction de facteurs liés à l'environnement.
Le récepteur des neuropeptides qui pilotent la prise alimentaire, comme le MC4R, le récepteur aux cannabinoïdes, sont sans doute impliqués également.
 
En pratique, que faire devant un malade obèse
1. Ne pas dire comme une évidence péremptoire : « mangez moins », il y a déjà pensé !
2. Évaluer le contexte génétique : corpulence des 2 parents et quatre grand parents et des frères et soeurs. Il est injuste et irréaliste de demander à un sujet atteint d’obésité génétique d’atteindre un IMC normal (entre 20 et 26 kg/(m)2) !
3. Chercher un trouble du comportement alimentaire (compulsion, grignotage pathologique) : les malades n’en parlent pas volontiers et il serait ridicule de donner un régime très restrictif à ce type de patients, chez qui ceci augmenterait la fréquence des crises.
4. Evaluer le risque : le sexe masculin, un rapport Taille/hanches > 1, des antécédents familiaux métaboliques ou cardio-vasculaires (diabète, dyslipoprotéinémies, infarctus du myocarde), le degré d’obésité (le risque croît de façon logarithmique avec l’IMC).
5. Evaluer les complications et facteurs de risque associés : sexe, tabagisme, pression artérielle, glycémie, cholestérol total et HDL (le cholestérol total peut être normal et le HDL effondré en cas d’obésité androïde), triglycérides.
6. Faire un projet réaliste et responsable : personne ne perd 10 kg par mois ! A titre indicatif, une perte de 10 kg sur un an et de 10 à 14 kg sur deux ans est déjà un vrai succès : essayer et vous verrez !
7. Prenez en charge conjointement toutes les complications et maladies associées : ce n’est pas parce qu’un malade ne maigrit pas « assez » qu’il faut le « priver » d’un traitement efficace de son HTA

 

Augmentation
de la prise alimentaire

Diminution
de la dépense énergétique

OBESITÉ GÉNÉTIQUE

Déficit relatif en leptine ou défaut sur son récepteur hypothalamique

Dépense énergétique (DE) de repos basse (10 % suffisent)

 

 

 

Appétence accrue pour les lipides alimentaires

DE postprandiale diminuée

Hyperphagie constitutionnelle

Défaut de lipolyse adipocytaire

Satiété courte

Déficit relatif en leptine ou défaut sur son récepteur périphérique

OBESITÉ ACQUISE

Hyperphagies prandiales

Arrêt du tabac

 

 

 

 

Compulsions et grignotages

Grossesses répétées chez femmes prédisposées

Régimes trop restrictifs mal adaptés

Diminution de l’activité physique

Etat dépressif

Perte de masse maigre

Angoisse et « stress »

Traitement oestroprogestatif

Traitement antidépresseurs (certains) et lithium

Hypothyroïdie et hypercorticisme

6. Bibliographie

  1. Fricker J. Obésité. Ed. Masson (Paris) 1995 ; 307 p.
  2. Fischler C. L’omnivore. Odile Jacob (Paris) 1990.
  3. Laville M, Ziegler O, Basdevant A. Recommandations pour le diagnostic, la prévention et le traitement des obésités en France. Cah Nutr Diét 1998 ; 33 (suppl 1) : 1-48.
  4. Simopoulos AP, Van Itallie TB. Body weight, health and longevity. Ann Med Int 1985 ; 103: 285-95.
 
Publié en 2007